La vision du physique de notre jeune chinoise vue par les autres et par elle-même est très divergente. D’un côté les passants diront sans aucun doute qu’elle est très jolie, qu’elle doit avoir du succès, mais de l’autre, elle vous répondra que c’est faux et que rien chez elle ne pourrait attirer quelqu’un. Bien évidemment, c’est un mensonge. Même elle ne le pense pas ou, plutôt, ne veut pas le croire. De toute façon qui voudrait absolument se persuader qu’il est totalement repoussant ? Son passé a eu beaucoup de répercussion sur son état corporel actuel. Notamment le fait qu’elle possède quelques cicatrices persistantes dans le dos. C’est bien une chose dont elle a honte et cache par le port de vêtements. Jamais vous ne la verrai mettre un maillot de bain ou bien un dos nu.

Par ailleurs, sa manière de s’habiller peut très bien cacher les petits complexes de la chinoise sans pour autant alerter la population des alentours. L'une des choses qu'elle n'aime pas chez elle était sa petite taille. Elle ne dépassait pas les un mètre soixante. Mais que ce soit grâce à l’aide de son seul proche, Li Ming – son frère –, ou par elle-même Mei arrive à manier l’art de la mode pour dévoiler la femme qu’elle est. Jamais elle n’est tombée dans le schéma où elle devait être camouflée dans des vêtements pas du tout féminin pour rester dissimulée. Non, elle préférait mourir plutôt que de se condamner toute seule. Elle voulait vivre et être appréciée des autres. Mei voulait être acceptée pour ce qu’elle était. La vie, non seulement elle la souhaite, mais elle la reflète par les couleurs toujours vives de ses vêtements. Très peu pour elle le noir, elle préfère de loin le rose, le rouge et le jaune.

Beaucoup de personnes trouvent que Mei et Ming se ressemblent beaucoup. Pourtant, malgré quelques ressemblances (comme le fait qu'ils possèdent à quelque chose près le même nez ou que leur posture est parfaite), l’aura autour des deux personnages n’est pas du tout semblable. Certains ne savent pas si c’est le regard qui change la donne. En effet, bien que ses yeux soient très proches de ceux de son frère, Mei a la particularité d’avoir vécu pas mal d'événement dans sa vie et d’accumuler la fatigue. Une once de mélancolie s’est installée dans le regard de la jeune femme. Son visage souriant attire les regards. Elle ne cherche pas à aller au-delà de ses capacités. Elle sait que son corps n’est pas assez en bon état pour pouvoir supporter toutes les activités dont elle reverrait de faire.

Pourtant, lorsqu'elle est en présence de Ming, elle change du tout au tout. Vous pouvez oublier la fille pleines de remords écrits sur le visage ! Soudainement, elle semble vivante, pleine d’entrain et rit aux éclats. Auprès de lui, même en portant des talons, elle pourrait courir tout le long du fleuve Han, car ce serait un bon moment partagé ensemble. Son frère était probablement la seule personne devant laquelle elle pouvait se montrer sans maquillage. Sinon, il lui fallait toujours un trait de crayon, du mascara et du gloss pour pouvoir être « potable ». Pour aller avec son côté girly, elle aimait porter quelques bijoux, mais elle n’en possédait pas des tonnes. Un seul accessoire suffisait. Si son chouchou pour sa queue de cheval était assez extravagant, ce n'était pas la peine d'en rajouter.

Au bout du compte, elle était simple. Parfois, alors qu'elle en avait marre d'être la femme parfaite, elle abandonnait jupes, shorts et se décidait à porter des jeans et des sweats larges avec des sneakers. Elle se sentait à l'aise, mais toujours féminine dans un sens. Peut-être est-ce sa manière de porter les choses qui la rend toujours aussi mignonne peu importe son accoutrement ?

Si vous voulez devenir l’ami de Mei, il ne sera pas très difficile d’y parvenir. Vous pouvez l’aborder dans la rue, dans les couloirs de l’université, il n’y aura aucune crainte à avoir pour une réponse d’elle. Au contraire, elle sera ravie de voir que quelqu’un veut discuter un peu avec elle et prendra de son temps pour cela. Elle aime donner, même si elle ne reçoit pas toujours en retour. Jamais vous ne pourrez percevoir qu’elle est une personne faible à l’intérieur et que son corps résiste peu aux attaques du monde extérieur, car son sourire, sa façon d’agir aussi innocente – malgré qu’elle est loin de l’être – vous fera croire qu’elle est juste naïve. Au contraire, elle est très consciente de ce qu’elle fait et de ce que les autres lui réservent. Si elle se sent mal auprès de quelqu’un, c’est qu’elle sent que quelque chose n’est pas net ou qu’il lui veut du mal.

Si vous tentez de lui parler en coréen, vous allez avoir du mal à communiquer tous les deux. Peu de mots vont sortir de sa bouche et vous aurez peut-être l’impression qu’elle vous ignore un peu. Ce n’est pas parce qu’elle déteste la langue ou qu’elle ne souhaite pas faire d’effort pour vous, mais tout simplement parce qu’elle ne sait pas parler coréen. Elle connait que quelque mots et expressions appris lors de son voyage jusqu’à Séoul et se promène toujours avec un dictionnaire chinois/coréen sur elle au cas où. Au contraire, si vous parlez chinois ou anglais, alors vous serez le bienvenu dans ses conversations quotidiennes ! Elle aimerait avoir un(e) ami(e) qui puisse lui apprendre le coréen sans qu’il y ai de difficultés de compréhension entres les deux individus.

Face aux différences, elle est assez respectueuse du fait qu’elle est elle-même pas « normale ». Si, toutefois, certaines incompréhensions culturelles la gêne, elle le dira franchement pour tenter de comprendre. De toute façon, elle n’est pas ici pour se fâcher avec le pays qui l’accueille. C’est une personne patiente qui prend le temps de poser les choses à plat en y réfléchissant longuement pour ne laisser aucunes zones d’ombres. Sa curiosité dépasse parfois ses amis qui n’arrivent pas à répondre à toutes ses questions – peut-être car ils pensent que c’est un comportement enfantin –.

Sa quête de la compréhension du monde passe par l’art également. C’est son frère qui l’a initié au dessin et qui lui a donné l’endroit d’extériorisé de cette manière. Elle aime représenter les choses qu’elle voit, que ce soit des paysages comme des personnes ou juste des émotions. Elle considère que cet art est une danse des mains. Elle peut être gracieuse, réaliste, contemporaine ou désagréable… Cela dépend de ce que l’on veut transmettre à l’autre. Mei, qui n’a jamais pu faire de sport à cause de sa faible santé, considérait cet exercice comme son sport olympique. Lorsqu’elle n’arrive pas à trouver l’inspiration nécessaire pour faire ses dessins, elle peut devenir assez irritable.

Pour cause, son perfectionnisme. C’est certainement ce qu’il l’handicape le plus au jour le jour, car sa sur-confiance en soi lui donne l’impression qu’elle peut tout réaliser comme elle en a l’idée dans son esprit. C’est un peu compliqué d’achever les choses aussi proprement, mais pour elle, c’est une sorte de besoin. Elle va certainement être assez perturbée si les choses ne sont pas comme elle les a prévues, mais sa force de volonté lui donnera l’énergie nécessaire pour qu’elle y parvienne. On peut dire qu’elle est très têtue, c’est un fait. Mei a un autre défaut qui la ronge : elle dramatise tout, même les plus petits détails qui ne servent à rien.

C’est pourquoi il lui est impossible d’être seule sans quoi elle pourrait vite se transformer en malade mentale. Son accumulation de stress à cause de ses crises de dramatisation inutiles ne peut être bloquée que par la présence d’une tierce personne. D’ailleurs c’est un peu le rôle que joue son frère, Ming. Même si elle est indépendante, elle ne peut rester seule. Mei a besoin que quelqu’un soit auprès d’elle, l’apprécie et l’admire. Son besoin de flatteries et d’être posée sur un piédestal provient probablement du fait qu’elle a toujours été rabaissée. Ce n’est pas seulement qu’elle a l’ambition d’être heureuse, c’est qu’elle ne peut supporter l’idée de ne pas l’être. Sans doute juge-t-elle que ça pourrait blesser son reste de fierté ? Si fière qu’elle ne pourrait pas supporter que l’on puisse lui porter préjudice. D’une certaine façon, même si elle est toujours présente pour aider autrui, elle reste très égoïste. Si, pour autant, il lui viendrait d’être blessée, elle n’ira en parler à personne à part, sans doute, des amis très proches d’elle. Jamais elle ne devrait succomber et s’avouer vaincue.

Ah, et surtout, ne lui donnez surtout pas un bonbon à la menthe…

« 1993年8月... Août 1993. Ma naissance fut comme l’été durant lequel j’ai été mise au monde. Le 22 Août était l’une des journées les plus chaudes de tout le mois : l’hôpital qui n’était pas climatisé incitait plutôt à concentrer toute cette chaleur pour rendre l’accouchement presque insupportable. Les conditions n’étaient pas réunies pour accueillir un bébé tel que moi en toute sûreté. Je me demande bien aujourd’hui comment ma mère a bien pu vivre cet événement. J’avais eu ouïe dire que dès que j’ai vu la lumière, je suis tombée malade. Les docteurs étaient bien embêtés à cause du manque de moyens de l’époque, mais finalement, tout était allé pour le mieux. Malgré le fait que tous les membres de ma famille étaient heureux de m’avoir parmi eux, je n’ai jamais réellement connu mes parents. Dans le courant de l’année, ils ont subitement disparu. Ma grand-mère nous avait pris – moi et mes grands-frères – sous sa protection. Etant qu’un poupon, cette situation avait été acceptée comme un fait. Naturellement, j’avais appris à marcher, à parler et à manger correctement, bien que j’attrapais plus froid que les autre. Les médecins me disaient toujours : « C’est normal. Certaines personnes ont un corps plus fragile que d’autre. »

J’aimais ma famille plus que tout. J’avais un grand-frère aîné qui était déjà très réfléchi qui m’appréciait beaucoup. Je n’accordais pas de préférence parmi mes frères. Que ce soit Meng-Ge ou Ming-Ge, j’aimais passer du temps auprès d’eux. Etant la seule fille après deux garçons, ma grand-mère attachait beaucoup d’importance à mon existence. Dans notre culture, les hommes construisent leur futur, mais les femmes s’accrochent à celui de leur mari. Mon nom avait aussi été donné dans l’idée de mon destin : Mei. Le caractère signifie « beauté ». Grand-mère voyait en moi le futur d’une très bonne épouse, parfaite en tout point. J’ai vécu quatre ans de ma vie à être traité comme la petite princesse de la famille qui sera certainement mariée à un riche héritier. On m’enseignait déjà comment me comporter comme une fille de bonne famille et à saluer correctement les adultes. Même si ma mémoire est floue sur cette période, j’en garde le vague souvenir de la paix intérieure.

Soudainement, sans l’ombre d’un symptôme, j’ai senti mes membres se déchirer. Comment décrire avec précision et justesse la douleur que j’ai ressentie ? Cela n’avait duré qu’une minute, mais c’était tellement intense qu’alors que je n’avais que quatre ans – âge d’innocence – j’ai cru que j’allais disparaitre comme mes parents. La sensation de perforation vive et l’envie de régurgiter tous ses organes de son corps s’étaient faites ressentir. « Nainai ! Ah-Mei refait une crise ! » Pendant ce cours laps de temps, j’ai vu mes frères devenir inquiets pour moi en entendant mes cris de souffrances. Grand-mère a couru vers moi toute aussi désemparée. Mes yeux semblaient se fermer – je tentais pourtant de lutter – et l’expression de ma tutrice s’est transformée. Je ne comprenais pas ce que ce nouveau visage signifiait réellement, mais les traits durs à la limite de l’irritation avait été mes dernières images avant de sombrer.

« Cet enfant n’est pas de notre famille. Elle est différente de nous. »

Je ne sais pas combien de temps j’étais restée inconsciente, mais une fois réveillée, non seulement j’étais seule, mais également enfermée dans une chambre lugubre. Je me sentais beaucoup mieux comme si tous mes ressentis durant cette minute morbide n’avaient jamais existé. Je n’avais pas eu besoin d’aller jusqu’à la porte pour entendre une voix familière hurler avec une voix masculine. Je ne comprenais pas les mots qui me parvenaient et j’avais préféré penser que ce n’était pas véritablement la voix de ma grand-mère que j’entendais. « Cette enfant n’est pas de notre famille. Jamais je n’accepterai que ce genre de créature s’ajoute à notre arbre généalogique, compris ? » Mon cœur s’était alors mis à se compresser, ma respiration était devenue instable et cette idée de mort m’était revenue. A ma surprise, la seule personne à avoir répondu à mes appels d’agonie était un jeune garçon, pas plus âgé que Ming-Ge. Il s’est approché de moi, m’a tenu la main et a déposé ses lèvres sur les miennes.

Mon éducation que j’avais reçu jusqu’à maintenant me disait de refuser ce baiser de ce jeune garçon, mais d’un autre côté, la purification qu’il me procurait ne me le permettait pas. Cette personne semblait être un dieu descendu des cieux pour soulager mes souffrances et je me percevais déjà comme une personne miraculée. Cependant cette vision des choses n’avait pas duré très longtemps, grand-mère avait pénétré la salle. Mon soulagement en la voyant fut réduit à néant lorsqu'elle porta pour la première fois un coup sur mon visage. L’homme qui était avec elle semblait vouloir me défendre, mais il était déjà trop tard pour faire disparaître les bleus sur mon corps. Le jeune garçon ne disait rien et continuait à me tenir la main. « Comment un tel monstre peut partager les gênes de mon fils? Il n'aurait jamais du être avec cette femme depuis le début… » J’avais quatre ans et j’ai vu pour la première fois ma grand-mère pleurer. A cause de ma présence.

Ce jour-là, j’ai beaucoup pleuré.

En Chine, un proverbe dit : « Un cochon mort ne craint pas l’eau bouillante. » Cela s’utilise lorsque la situation ne peut pas être pire. Je pense que ce que j’ai vécu à la suite de cet incident n’était pas aussi dur que la dure claque que j’ai prise en pleine face. La réalité que mon espèce était mal accepté des humains. Même si j’étais devenue le bouc émissaire de personnes qui m’étaient chères, petit à petit, je m’étais habituée. Entendre les réflexions sur ma race, les Twaos, m’avaient fait penser que c’était la vérité. Je m’appelais moi-même « le monstre ». Les heurts qui m’étaient offerts me semblaient alors naturels. J’étais une « sous-race ». Mes repas, si j'en avais le droit, m'était servi comme s'ils étaient destinés à un chien. Je ne mangeais plus à table avec les autres. De la même sorte que les renards à neuf queues, il fallait me fuir. Pourtant, je ne faisais pas de mal…

Ce n’était sans compter l’aide moral et physique de Ming-Ge. Alors que Meng-Ge et grand-mère me maltraitaient, il était venu s’interposé pour me protéger. Bien que j’avais conscience de cette présence importante, je n’avais pas idée du mal que la mienne lui infligeait. Il était devenu mon bouclier, mon ange gardien comme ce petit garçon dans la chambre sombre. Grace à lui, je n’avais plus peur du monde extérieur. Pour ne pas rendre ses actions inefficaces, j’ai gardé mon sourire sur mon visage. J’ai continué à vivre pour son bien. Je voyais que ça lui faisait plaisir, mais d’un autre côté, le voir ainsi me brisait mon cœur. Il avait beaucoup pris en maturité et m’impressionnait. D'ailleurs, je suis toujours pleine d’admiration face à son courage et cette maîtrise de lui. On dépendait l’un de l’autre certainement.

Sans que personnes ne le sache, je me rendais lorsque j’échappais à l’attention des autres dans la ville à côté de Wuhan pour recevoir mes charges. Elles étaient rares, mais lorsque j’allais dans cette petite maison, je vivais une vie différente. Le petit garçon qui m’avait sauvé plus tôt s’appelait YanCheng. Elle semblait vivre sans se cacher avec cette personne qui était comme elle. Sans gêne, on parlait de tous les sujets. Je lui racontais les souffrances du quotidien et se fut lui qui changea ma vision d’elle-même. Non, je n’étais pas un monstre. Des milliers de personnes étaient comme nous et vivaient heureux. Voulant en savoir plus, YanCheng m’expliqua l’histoire des Twaos et la légende sur les âme-sœurs. J’étais encore un peu jeune, seulement rencontrer sa moitié semblait un conte de fée et un miracle. Je voulais vivre ce miracle.

Ming-Ge était vraiment, pour moi, un peu une partie de ce miracle. Même s’il n’était pas un Twao et qu’il ne pouvait pas être ma moitié, il était tout de même comme une part de moi. De temps en temps, lorsque mes rapports avec Meng-Ge ou grand-mère dégénéraient, il me demandait d’aller à l’étage et subissait ma sentence. J’allais dans sa chambre et je l’attendais. Par la suite, il me prenait sur ses genoux et me faisait dessiner. Il me disait toujours qu’il fallait toujours extérioriser nos peurs et nos haines à travers d’autres moyens que la violence, que le comportement de notre famille était inacceptable. C’est grâce à lui que j’aime autant les arts. Sans cet amour et ce réconfort, j’aurais été mise à néant, vue simplement comme une bête.

Un soir, alors que j’entrais le lycée, j’étais entrée dans la chambre de Ming-Ge sans qu’il ne le sache pour confirmer mes craintes. Il était couvert de blessures à force de m’avoir couverte. J’ai de nouveau versé des larmes. Ma vie ne valait pas le coup de la sienne. Je savais qu’il avait séché beaucoup de cours pour mon bien. Et s’il avait trouvé un travail aussi rapidement, c’était également pour me sortir de cet endroit. Cependant aucuns mots n’étaient sortis en voyant mon frère aussi amusé et souriant en travaillant. Je me disais, qu’enfin, il avait trouvé sa voix, même si le fond n’était pas glorieux. Le jour où j’étais venue pour vérifier ses conditions de travail, je l’ai vu parler avec une vieille femme. Elle le trouvait capable de devenir mannequin. C’est vrai, Ming-Ge a une présence. Via les arts martiaux, sa posture est parfaite et – objectivement – il est très beau.

Je m’étais dite alors que je devais aussi trouver ma voie et arrêter de vivre à ses dépends, me détacher de ma famille et « renaître ». Je m’étais promise qu’une fois majeure, quoi qu’il advienne, je quitterai ma terre pour celle qui réunie le plus des miens : Séoul. Au début, j’ai trouvé ça étrange, pourquoi une ville de Corée du Sud alors que la base des Twaos viennent de Chine ? Mes voyages vers la ville d’à côté étaient de plus en plus fréquents. D’un côté je m’éloignais de mes malheurs et donnait de l’espace vital à mon frère surprotecteur. Je côtoyais toujours YanCheng. Une fois, je lui ai demandé – certainement naïvement – si l’on ne pouvait pas être nos âme-sœurs. Il m’a répondu que la compensation par la charge n’était pas le seul ingrédient pour savoir si l’on était âme-sœurs et que seul le cœur, le corps et l’esprit le déterminaient.

Le jour de mon anniversaire était arrivé, j’étais enfin majeure. Cela ne signifiait pas pour autant que l’on avait célébré la chose, au contraire, ce jour-là, j’ai beaucoup été frappée alors que mon frère n’était pas présent. Les insultes et les griefs que je recevais avaient appuyé sur mon décision prise trois ans auparavant. Il fallait que je parte, que je quitte cet endroit le plus vite possible. Je suis montée dans ma chambre qui était plus devenue une prison qu’une salle décente et j’ai attendu l’arrivée de mon frère. Je ne pouvais pas le laisser sans nouvelle de moi après tout ce qu’il a fait pour moi. En l’apprenant, il a insisté pour me suivre et continuer le destin qu’il s’était lui-même tracé. Il voulait m’accompagner à trouver le mien.

On est partis. Au beau milieu de la nuit, comme des voleurs, disait-il, avec le strict minimum et ses économies. Adieux famille, adieux YanCheng… Notre périple avait été long et périlleux. Durant un an, on a été baladés à travers la Chine, de Wuhan à ShangHai, ShangHai à TianJin sans vraiment savoir comment aller à Séoul. Le peu d'argent qu'on avait, c'était pour la nourriture et les nécessités. On marchait en grande partie et le fait que je sois faible et que j’ai besoin de charges étaient une nuisance à notre voyage. Et puis, exténués, après une bonne année, on a fini à Séoul. Nouveau pays, nouvelle langue, nouvelle culture, personne qui nous connaît… J’étais celle qui avait débuté cette nouvelle histoire, mais j’étais la moins amenée à pouvoir me débrouiller là-bas. Armée d’un dictionnaire et du peu de phrases toutes préparées que j’avais apprises lors de l’expédition, il fallait se battre pour ma « meilleure vie ».

Mais, Ming-Ge… »