Vous souhaitez une description physique, c’est ça ? Alors vous n’avez qu’à ouvrir les yeux, regardez-moi, vous verrez à quoi je ressemble. Oui, c’est ça, regardez cette perfection dans laquelle votre regard vient de se perdre. Ce n’est pas comme si je passais inaperçu, non plus. Surtout avec une taille pareille. Oui, je suis grand, oui j’aurais pu être mannequin. Je ne vous dirais pas ma taille exacte car vous risquerez de tomber dans les pommes. Ça ne suffit pas ? D’accord, commençons par ces cheveux qui ont perdus leur couleur naturelle noire pour devenir, grâce à tous ces produits utilisés chez les coiffeurs, châtain clairs, une belle couleur qui semble naturelle (enfin, pas pour les asiatiques, hein.) Ils sont coupés courts sur les côtés, laissant l’avant un peu plus long, ce qui fait apparaitre une mèche que je remonte très souvent avec du gel. Ensuite, mon visage, un peu grand, quelque peu carré aussi, mais magnifique. J’aime mon visage avec lequel je peux très bien prendre un air sérieux, viril ou mignon. Comme vous, il est accompagné de deux yeux, un nez ainsi qu’une bouche, cela va de soi, si ce n’est le nez totalement droit et les yeux légèrement agrandis. Bien sûr, comme vous le savez tous, et comme la plupart d’entre nous l’on déjà fait mais refusent de l’avouer, la chirurgie esthétique est passée par là. Ensuite, passons plus bas. Souhaitez-vous que j’enlève mon t-shirt afin que vous puissiez observer ce corps magnifique ? Ces muscles bien travaillés, sans pour autant être de trop. J’ai le corps parfait. C’est sûr qu’en faisant souvent du sport, c’est plus simple d’avoir un tel corps. Envie de croquer dans cette tablette de chocolat ? Sinon, pour les jambes elles sont longues, de taille normale si je peux dire. Le tout étant recouvert d’une peau douce aussi bien bronzée que pâle, cela dépend de la saison, ces deux teints m’allant parfaitement. Pour ce qui est du style vestimentaire, j’aime beaucoup les choses colorées, souvent un jeans serrant les jambes des cuisses aux chevilles, il se trouve que j’en ai beaucoup, de toutes les couleurs. Pareil pour les t-shirts, j’aime beaucoup être ‘colorful’. Ah oui ! Je porte aussi des lunettes ! Sauf lorsque ça ne va pas avec ma tête du jour où les vêtements que je porte, je mets des lentilles mais j’ai un belle collections de lunettes à grosses montures, elles aussi de toutes les couleurs. Voilà, je pense avoir tout dit, maintenant si vous teniez à en savoir plus, peut-être pourrions-nous nous donner rendez-vous dans un endroit plus… privé ?

Alors, alors ? Êtes-vous mon psy ? C’est pour cela que vous teniez à savoir mon caractère, n’est-ce pas ? Peu importe, si ça fait parler de moi, je ne vais pas me gêner. Tout d’abord, est-ce que vous voyez un homme du genre solitaire, ne souhaitant pas trop se mélanger aux autres, qui est plus à trainer dans les bibliothèques sombres et miteuses plutôt que d’aller sortir avec des amis, qu’il n’a pas. Qui préférait lire un pavé de philosophie plutôt que de jouer sur un bon jeu vidéo. Vous visualisez ? Eh bien, ce n’est pas moi. Je serais plutôt son contraire, même. Je vais déjà vous parler d’un premier trait de caractère que je possède. Egocentrique. Je le suis totalement, et l’assume complètement. J’aime être le centre d’attention, je veux que l’on parle de moi, que l’on vienne me voir et que l’on ne fasse attention qu’à moi, moi et moi. Je possède aussi une grande estime de moi-même. Je n’ai pas peur de me valoriser, profitant de mes points forts. Si je sais que je suis bon dans quelque chose, je ne serais jamais modeste, et irais droit au but, allant raconter au monde entier à quel point je suis parfait. Ensuite, en lien avec ce que je viens de dire, je suis aussi égoïste, vous savez, j’aime recevoir mais pas donner. Toute l’attention, des mots gentils, des petites phrases d’affection, j’adore en recevoir (qui n’aimerait pas ?), mais jamais vous me verrez dire de haute voix que j’apprécie quelqu’un sincèrement. Tout se traduit par des gestes. Il se peut que je laisse des amis proches faire certaines choses avec moi, alors qu’avec d’autres personnes ça serait absolument impossible. Cependant, je n’ai jamais peur de dire ce que je pense. Peu importe si mes paroles peuvent blesser mon interlocuteur, si je le pense, je le dis –sauf pour ce qui est de l’affection, encore. Donc en résumé, je me sens le centre du monde, j’aime la compagnie, je ne manque pas d’amis, je « me la pète » autant que je le peux, et tout ce que je souhaite de de vivre pleinement ma vie, m’amuser tant que je le peux. Si je devais vous dire un défaut, se serait ce gène qui fait de moi un twao.  Je le déteste, ô oui. Par sa faute, j’ai perdu mon père et par sa faute, je n’étais pas désiré par ma mère. J’évite assez souvent ceux qui se disent fier d’être twao, et ceux qui croient à cette histoire d’âme –sœur. C’est stupide. Je n’aime pas cette idée de devoir embrasser quelqu’un pour réguler son énergie, fort heureusement, j’en reçois –étant receveur- de ma mère qui elle, est donneur. Alors pour l’instant je n’ai pas de problème, même si j’évite de le faire tous les jours, disons tous les deux jours voire trois lorsque j’oublie.

Maintenant relisez tout le paragraphe au-dessus, tous ces traits de caractères, extraverti, joyeux ou autres… Une fois que je passe la porte de mon appartement, une fois que je retourne dans mon espace privé, tout est complètement différent, je suis complètement différent. Plein de doutes viennent prendre place en moi, je perds tout la confiance que j’ai en moi, et je souffre. De cette séparation avec mon père, de cette révélation de la part de ma mère, je voudrais juste tout effacer. Je me sens surtout seul. Seul et perdu dans ce monde hypocrite où j’en suis un moi-même.  Je crois qu’au fond de moi, même si je le renie de toute mon âme, j’attends cette âme-sœur qui pourrait peut-être me sortir de ce vide qui m’habite une fois chez moi. Sinon, j’aime les chats.

Pour mon histoire, devrais-je commencer du début ? Je ne vais pas tout vous raconter en détail, vous risqueriez de vous endormir, mais je peux au moins dire que je suis née un premier février, en 1986 à Incheon, cette petite ville non loin de la capitale. Je n’avais aucune maladie, aucun problème physique, j’étais un beau bambin tout prêt pour faire ses premiers pas ou dire son premier mot. J’étais encore jeune et innocent, je ne connaissais aucune difficulté de la vie, protégé par l’amour sans limite que m’offraient mon père et ma mère. Du moins, c’était ce que je croyais et j’étais bien naïf. Ce fut quelques années plus tard, je devais avoir entre trois et quatre ans, le cauchemar commençait à peine. Ma mère avait remarqué que je me fatiguais beaucoup plus que la normale, et cette dernière étant twao, avait tout de suite compris qu’elle m’avait transmis ce gène de malheur. Fort heureusement, ma génitrice était donneur alors que moi j’étais receveur, on pouvait alors, par un simple baiser réguler notre énergie sans que cela paraisse étrange. Un enfant qui embrasse sa mère sur la bouche, c’est normal, non ? Mais tout cela, mon père ne le savait pas. Ma mère ne m’avait rien expliqué pour être sûre que je n’aille rien dire à mon père qui connaissait l’existence des twao mais les répugnait.  A cette époque nous étions une famille parfaite, débordante d’amour pour chacun de ses membres, profitant des week-ends pour faire des sorties entre nous, mais ces instants de bonheur à trois ne durèrent pas longtemps.
Je ne sais plus exactement quand, mais c’était en hiver, un peu avant mon anniversaire, mon père et moi étions partis faire des courses et en même temps j’en avais profité pour chercher un cadeau que je désirais que mes parents m’offrent. J’étais entré dans l’enseignement primaire, finissant presque ma deuxième année à cette époque-là. Mon père et moi passions du bon temps dans les rues enneigées de la ville, je me trouvais plus devant par rapport à mon père, lui tenant la main pour ne pas me perdre. J’avançais joyeusement, shootant de temps en temps dans les paquets de neiges lorsque mon père s’arrêta, m’obligeant d’en faire de même. Nous étions en pleine rue, devant un restaurant lorsque que c’était arrivé, j’observais mon père, cherchant à comprendre la raison de cet arrêt soudain. Ce dernier avait les yeux fixé sur quelque chose, ou plutôt quelqu’un, de l’autre côté de la rue. Curieux, je l’avais rejoint et avais jeté un coup d’œil dans la même direction pour voir, de l’autre côté de la route, sur le trottoir d’en face, ma mère. J’aurais pu crier de joie et lui dire de nous rejoindre mais elle n’était pas seule. Elle était en compagnie d’un homme, homme qu’elle embrassait. Je sentis alors la main de mon père serrer de plus en plus fort la mienne, jusqu’à m’en faire mal. Mais je ne m’étais pas plaint. Je fixais moi aussi ma mère, me demandant pourquoi elle embrassait sur la bouche un homme qui n’était ni moi, ni mon père, et ce fut seulement le soir lorsque nous rentrâmes à la maison que tout éclata. Ma mère avait essayé tant bien que mal de faire comprendre à mon père qu’elle avait embrassé cet homme pour réguler son énergie, mais il ne voulait rien entendre. Ma mère s’était battue comme elle pouvait, lui disant qu’elle n’avait pas le choix, qu’elle devait le faire où elle mourrait, et annonça aussi que j’en étais un. Sur le coup, je n’avais rien compris, me contentant de me boucher vainement les oreilles pour éviter cette dispute qui les avait séparé à jamais. Mon père refusait de vivre avec un twao, étant persuadé qu’elle pouvait utiliser cette excuse du baiser pour le tromper -surtout qu’elle pouvait réguler son énergie avec moi- et avait quitté la maison le soir-même. Je n’avais rien compris. Je savais juste, à ce moment-là que je ne reverrai plus jamais cet homme qui venait de me rayer de sa vie et qui était censé être mon père.
La suite fut tout aussi dure, ma mère n’arrêtait pas de s’apitoyer sur son sort, ne cessant de répéter qu’elle n’avait jamais voulu être twao, et qu’elle avait tout fait pour ne pas avoir d’enfant, par peur que lui aussi soit un twao. Ces mots avaient été très déchirants pour moi, tout cet amour que m’avaient donné mes parents s’envolèrent d’un coup, à cause de ces mots. Elle ne voulait pas de moi, elle ne m’avait jamais désiré et avait donc joué le jeu tout ce temps ? Mais pendant ce temps, je grandissais. Je comprenais mieux les choses et quelques fois je donnais raison à mon père que je n’avais jamais revu depuis son départ. Pourquoi avait-elle eu besoin d’embrasser cet inconnu alors que j’étais là pour elle ? Je ne le saurais jamais. La relation que j’entretenais avec ma mère était assez gênante, nous étions comme deux colocataires devant s’embrasser rapidement tous les jours pour réguler notre énergie mais à part ça, plus aucune autre marque d’affection aussi forte qu’il puisse avoir normalement entre un fils et sa génitrice. Quelques années plus tard, lorsque j’eus fini le lycée, que j’entrais dans la grande Université de Séoul, je me devais de déménager, ne pouvant plus supporter l’ambiance chez moi. J’avais donc changé pour un petit appartement à Séoul dans un quartier au sud de la ville. Tout était en place, les meubles avaient été installés, j’avais enfin les clefs de mon nouvel appartement et ma mère était avec moi. Elle m’avait annoncé, ce soir-là qu’elle regrettait les mots qu’elle avait prononcés quelques années plus tôt et qu’elle m’aimait malgré tout. Sauf que dans mon cœur, tout était déjà terminé. Je n’arrivais plus à la croire.

Il y a encore deux mois, j’avais trouvé un boulot dans l’entreprise où travaillait mon père, je ne vous cache pas que je voulais entrer dans celle-là pour le retrouver. Sauf que ça ne s’était pas passé comme je l’attendais. Il ne m’avait pas sauté dans les bras mais avait tout simplement fait comme si je n’existais pas. Je n’étais plus son fils. Je le dégoutais. Voilà tout ce que je pouvais lire dans son regard. De nouveau brisé, j’avais quitté la société et je suis maintenant à la recherche d’un emploi que je pense trouver très prochainement.