You know, I like you, but let me go.

Shin Ji Hwa & Jang Hye Mi

Allongé par terre, observant le plafond blanc et vide de ce petit appartement, c’est dans cette position que je passe mon temps depuis maintenant deux bonnes heures. Je rêvasse, je ne sais pas quoi faire. Ma mère venait de passer pour me donner mon « bisou quotidien » qui me maintenait en vie avant de rapidement repartir à son travail. Ce petit geste que je trouve tellement répugnant. Cet acte qui me rappelle à chaque fois ma condition. Ce fait d’être un twao. Le fait que je déteste ce gêne. Pourquoi ? Pourquoi moi ? Je ne pouvais pas tout simplement être un humain ? Vivre une vie heureuse, simple, sans complication, sans divorce et avec mon père qui serait toujours là pour m’aimer. Mais ce n’est pas là, la réalité. Encore une fois, je me perds dans les « et si ». Encore une fois, je repense à tout cela, toutes ces idées noires qui m’empêchent de vivre normalement, dirais-je. C’est dans un soupir pour le moins discret que je me redresse, fixant un point invisible devant moi avant de complètement me lever pour me tenir sur les jambes quelques peu engourdies. Je souffle à nouveau cherchant silencieusement ce que je pourrais bien faire pour me dégourdir, sortir de ce lieux privé qui me rend totalement différent de ce que je suis à l’extérieur, au soleil, lorsque je brille de mille feux. J’aime tellement ce moi-là,  mais celui-là n’est pas moi. Ce n’est qu’une couverture que je me suis créée. Une couverture secrète dont mon entourage ne soupçonne même pas l’existence. Je soupire de nouveau, allant me chercher dans les placards de quoi me faire un lait chaud pour me réchauffer de cette saison encore fraiche pour un mois d’avril avant de m’emparer d’une tasse sur laquelle une tête de panda est dessinée dessus et j’y verse un peu de ce liquide blanc avant de la mettre dans le micro-onde.

Une vibration, ainsi qu’un son plutôt désagréable pour les oreilles qui me tire de ma pseudo-rêverie. Je me retourne, coupant tout attention de cette tasse noire et blanche qui tourne en rond, pour atteindre la table basse située entre le canapé et la télévision, sur laquelle mon portable s’y trouve. Je m’en empare doucement et appuie sur le bouton central afin de voir qui m’a envoyé un message. Un ami. Ou plutôt un « pote ». Une de ces personnes qui n’arrête pas de me tourner autour, pensant que je suis génial –ce que je suis un peu, quand même. Il me demande ce que je fais pendant cette journée de repos. Je voudrais lui répondre que je ne fais rien, que l’on peut se voir quelque part pour boire un verre ou faire un tour dans les boutiques pour voir les nouveaux arrivages, mais je n’en fais rien. Je lance mon portable sur le canapé, faisant attention à ce qu’il ne s’écrase pas sur le sol si jamais il était tenté de rebondir sur la surface molle. Je reviens dans la partie du séjour qui me sert de cuisine et souffle de nouveau, laissant mon micro-onde m’annoncer la fin de la cuisson avec un bip très irritant avant de me diriger vers l’entrée de ce petit appartement non sans attraper ma veste en cuir au passage avant de sortir.
Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je pense que j’ai besoin de respirer. Je n’aime pas rester trop longtemps dans cet appartement, cet endroit privé où ma mère me donne de l’énergie, cet endroit où je fais face à la vérité sur ce que je suis vraiment. Je préfère ne plus y penser et me changer les idées en sortant. C’est souriant, que je respire à pleins poumons et me lance d’un pas rapide dans la rue, ne sachant pas vraiment où je désire aller. Je laisse mes pas me porter dans une petite boutique au coin d’un rue afin d’acheter quelque chose à boire, ayant la gorge sèche. Je paie ma boisson, et continue ma route sans but.

Sans même m’en être rendu compte, j’arrive dans un parc, connu sous le nom de Yeouido. Je regarde les alentours, de la verdure, des fontaines, des petits cours d’eau qui traversent ce parc dans lesquels certaines personnes ont l’habitude d’y venir y tremper leurs pieds pour se rafraichir durant l’été. Mais ce n’était pas vraiment la saison pour le moment et, bien qu’il n’était encore que le matin, beaucoup de monde se trouvaient déjà dans le parc. Des vieux, des jeunes entre amis ou des couples qui se donnaient rendez-vous dans ce parc où se baladaient juste. C’est une ambiance calme, reposante qui s’en dégage, comme si l’on se retrouvait tout à coup hors de la capitale coréenne. J’aime cet endroit. Je continue donc de marcher aussi lentement que précédemment sans faire attention au temps qui passe, comme si tout ce qui se passait autour de moi n’existait pas, comme si je suis séparé de tout par une bulle invisible. Mais ce n’est pas plus mal. Pour une fois, je n’ai pas à remettre mon costume et à faire semblant, pour une fois, je suis vraiment moi. Et je suis seul.
A cette remarque, je m’arrête brusquement dans ma lente course. Oui, je suis seul mais qu’en est-il donc de mes « amis » ? Je connais déjà la réponse. Ce ne sont que des pions afin de satisfaire mon égoïsme, ils ne servent qu’à me rendre heureux, faussement heureux pendant l’espace d’un instant. C’est cruel, je sais, mais sont¬-ils réellement là pour moi ? Normalement un ami est une personne de confiance qui est là pour nous aider, nous soutenir et nous aimer. Mais eux ? Je m’égare, je repense à des choses déprimantes, qu’elles sortent de ma tête. Je ne veux pas penser à cela maintenant, je veux me reposer, être tranquille. Je fais encore deux trois pas, afin d’arriver à hauteur d’un banc en pierre pour m’y poser avec douceur. J’inspire et expire profondément, reproduisant cette manœuvre plusieurs fois afin de complètement me calmer, puis j’attends. Je ne sais pas quoi, je ne sais pas qui, mais j’attends. Pensant faire passer le temps plus vite, je fouille dans mes poches à la recherche de mon téléphone portable avant de me souvenir que je l’ai laissé à l’appartement. Ce n’est pas plus mal en fait.

C’est alors que je vois, au loin, une jeune femme –quoique plus fille que femme- marcher dans ma direction. Ce n’est pas le moment, connaissant l’identité de cette personne, j’aimerais qu’elle passe sans qu’elle ne me voie. Mais apparemment, le destin est contre moi… Si j’avais su, je serais resté chez moi, à boire mon lait chaud. Je tourne la tête dans le côté opposé à cette présence, faisant semblant de ne pas l’avoir vue.

Pendant toute une matinée, j’avais essayé de consoler mon amie qui avait perdu sa mère, tout comme moi. Ça n’avait pas été facile, ça me rappelait également que je n’avais plus la mienne pour me soutenir. Je n’avais jamais autant détesté être au téléphone avec quelqu’un pendant plus de trois heures. Mais j’étais son amie, je me devais de l’aider, ne serait-ce qu’un petit peu. Et puis j’avais également pu parler à sa petite sœur, la pauvre, elle ne comprenait même pas qu’elle ne reverrait plus jamais sa mère, je me sentais si triste pour la petite. Mais à part les rassurer et essayer de leur changer les idées, je ne pouvais rien faire d’autre, j’étais totalement impuissante… toute ma bonne humeur s’était envolé, je ne me sentais pas mieux. Depuis mon réveil à maintenant, je n’avais rien fait du tout, ça n’allait pas, ce n’était pas moi.

Je m’étais donc rapidement habillée, d’un simple t-shirt et jean, avant de sortir. Je ne savais pas du tout où j’allais aller, mais j’avais besoin de sortir un peu. Je ne pouvais plus rester dans mon appartement à ne rien faire, ce n’était plus possible. Et puis seule, dans cette atmosphère trop pesante, non, c’était vraiment trop dur. Je n’avais pas envie d’embêter mes amis, je n’aimais pas du tout les embêter pour de telles bêtises.

Je marchais tranquillement, avançant sans vraiment savoir où j’allais me poser. Je regardais les gens autour de moi, tous trop occupé, tous là en train de marcher vite pour ne pas être en retard, pour faire ci ou ça. Pour la première fois depuis un certain temps, je n’avais plus envie de sourire, c’était devenu trop dur. Comment sourire avec tous ces problèmes. Même s’il faut sourire à la place des autres, s’ils ne font aucuns efforts, moi aussi je ne veux plus en faire.
Je quittai les rues trop remplies pour un endroit beaucoup plus calme, là, devant moi, se trouvait le grand parc de Yeouido, c’était exactement ce qui me fallait. Un endroit calme, et plein de verdure. Je continuais mon chemin, sans vraiment faire attention à ce qui m’entourait cette fois, je n’avais plus du tout envie de faire attention aux autres. Je respirai l’air frais qui me fit un bien fou, pourquoi n’avais-je pas pensé à venir dans ce parc plus tôt ? Je ne serai pas dans un tel état à présent…

Alors que j’étais dans la lune – comme d’habitude – un petit garçon vint se cogner contre moi et il tomba par terre. Je l’aidais à se relever et il se mit à pleurer. Je n’aimais pas voir les petits pleurer, parce que ça me rappelait moi, dans mon enfance. Même si on ne pleurait pas pour la même raison, c’était toujours douloureux de se rappeler de ça. J’essuyais ses larmes et caressais ses doux cheveux pour le calmer. Il réussit ensuite à me dire qu’il avait perdu ses parents. Je le rassurais comme je pus et me relevais pour prendre sa petite main dans la mienne. J’observais autour de moi, pour essayer de voir s’il n’y avait pas des parents qui cherchaient leur enfant, et justement, ils n’étaient pas si loin de moi. J’entrainai alors le petit garçon avec moi et ce dernier couru dans les bras de son père. Ils me remercièrent et je fus toute heureuse, ça allait être la bonne action de ma journée. Enfin quelque chose de bien dans cette journée.

C’est alors à ce moment-là que j’aperçus un homme assis sur un banc, et j’étais sûre de le connaitre ! Ça ne pouvait être que Ji Hwa. Je me mis alors en tête d’aller le voir et de discuter avec lui, je m’ennuyais et j’espérais qu’il n’allait pas me dire de partir… Il en était bien capable. J’avançais donc cette fois, dans sa direction.

« Hey ! Ji Hwa ! »

Je ne veux pas la voir pour le moment, ce n’est pas le jour, pas le moment, pas l’heure. Non, je veux être tranquille, loin de tout, rester seul dans ma bulle. Bien que je l’apprécie beaucoup, plus qu’elle ne puisse le penser. C’est vrai que je ne suis pas très démonstratif pour ce qui est de l’affection ‘réelle’, mais je sais quand je tiens à une personne ou pas, et lorsque j’en suis vraiment conscient, c’est un lien souvent très fort qui me lie à cette personne. Cela arrive très rarement, je me contente le plus souvent de ces gens qui m’entourent bien que pour certains, je ne souviens même pas du nom. Des filles ou hommes que je fréquente le soir en boite, des potes plus ou moins « proches » avec lesquels je profite d’un après-midi au soleil, sur une terrasse, ou au karaoke lorsqu’il pleut. Je ne déteste pas cela, j’y prends plaisir, beaucoup de plaisir, mais ce n’est que quelque chose d’éphémère. Ces gens-là font partis de ceux qui, dès qu’un scandale éclate, changent de camps. Ils pourraient vous abandonner du jour au lendemain et c’est donc pour cela que je me force de devenir ce qu’ils veulent que je sois. Une bien-belle mascarade à laquelle j’y prends beaucoup de plaisir lorsque j’y participe. Je parle de tout cela, mais je sais pourtant très bien que Jang Hye Mi n’en fait pas partie. C’est une fille bien, elle est toujours là pour ses amis et arrive à leur redonner le sourire, j’aime beaucoup ce côté-là chez elle. Bien qu’elle ait l’air un peu hyperactive de temps en temps, cela reste tout de même mignon. Mais, je me répète, ce n’est pas le moment. Je croise les jambes et me penche légèrement en arrière avant de prendre appuie sur les paumes de mains posées contre la pierre du banc, le regard restant fixé sur un point invisible, situé à l’opposé de l’étudiante. Je fais comme si je ne l’avais pas entendue, comme si je ne l’avais pas vue. Peut-être qu’elle pensera qu’elle s’est trompée et continuera son chemin, bien que j’en doute. J’ose jeter un regard discret, la voyant arriver à ma hauteur. Je renfile alors mon costume, mon armure, mon masque, appelez ça comme vous le souhaitez, rapidement avant de me retourner vers elle. Je lui montre un grand sourire, totalement faux cependant.

« Salut Jang Hye Mi, qu’est-ce que tu fais ici dès le matin ? »

Je n’attends pas de réponse, commençant à chercher, de nouveau, mon portable dans mes poches avant de me traiter mentalement d’idiot car ce n’est pas la première fois que je fais ce geste. Mais bien souvent, lorsque je ne sais pas quoi dire, ou lorsque l’ambiance est assez gênante, c’est une des choses que je fais avec celle de regarder aux alentours. Hye Mi s’approche de moi et s’assoit aussi sur cette pierre lisse qui sert actuellement de banc. Je soupire le plus discrètement possible et me tourne complètement vers elle, toujours avec ce sourire qui semble lumineux, bien que moins que d’habitude. J’avais dit que je ne voulais pas faire d’effort, pas aujourd’hui, mais je n’ai pas le choix. Je ne veux pas la blesser, je ne veux pas qu’elle se vexe, qu’elle s’éloigne de moi. Voudrais-je alors qu’elle reste ici, assise sur ce banc à me parler ? Non, je veux être seul, je veux être en paix. Dans ma tête c’est un bordel complet, je ne m’y retrouve plus, je suis perdu. Ne l’ai-je pas toujours été ? Je secoue la tête pour effacer toutes ces pensées, mon sourire ayant disparu à cause de ces dernières. Que dois-je faire ? M’excuser en prétextant une urgence et je rentre chez moi, dans cet appartement qui renferme mon mal-être ou rester assis, ici, sur ce banc, dans ce parc, sans bouger, l’écouter et me taire. J’opterais plus pour la deuxième option, ça me fera passer le temps, je pourrais penser à autre chose, oui, cela me semble être une bonne idée. Je la regarde, elle et ses cheveux blonds coupés courts, comme un garçon manqué, mais elle reste tout de même mignonne. Bien que je ne pourrais jamais la voir comme une vraie femme. Elle restera plus une enfant pour moi.

« Tu vas bien ? » Demandé-je, prenant mon rôle de l’ami parfait.

Je m’étais assise à côté de Ji Hwa, tranquillement et je lui avais offert un autre de mes sourires. Ce genre de sourire que je savais si bien faire, mes sourires qui ont toujours aidés les autres, j’espérais que cela marchait encore. Il n’avait pas l’air comme d’habitude… enfin je ne pouvais pas vraiment savoir avec lui, ça avait toujours été très dur de le comprendre. Mais c’était son sourire, il avait l’air moins éclatant que ceux qu’il me montrait, lorsqu’on se voyait parfois. Il n’allait pas bien ? Etait-il de mauvaise humeur et la cachait-il derrière ce sourire qui me mettait un peu mal à l’aise, je le sentais bien, il n’était pas totalement sincère. C’était ce que je ressentais en tout cas, mais bien évidemment, je ne fis aucun commentaire là-dessus, comme je disais tout le temps : même si nous ne sommes pas heureux, il faut tout de même essayer de faire semblant… Sauf si ça se révèle impossible.

« Salut Jang Hye Mi, qu’est-ce que tu fais ici dès le matin ? »

« Je prends l’air… J’avais besoin d’un endroit calme pour me vider la tête. Ce n’est pas super joyeux en ce moment dedans » avais-je ris en tapotant le haut de ma tête, ébouriffant au passage mes cheveux.

Je le voyais, il avait l’air embêté. Mais de quoi ? A cause de moi ? Non, il me l’aurait dit… ou pas. Je ne savais pas du tout comment me comporter, c’était difficile de savoir comment faire. Finalement, je restais juste naturelle, comme d’habitude. Il semblait chercher quelque chose dans ses poches, son portable sûrement, mais il n’avait pas l’air de l’avoir. Je penchais doucement la tête sur le côté en gonflant légèrement mes joues, ce que je faisais tout le temps lorsque je n’arrivais pas à trouver de réponses à mes nombreuses questions.

Son regard se posa sur moi et il se décida à me parler.

« Tu vas bien ? » demanda-t-il.

Que devais-je répondre à ça ? Mentir ? Ou bien dire la vérité ? Non, je devais mentir, parce que je n’avais pas envie de montrer aux autres que j’étais faible en ce moment. Vraiment trop faible à mon goût, ce n’était pas possible pour moi de leur dire que j’allais mal et que c’était devenu dur de sourire alors que d’habitude, je fais ça sans même m’en rendre compte.

« Oui ! Je vais bien… Enfin, c’est comme d’habitude quoi… Et toi ? Tu vas bien ? »

J’avais un peu hésité à lui poser cette question mais puisqu’il fallait bien commencer une conversation… Je détournais le regard, regardant tout autour de nous, le parc n’était pas vraiment rempli, nous étions encore le matin après tout. L’odeur qui tournait tout autour de moi me fit sourire, ça sentait les fleurs, la nature, la terre, ce genre de chose qui arrivait toujours à me détendre lorsque je n’allais pas bien, comme maintenant. J’espérais juste rester détendue jusqu’à la fin de la semaine, je détestais aller mal, ce n’était jamais drôle.

« Et toi aussi, tu es venu dans ce parc pour te vider la tête ? » demandais-je, curieuse de savoir pourquoi Ji Hwa se trouvait également ici.

Je tente la conversation, faire comme si tout va bien, comme si je suis comme à mon habitude, caché sous cette couverture « du bonheur ». Je la regarde, lui souris, faisant de mon mieux pour qu’elle n’y voit que du feu, qu’elle ne fasse pas la différence entre ma couverture lors des beaux jours et celle lorsque rien ne va. Car oui, rien ne va en ce moment. Mais c’est normal d’avoir des hauts et des bas dans une vie. Sachant qu’être un twao se situe très, très bas selon moi. Hye Mi me sourit à son tour. Maintenant que j’y pense, je l’ai toujours vue avec ce sourire inscrit sur ce jeune visage. N’a-t-elle jamais de problème ? Je ne connais pas grand-chose sur elle, sur sa vie privée, ça ne me regarde pas. Mais je veux en savoir plus. Je laisse ma curiosité de côté, privilégiant ma concentration pour garder cette couverture qui devenait peu à peu insupportable. Mais je tiens. Je ne veux pas qu’elle voit en moi, qu’elle sache que ça ne va pas. Je ne veux laisser personne voir mon vrai moi. Hormis bien sûr ceux qui le savent déjà, mes amis les plus proches.
Je demande alors à Hye Mi ce qui l’amène jusqu’à ce parc reposant en pleine capitale. Comme moi, elle prend l’air, elle souhaite se vider la tête au calme, ajoutant qu’en ce moment ce n’est pas vraiment joyeux pour elle. A croire que c’est pour tout le monde pareil. Je la regarde, mon sourire s’évanouissant un peu. Elle rit, et je vois très bien qu’elle se cache. Elle est comme moi, elle ne veut pas montrer ses faiblesses aux autres, ce que je comprends totalement, elle me donne presque envie de la prendre dans les bras et lui souffler des mots rassurants.

« Oui, je pense que le parc est bien pour se vider la tête. Surtout en ce moment. » Dis-je laissant ma voix devenir peu à peu un murmure, la dernière phrase est à peine audible.

Je baisse la tête, faisant revenir mon corps vers l’avant, mes mains se posant sur mes genoux. Je les fixe. Je n’ai pas grand-chose à dire, l’ambiance peut devenir assez gênante. Je dois avoir l’air pitoyable. Cherchant vainement mon portable dans ma poche, essayant de m’intéresser à autre chose pour faire passer ces blancs qui s’installent quand bon leur semble, rendant l’ambiance de plus en plus pesante.

Voulant couper ce silence, couper cette gêne qui habituellement n’existe pas, je lui demande comment elle va. Toujours avec ce sourire glué aux lèvres comme j’en ai l’habitude. Elle me répond étonnement positivement. Je la regarde, mais je ne vais pas chercher à aller plus loin. Ce ne sont pas mes affaires.

« Oui, je vais bien. » Répondis-je dans un sourire qui se voulait rassurant.

Hye Mi se met à observer ce qu’il se passe autour d’elle, dans le parc et mon regard suit le sien. C’est calme, paisible, peu de personnes sont présentes et la verdure prend un peu de place. Qui aurait cru un aussi grand jardin, aussi calme en pleine capitale coréen ? Dans une des villes les plus peuplées au monde ? Mes yeux reviennent se poser sur la blonde à côté de moi. Coupant soudainement ce silence, Hye Mi me demande si, moi aussi, je viens dans ce genre d’endroit afin de me vider la tête. Mais je n’ai rien qui me dérange, que je voudrais faire disparaitre. C’est ce que j’aimerais bien lui répondre. C’est ce que je devrais lui répondre. C’est ce que je DOIS lui répondre. Ji Hwa n’a pas de problèmes, le Ji Hwa que tout le monde connait n’a rien qui pourrait le déranger, rien qui pourrait le rendre triste car c’est là, la vie si lumineuse de Ji Hwa.

« Non, je passais juste par là car je devais voir un ami mais ayant oublié mon portable et ne sachant pas le lieu de rendez-vous, j’ai marché jusqu’à arriver ici. »

Quel mensonge. D’ordinaire je n’oublie pas mon portable et, de plus, je serais plus du genre à faire l’aller-retour jusqu’à la maison pour aller le chercher. Comme si cet objet était ma vie, ce qui est devenu le cas de beaucoup de personnes en ce monde. C’est à ce moment-là que quelque chose me frappe. ‘Toi aussi’, avait-elle dit. Elle a donc des problèmes, où un moment où ça ne va pas. Enfin bref, quelque chose ne va pas chez elle. Je laisse ma tête retomber en arrière, les yeux fixant le bleu du ciel dégagé avant de la faire rouler sur le côté et regarder en biais Hye Mi. J’ai peut-être l’air débile dans ces cas-là, mais Ji Hwa est quelqu’un de débile et n’en a pas honte.

« Jang Hye Mi, t’es sûre que tu vas bien? » Demandé-je sur un ton insistant.

Je me lève et lui fait face, les bras croisés sur ma poitrine.

Je n’ai jamais été aussi mal à l’aise avec quelqu’un, et surtout avec Ji Hwa. Parce que déjà, je ne me sens pas bien, et puis je vois qu’il ne va pas bien aussi. Peut-être que je me trompe, peut-être que je pense que tout le monde déprime parce que je déprime moi, alors que non. Sauf que c’est son comportement trop parfait qui le trompe, il est tellement différent d’habitude. Quoique, je ne sais pas grand-chose non plus sur lui, mais je sais reconnaitre ce genre de chose. Surtout quand c’est chez un ami, oui, je le considère comme un ami. Très dur à comprendre mais peu importe, je m’amuse bien que je suis avec lui, sauf que là, l’ambiance est légèrement pesante, même s’il essaye de faire tenir la conversation, moi je n’y arrive pas. Vraiment, tout ça, ça craint.

Il répond à toutes mes questions et j’observe discrètement – ou pas – son comportement à chaque fois, il me perturbe, je ne saurai dire pourquoi. Je n’ai qu’une envie, le secouer et lui demander ce qui ne va pas pour qu’il soit comme ça, on dirait réellement qu’il… Je ne sais pas ! Rah, qu’est-ce que ça m’énerve ça aussi. Et voilà, je me prends encore la tête pour rien, pas étonnant que je sois déprimée ces derniers temps !

« Non, je passais juste par là car je devais voir un ami mais ayant oublié mon portable et ne sachant pas le lieu de rendez-vous, j’ai marché jusqu’à arriver ici. »

C’est la réponse la moins crédible que je n’ai jamais entendu. Ou bien je psychote, encore une fois. Sérieusement, Jang Hye Mi, qu’est-ce qui ne va pas avec toi, hein ? Je fais semblant d’hocher la tête, et de faire comme si j’avais compris et que je n’allais pas l’embêter avec ça, sauf que si. Je compte bien savoir ce qui ne va pas. Peut-être qu’il le prendra mal, mais je veux seulement savoir comment je pourrai le consoler un peu ! Ca me ferait du bien à moi aussi, de consoler quelqu’un comme Ji Hwa, et pas seulement quelqu’un qui vient de perdre un parent, ça c’est carrément moins marrant parce que ça me rappelle trop de choses que je voudrai oublier.

Puis il me pose cette question qui me déstabilise totalement, faisant retomber le peu de bonne humeur que j’avais réussi à retrouver. En plus, son ton est insistant, je ne peux pas mentir face à ça, sauf que je n’ai pas… PAS DU TOUT envie de lui dire. C’est pas dans mes habitudes de me plaindre aux autres pour qu’ils me consolent, c’est pas comme ça que je fonctionne. Ce n’est pas moi…

« Jang Hye Mi, t’es sûre que tu vas bien ? »

« Je vais… bien ! Rah, je ne peux pas te mentir hein ? En même temps, comment je peux faire ça… J’ai tellement l’habitude de sourire, de rire, et d’aller bien que quand ça ne va plus, les gens le remarquent directement. C’est super… débile en fait »

Et voilà, je commençais à craquer, à trop parler. Mais en parlant plus franchement, peut-être que je pourrai lui faire cracher le morceau aussi.. ? Non ? Oh, qui ne tente rien, n’a rien ! Et puis je suis déjà déprimée, comment je peux l’être encore plus ? Lance-toi Hye Mi !

« Et toi ? T’es sûr que ça va ? » Dis-je en faisant la moue, le genre de moue qui voulait tout dire. Et là elle lui disait "je sais que tu mens"