La porte est close. Les fenêtres barricadées. Les murs suintant. L'oppression est palpable, je m’immisce lentement dans cette geôle ténébreuse où même la plus infime des lumières est bannie. Univers intemporel, où l'obscurité octroie la rédemption et le repos de l'âme. Mon identité est inconnue malgré les souvenirs qui illustrent cette pièce de leurs pâles reflets. Ici, personne ne sait qui je suis car personne n'est. Ici, la solitude déchire cette plaie suppurante, s'abreuve de ce liquide abondant poison de mon existence. Elle dévore et m'apaise ... Ceci est l'asile de mon âme.
Vêtue du même saree grisâtre qu’à son arrivée, Ajita arpentait nonchalamment les rues de Séoul, sans objectifs particuliers. Ses yeux d’un marron clair aussi limpide que l’eau la plus clairsemée fixaient le sol. Observer cette foule grouillante l’indisposait, elle qui n’avait pratiquement jamais quitté les murs de sa demeure exceptés lors d'événements notables.
Lentement, elle se fraya un chemin jusqu’à l’extrémité de la rue avant de bifurquer à droite. Plongée dans un brouhaha incessant, elle sentit l’écho de ces voix multiples marteler son crâne de leurs intonations ponctuées et malléables.
Brusquement, un grondement sourd vînt troubler ce théâtre verbal, accompagné d’un éclair foudroyant qui stria le ciel de ses branches aveuglantes. Ajita sursauta lorsqu’une substance froide s’écrasa sur son froid. Elle l’essuya subrepticement d’un revers de main. Alors que dans un soupir, elle se retirait dans cette allée obscure, loin de la foule et de ses élans rapides et déterminés, la pluie déferla, goûtant le sol sec et l’humidifiant jusqu’à le noyer dans des torrents d’eau.
Exaspérée par ce rideau de pluie, Ajita s’élança finalement en avant, décidée à pénétrer dans le premier magasin qui se trouverait sur son passage. Elle échappa à l’étreinte rassurante des ténèbres pour s’immerger à nouveau dans ce chemin devenu tortueux par la foule. Malencontreusement, elle heurta plusieurs personnes tandis qu’elle rejoignait péniblement l’entrée de ce qui semblait être un salon de thé.
« Sun’s smile », arriva-t-elle à déchiffrer alors qu’elle saisissait la poignée de la portée d’entrée.
Une ambiance délicate, fraîche et reposante caressait l’air alors qu'elle pénétrait le salon de thé. Ajita se raidit devant cet halo rayonnant presque envoûtant. La trentenaire resta septique sur le seuil, incapable d’esquisser le moindre mouvement. Sa silhouette semblait assombrir les lieux, pourrissant l’atmosphère de ses maux. Non, Ajita n’y avait pas sa place.
Elle pivota sur elle-même, consciente de son erreur. Elle s’élança en avant dans l’espoir de pouvoir quitter rapidement les lieux et ne laisser aucune trace de son passage. Cependant, elle percuta violemment quelqu’un et tituba sur le côté. Un petit cri s’échappa des lèvres de l'inconnue qu'Ajita venait d'ébranler tandis qu’elle basculait en arrière, déstabilisée par le choc, la pesanteur l’attirant avidement au sol.
Ajita réagit instinctivement, toutes pensées obstruées par l’urgence de la situation. Avec rapidité, elle agrippa le bras de l’inconnue qu’elle tira fermement vers elle reposant la jeune femme sur pied. Celle-ci écarquilla les yeux de surprise et resta un instant figée, indécise. Considérant la situation résolue, Ajita s’empressa d’adresser une banale excuse à la jeune femme.
- Pardonnez-moi.
Ajita éprouva une brève satisfaction concernant son accent. Sa pratique du coréen remontait à une ou deux années pourtant elle n’en avait pas perdu les rudiments. Elle s’apprêta à sortir lorsque l’inconnue la héla poliment.
- Je ne serais pas contre un peu de compagnie aujourd’hui. D’autre part, il me semble que vous êtes étrangère, faire votre connaissance m’enchanterait.
Perturbée par l’attitude engageante de la jeune femme, Ajita s’arrêta. Perplexe, elle ne sut comment interpréter ces mots conciliants et amicaux. C’est intriguée qu’Ajita se détourna de la sortie pour dévisager son interlocutrice. Celle-ci la scrutait intensément, un large sourire ourlait ses lèvres, illuminant son magnifique visage d’un éclat enchanteur. Néanmoins, Ajita décela l’espace d’une seconde une étincelle plus sombre dans ce regard si profond, les limites d’une existence bien heureuse, le verso du miroir : le chagrin.
Cependant, cette jeune femme resplendissait et cette bonté dont elle faisait preuve, ce sourire bienveillant étaient sincère. Alors, sans se soucier de sa première impression, désireuse de laisser libre cours à l’évolution d’une rencontre fortuite, Ajita acquiesça à sa proposition.
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Sujet: Re: Contemplation Lun 21 Oct - 10:30
Je marchais dans les rues de Séoul en direction du Sun’s Smile. Je devais rendre le pull que Soo Jin m’avait prêté à la suite de notre percutante rencontre. Et puis ça me ferait plaisir de la revoir et de goûter à une autre de ses pâtisseries. J’en salivais d’avance !
Ça ne faisait pas longtemps que j’étais arrivée à Séoul mais déjà j’aimais la ville. Ville assez cosmopolite où la modernité côtoyait la tradition, je me sentais à l’aise. Ici, je pouvais me fondre dans la masse. Je n’étais plus cataloguée comme la pauvre fille abandonnée par son fiancé quelques jours avant leur mariage et qui par la suite a perdu dans la foulée toute sa famille. Je n’étais plus la fille que tout le monde regardait avec de la pitié dans les yeux même si on s’efforçait de le cacher. J’avais horreur de la commisération des gens. Surtout quand cela cachait une satisfaction secrète. L’être humain aimait se délecter du malheur d’autrui surtout dans les petites villes où tout le monde se connaissait et où tout se savait.
Ici, j’étais anonyme et j’adorais ça. Je pouvais refaire ma vie et la vivre comme bon me semblait. J’étais seule certes mais je me connaissais assez pour savoir que je pourrais me faire des connaissances rapidement. Pourquoi pas Soo Jin d’ailleurs ? C’était la première personne qui m’ait tendu la main après tout ce que j’ai traversé. Elle ne le savait pas mais je lui en étais vraiment reconnaissante. Sa gentillesse m’avait profondément touchée.
J’en étais là dans mes pensées quand je senti les premières gouttes de pluie, prémices d’un déluge qui n’allait sans doute pas tarder. Je me mit à courir pour arriver au plus vite au salon de thé. J’ouvris la porte et dans mon élan je ne vis pas la personne devant qui s’était retournée s’apprêtant à partir. Nous nous percutâmes assez violemment pour que je perde l’équilibre et me sente partir en arrière. Je fermai les yeux en attendant l’inévitable choc au sol quand je me sentie attrapée par le bras et remise sur pieds. J’ouvris grands les yeux ne m’attendant pas à autant de réflexe de la part d’une personne.
Une jeune femme d’une trentaine d’année se tenait devant moi. Sans doute l’une des plus belles qui m’ait été donnée de voir. Une indienne d’après ses habits. J’étais surprise, car c’était la première fois qu’en j’en voyais une en chair et en os. Aimant beaucoup la culture indienne, je m’étais intéressée dès le plus jeune âge à tout ce qui avait trait à l’Inde. Passion que je partageais avec Min-Soo. Nous aurions dû partir en Inde d’ailleurs pour notre lune de miel. A ce souvenir, je ressentis une pointe de douleur dans son cœur et sentis les larmes qui perlèrent… Résolument, je les refoulai et offris à la jeune femme au teint mat un sourire.
En la voyant, la première chose qui frappait c’était la tristesse qui émanait d’elle. Une tristesse si profonde que j’en fus bouleversée. Elle s’excusa et se prépara à partir.
- Je ne serais pas contre un peu de compagnie aujourd’hui. D’autre part, il me semble que vous êtes étrangère, faire votre connaissance m’enchanterait.
Etait-ce sa tristesse qui me rappelait tellement la mienne qui me poussait à lui proposer cela ? Je ne saurai le dire. J’étais attirée par cette étrangère pour quelques obscures raisons. Elle avait de toute évidence besoin de compagnie et semblait un perdue au milieu de cette foule. Je la vis hésiter un court instant avant d’accepter. Je lui souris à nouveau, heureuse de cette rencontre inattendue.
Nous nous dirigeâmes vers une petite table dans l’angle, un peu à l’écart des autres. C’était mieux pour faire connaissance, pensai-je.
- On ne s’est toujours pas présentées. Je m’appelle Su Yeon et je suis ravie que vous ayez accepté mon invitation.
Je sentais que cette rencontre allait changer ma vie et j’étais impatiente de savoir comment…
Contemplation
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