Assise en tailleur à même l’herbe, Li Mei dessinait. Ses coups de crayon étaient légers et rapides. Cela faisait maintenant plus d’une heure qu’elle croquait tout ce qui se présentait sous ses yeux. Elle était censée avoir un cours d’aquarelle, mais le professeur leur avait simplement donné une commande. Ils devaient peindre, à l’aquarelle, l’innocence. Pour cela, ils avaient quartier libre. Ils pouvaient utiliser les salles du campus, ou encore sortir s’inspirer ailleurs. C’était la solution choisie par Mei. Elle chercha une idée et finit par la trouver. L’innocence, pour elle, c’était l’enfance. Elle rejoignit donc un jardin d’enfants. Elle s’installa à l’écart et commença à crayonner tout et n’importe quoi, cherchant désespérément quelque chose de satisfaisant à reproduire sur sa toile.
Elle marqua une pause lorsqu’un ballon lui arriva dessus. L’enfant ne s’excusa pas, pas plus que sa mère qui se contenta de l’éloigner de l’étrangère comme elle venait de l’appeler. Peut-être pensait-elle que la chinoise au visage de poupée ne comprenait pas le coréen. Pourtant, elle entendit et comprit parfaitement chacun des mots de cette femme à l’air revêche. Elle fit comme si elle n’était pas touchée par la dureté de ces paroles alors qu’elle se sentait peinée. Elle trouvait injuste d’être jugée sur sa nationalité. C’était le même genre de personne que sa grand-mère.
Pour se changer les idées, Mei ouvrit un paquet de bonbons et en mit un dans sa bouche avant d’observer ses croquis. Elle en choisit un et sortit son support pour peindre. Très légèrement, elle crayonna la forme de base, avant de finalement sortir sa palette d’aquarelle. Doucement, par touches de couleur, elle commença à apposer la peinture sur le papier épais. Elle y mettait tout son cœur, bien que le sujet ne l’inspirât pas plus que cela. Elle imaginait le regard de Ming lorsqu’il se poserait sur son œuvre. Elle était sûre que cette scène lui plairait.
Concentrée, elle ne remarqua pas la femme qui s’était approchée d’elle avec sa poussette, pas plus qu’elle ne se rendit compte qu’elle l’observait depuis maintenant une bonne minute. Elle était bien trop occupée à peindre la scène qu’elle avait choisie, montrant des enfants jouant ensembles à la balle devant le toboggan. Cela ne détonnait pas d’originalité mais au moins, cela collait au thème imposé. Lorsqu’elle leva la tête, elle se figea, sans pour autant que son sourire ne disparaisse.
« Bonjour, » finit-elle par bégayer timidement.
Elle observa un instant la coréenne et, lorsqu’elle jugea qu’elle ne semblait pas vouloir lui attirer d’ennuis, elle reprit.
« Je peux vous aider ? »
Comment Mei aurait-elle pu deviner que cette jeune mère s’intéressait simplement à son art ?