Pictures of success

Kwang Im Hyun & Goo Jong Hi


Cette journée s'annonçait déjà comme une sorte de miracle en elle-même. Le simple fait que j'aie pu me lever en douceur, réveillé par la lumière grandissante du soleil matinal, et non pas au son strident de mon réveil m'avait ravi. J'avais terminé la veille au soir la dernière dissertation de gestion, sur un sujet plus que barbant dont notre professeur avait le secret. Mais mieux que ça : cela signifiait que j'étais à jour dans mes devoirs pour la fac. J'avais pu me laisser emporter par le sommeil l'esprit tranquille. Et comble du bonheur, je pouvais me permettre une grasse mâtinée.  
Voila le pourquoi de mon humeur rayonnante. Je me préparais tranquillement et dégustais mon petit déjeuner. Un passage à la salle de bains plus tard, je choisissais mes vêtements pour sortir. Un tee-shirt blanc, un jean et une veste légère mais parfaitement coupée feraient parfaitement l'affaire. Histoire de renforcer cette impression d'évasion qui se dessinait pour cette journée, j'avais décidé de ne porter que les vêtements les plus simples de ma garde-robe. Une façon discrète de m'affranchir symboliquement de mon carcan habituel.
Juste aujourd'hui, pas de costume ni de cravate, pas d'uniforme, pas de chemise... Rien qui me rappellerait la pression que mon quotidien pouvait générer.j'avais décidé
Juste aujourd'hui, je m'autoriserais à ne vivre que pour moi. J'avais décidé de partir simplement me balader et prendre quelques photos. Cela faisait longtemps que je n'avais pas eu un peu de temps libre pour ça.

Mon coeur battait un peu lorsque j'allais ouvrir la vitrine qui trônait dans le salon de mon petit appartement. Elle renfermait ma collection d'appareils photo. Mes trésors. Je les exposais ainsi pour les mettre en valeur bien sûr (je possédais quelques boîtiers assez rares que m'envierais nombre de collectionneurs) mais aussi pour toujours les avoir sous les yeux. Ne pas les perdre de vue. Me rappeler d'un simple regard, qu'il y avait peut-être autre chose que les études que m'imposaient mes parents dans ma vie... Il fallait que je puisse les toucher, m'en servir, ou simplement les contempler à tout instant.

Je fis rapidement mon choix parmi mes appareils, attrapant mon reflex fétiche ainsi qu'un objectif approprié aux prises de vue en extérieur. Je rangeais tout méticuleusement dans ma sacoche. C'était une sorte de rituel dans lequel je me plongeais. Quand tout fut parfaitement rangé, je pris mes clés et sortit. Direction le parc de Yeouido.
Le temps était magnifique et j'avais décidé de profiter au maximum de la journée de répit que je venais de m'accorder. Une longue balade au parc, en pleine nature, me ferait le plus grand bien. Et la flore y était fascinante de couleurs et formes chamarrées.

"Avec cette lumière ça va donner des beaux clichés."

Arrivé sur place, je commençais à me promener sans but, faisant un petit repérage des endroits les plus intéressants à photographier. Il y avait des arbres gigantesques dont les feuillages projetaient une ombre démesurée sur la pelouse qu'ils dominaient. Des massifs de fleurs aux structures complexes, qui attiraient des insectes aux pattes engluées de pollen. Lorsque je me mettais en quête de photo, j'avais l'impression que les teintes du décor qui m'entourais devenaient plus puissantes, plus intenses. J'avais réellement l'impression de vivre, ici et maintenant. Cette hyper-conscience m'assourdissait parfois.

J'avais trouvé l'endroit par où j'allais commencer ma session photo. Au bord d'un bassin artificiel, des roseaux sauvages émergeaient de l'eau. La lumière avait une densité assez spectaculaire avec le jeu des reflets à la surface du lac. Je posais mon sac, sortit mon appareil et me mit à travailler consciencieusement . J'étais tellement concentré que je n'entendais plus ce qui se passait autour de moi. Je ne percevais plus rien que la sensation de mon doigt sur le déclencheur, et l'ajustement parfait de la cellule de mise au point dans mon objectif.

En cette matinée d’avril, le soleil rayonnait haut dans le ciel de Séoul, donnant alors un immense sourire à Im Hyun alors qu’elle petit-déjeunait tranquillement assise à son balcon. Un simple pull blanc et long pour toute tenue, ses cheveux aujourd’hui roux retombant en cascade dans son dos et ses pieds nus goûtant aux rayons de chaleur, elle dégustait un chocolat chaud en même temps qu’elle laissait le soleil caresser sa peau. Que c’était agréable.

Peu à peu, le mauvais temps et le froid quittaient la capitale coréenne pour être remplacée par une douce chaleur, parfois brisée par quelques rafales de vent frais. Et le soleil, Im Hyun l’aimait, l’adorait. Quand il faisait beau et chaud, c’était la période des couleurs, des sourires, et des rires. C’était la période de la vie, alors que l’automne et l’hiver rappelaient la mort. D’autant plus que Yong Hae était décédé fin septembre de l’année dernière, alors que l’été cédait sa place à l’automne.

Soupirant, créant de petites bulles dans son chocolat, elle reposa sa tasse en secouant la tête. Elle ne devait pas retomber dans la morosité. Et ce mercredi s’annonçait pourtant bien parti pour cette activité, puisqu’elle n’avait aucun shoot de prévu et aucun ami à voir. Non. Elle ne pouvait se laisser abattre. Elle allait bouger, sortir, déambuler dans les rues de la capitale, cela l’occuperait et elle n’y penserait plus. Oui, c’était une bonne idée.

De nouveau enjouée, elle se dépêcha de finir son petit-déjeuner avant tout ranger pour filer vers la salle de bain. Un beau soleil, une chaleur éclatante, il ne fallait tout de même pas oublier qu’on était en avril. Ce fut pourquoi elle enfila un short en jean noir avec un collant couleur chair, un pull blanc à inscriptions noires et un gilet gris, lui donnant un petit look vintage comme elle les aimait, qu’elle compléta de boots noires et de quelques bijoux. Un sac dans la main et une paire de lunettes sur le nez plus tard, et elle était fin prête. N’oubliant pas son portable et verrouillant son appartement, elle partit pour sa balade.

Au fil du temps, elle se laissa voguer de rues en rues, de métro en métro, pour finir par arriver au Parc Yeouido. C’était une bonne idée, avec ce temps le parc était très agréable, la végétation repoussant doucement mais sûrement, éclairant le parc de mille et une couleurs. C’était magnifique. Elle se posa simplement sur un bras, les jambes croisées, profitant de la chaleur qui se posait agréablement sur son corps.

Son portable dans une main, elle jeta un coup d’œil à Twitter, répondant aux messages qu’on lui avait laissé. Elle n’était pas la mannequin la plus connue de la capitale, mais elle avait sa réputation, son nom et ses fans. Cent mille abonnés sur Twitter, c’était rien face au nombre qui suivait les idoles, mais c’était déjà beaucoup pour elle. Cela lui rappelait le parcours qu’elle avait dû accomplir.

Rangeant finalement son portable dans son grand sac en cuir, elle laissa son regard vagabonder sur les personnes qui peuplaient le parc. Elle aimait les observer, imaginer leur vie. Ses yeux finir par se poser sur un jeune homme avec un appareil photo en main, et elle sourit, attendrie. Les photographes lui rappelaient sa profession, elle était étroitement liée avec ces personnes chaque jour.

Et puis, elle aimait assister à d’autres shoots, c’était toujours instructif. Elle chercha donc le possible modèle du jeune homme, mais elle eut beau fouiller encore et encore le parc des yeux, restant dans la possible ligne de mire du photographe, elle ne remarqua personne.

Mais que faisait-il alors ? Une idée lui traversa alors l’esprit. Se pouvait-il qu’il prenne des photos… sans modèle ? Juste la nature ? Oh non. C’était si triste. Pour elle, des photos sans modèle, sans humain, c’était comme des photos… mortes. Oui, c’était le terme. Elle ne pouvait pas juste rester là à l’observer faire. Il n’avait sûrement pas de modèle, personne ne voulant poser pour lui ou il n’osait pas demander. Alors elle devait l’aider. Elle tapa dans ses mains, heureuse de sa résolution avant de se lever de son banc.

Elle hésita un bref instant à venir lui parler directement, mais sa timidité naturelle reprit le dessus au premier abord. Non, pas tout de suite. Simplement, elle alla se poser au bord du bassin artificiel, dans l’objectif du jeune homme. De profil par rapport à l’appareil photo, elle adopta une pose naturelle, habituée qu’elle était aux shoots. Un léger sourire amusé aux lèvres, un petit regard en coin vers le photographe, tout en jouant avec l’herbe de ses mains, elle espérait paraître assez subtile, et en même temps qu’il la remarquerait assez pour qu’il vienne lui dire quelque chose. S’il venait le premier, elle aurait moins de mal. Après tout, ses entraînements avec Ji Hyuk commençaient à porter leur fruit.

Une jambe repliée devant elle, l’autre en tailleur, son sac à ses côtés, elle posa son menton sur son genou, son regard se perdant alors dans l’immensité du parc. Tant de choses qu’elle ne connaissait encore pas sur Séoul, tant de choses à apprendre, à connaître. Et elle était si curieuse.