Ce jeune homme qui se tient derrière le comptoir, qui sourit à peine, qui a limite peur qu’un client ne soit pas satisfait est pourtant beau. Quand il marche dans la rue, il pourrait même intimider, il le fait malgré lui. Son regard est hautain, ses traits sont fins, et à la fois durs. Ce jeune homme est beau. Ce jeune homme a un visage qui plait, un corps musclé. Il est grand, il a les cheveux en bataille. Si jamais il sourit, il en envoûte plus d’un, plus d’une.

Ce jeune homme montre sa simplicité, ou du moins, celle qu’il s’efforce à faire paraître. Sophistiqué, discret, son style est digne de ceux que l’on peut apercevoir dans les magazines de mode. Ce jeune homme est tatoué, aux deux bras, et puis, il porte des piercings, aux oreilles. Ses cheveux, sont en bataille, et il aime les teindre en blond. Ça l’amuse de passer et repasser sa main dans la tignasse qui lui sert de cheveux.

Ce jeune homme est un barman qualifié de sexy. Il ne niera pas, mais il n’assumera pas non plus. Même si sa confiance se traduit sur son image, ce n’est pas là où il tire le plus grand de sa force, même si il aime bien. Un mètre quatre vingt dix, soixante-quinze kilos, ce jeune qu’est Adam aurait du mal à être qualifié comme « chinois » quand on le voit, et pourtant. Ses yeux, son sourire, son tic à se mordiller la lèvre inférieure, sa manie à toucher à ses cheveux, se regarder dans la glace, ne cesser de sourire… Adam est un bel homme en conclusion, qui dira le contraire ?

"Je ne saurais pas me décrire moi-même. J’oublie parfois ce que je fais dans une journée, pourquoi je me suis retrouvé à dormir sur un banc, ou pourquoi est-ce que l’on me fait une fellation, alors me décrire… Je doute très fortement être suffisamment bien placé pour le faire. Mais cela, cela est seulement la partie consciente de moi-même. Les docteurs disent que je suis un spécimen unique, ils ne pourraient même pas me dire de quoi je souffre réellement. Je suis malade, je suis fou, et au moins, j’ai conscience de cela… bien plus qu’on ne le pense."

Le cerveau et l’esprit de Adam ne sont pas mesurables, ils ne sont pas étudiables. Son cerveau, sa pensée, sont au-delà d’un traitement psychologique quelconque. Aucun spécialiste ne pourra rien faire pour lui. Il est surdoué, dur à croire quand on le voit, certes, avec son air loufoque et totalement décalé. Il a toujours l’air de tomber au mauvais moment, comme un cheveu sur la soupe, et Adam a toujours l’air de s’en contre foutre. Il rit pour un rien, et son rire est semblable à celui d’une hyène quand il s’y met. En fait, son cerveau reçoit beaucoup trop d’impulsions. Son cerveau ne cesse de recevoir des informations, il est beaucoup trop conscient du monde qui l’entoure en somme. C’est une intelligence beaucoup trop rare, beaucoup trop poussée, et son seul moyen de protection, le seul moyen de contrôler son propre cerveau, c’est de se réinventer chaque jour. Adam peut montrer parfaitement ce qu’il est. Quelqu’un de carré, qui sait ce qu’il veut et qui l’obtient toujours, coûte que coûte ; il est de ceux dont la fin justifie les moyens. Persévérant, il lâchera rarement une affaire, qu’elle soit bonne ou mauvaise, il fera des mains et des pieds pour arriver au bout de ses convictions. Mais tout aussi bien il ne se gênera pas pour se servir de vous, de votre petite amie ou de votre mère tant que ça peut l’aider à avancer. C’est limite si il a un cœur, il est égoiste, purement égoiste, et remercions le ciel qu’il ne soit pas égocentrique, vraiment...  Il a un humour noir, un sarcasme très poussé, et sort toujours des répliques à double sens. Alors, si vous rencontrez Adam très sympathique et agréable, et que le jour suivant, c’est un psychopathe, il n’y a rien à craindre, c’est quelque chose de normal, enfin, jusqu’à ce qu’il vous blesse… Il aime le jeu des semblants, il aime l’illusion, et cacher tous ses défauts est devenu pour lui un jeu d’enfants.

« Mon enfant est beau. Mon enfant est bon. Il est allongé là, dans ce berceau d’hôpital. On est le premier juin 1988. Adam est né hier. Je le regarde dormir paisiblement, les poings fermés, sa bouche bougeant lentement, comme cherchant à téter. Adam est innocent, Adam est pur. Je suis heureuse, je suis comblée, mais dans le fond, je m’en veux. Je m’en veux jusqu’au plus profond de mes entrailles. Parce que cet enfant que j’ai mis au monde, grandira sans père, et peut-être même sans mère. Je me suis levée pour le prendre dans mes bras quand il pleurait, pour l’allaiter, ça l’a calmé, mais ce sont mes pleurs à moi qu’il aurait fallu essuyer. Je ne veux pas qu’il soit seul dans ce monde, je ne veux pas qu’il se sépare de moi, je ne veux pas qu’il m’oublie, je ne veux pas, je ne veux juste pas. Je sais que si jamais je ne suis plus, Maman s’occupera bien de Adam, j’en suis consciente, mais s’il te plaît Adam, n’oublie jamais que je t’aime, que tu es ce que j’ai de plus précieux, et que je veillerai sur toi, même de là haut. »



« C’est n’importe quoi. Elle se fout de ma gueule. Elle vient me voir des mois plus tard pour me dire quoi ? Qu’elle est enceinte ! Là c’est carrément se foutre de la gueule du monde ! Non mais elle croyait vraiment que je voudrais d’une famille avec elle, ou que tout simplement je voudrais d’elle ? Quelle belle blague ! Un gamin, un morveux, elle voulait me coller un morveux dans les bras ? Et puis quoi encore, un petit chiot tant qu’on y est ! Lyn, tu peux y croire toi ? Et puis qu’est-ce qui me certifie que ce gosse est à moi ? Rien ni personne. Qu’elle se démerde. C’est à peine si je me souviens de la nuit que j’ai passé avec elle tant j’ai enchaîné les coups d’un soir à cette époque là, enfin, l’époque n’est toujours pas finie, n’est-ce pas ? On se voit ce soir à l'Hotel, Lyn ? »




« Je refuse de voir encore un hématome de plus sur le corps d'Adam. C’est quoi ces gamins qui s’en prennent à lui. Il ne leur fait rien ! Il ne ferait pas de mal à une mouche ! Et vous, les professeurs ne faites rien ! Mais que leur apprenez-vous ? A martyriser autrui ou à le respecter ? Si ça continue, je jure porter plainte, et croyez-moi, tout le pays sera au courant de votre incompétence. »




« Les couleurs se mélangent les unes aux autres. Les couleurs ne font aucun mal physique. Les couleurs m’atteignent pourtant plus que les coups que je reçois au quotidien. Je suis le souffre douleur depuis toujours. Parce que ma mère est décédée, parce que mon père m’a abandonné, alors que je porte son prénom. Aujourd’hui, j’ai 16 ans et je vis à l’internat du lycée. Baba Fei est morte l’année dernière. Je me souviens encore de son rire, vous savez ? Ne vous approchez pas s’il vous plait, restez à l’écart. […] Je ne veux que qui que ce soit m’approche, je n’aime pas ça. J’ai peur de ça. Au lycée, je panique, je panique dès que quelqu’un m’approche. Parce que personne ne veut de moi après tout. […] Ma mère ? Ma mère avait une belle voix, c’est tout ce dont j’ai souvenir. Mais, je chantonne sa berceuse tous les jours. Elle m’aimait de tout son cœur. Elle m’a laissé son journal. Je connais mon histoire, je connais sa souffrance comme sa joie. Elle n’est plus dans ce monde, mais elle est toujours avec moi. Vous, vous ne la voyez pas, mais pourtant, elle est assise avec moi. […] J’envisage de partir. Ici je ne me sens pas en sécurité. Dès que je le pourrai, dès que j’aurai fini le lycée, je veux aller en Corée. Là où personne ne me connaît, où personne ne connaît mon histoire, où, même si je suis seul, je ne craindrai que peu. Mama est d’accord avec moi, elle me soutient, alors je le ferai. »



Il m’en a fallu du temps pour comprendre pourquoi j’étais si différent des autres enfants. Il m’en a fallu tout autant pour apprendre à vivre. Ce n’est pas facile d’être un enfant métisse dans un milieu qui ne l’est pas. Ce n’est pas facile de ne plus avoir sa mère, et de pourtant continuer à la voir. Ce n’est pas facile d’être donneur, et de ne pas trouver de receveur. Ma grand-mère savait ce que j’étais, puisqu’elle en était une. Ma mère est morte, parce qu’elle n’avait plus de donneur. Pourtant j'aurais pu être son sauveur... J'ai appris mon statut de donneur lorsque j'avais trois ans environ. Je passais mes journées à courir partout, je devenais colérique au fil des jours, jusqu'à en tomber malade. Seulement, ma très chère grand mère savait parfaitement ce qu'il se passait avec moi. Ma mère était receveur, mon grand père était donneur et... l'âme soeur de ma grand mère, receveur. Je n'étais pas du tout un enfant câlin à cette période, mais, à tant donner cette énergie à ma Baba, j'y prenais goût. Je me refugiais dans les bras de ceux qui avaient besoin de mon énergie pour me sentir accepté. Ça me donnait une place dans mon indifférence. Ça me faisait tenir chaque jour, et j'en avais que faire que l'on trouve ça étrange que j'embrasse ma grand mère au fil des années. Ma mère approuvait. Cette même mère que personne ne pouvait voir.

J’étais un enfant maltraité à l’école à cause de mon apparence, et à cause de mon statut. J’étais un enfant renfermé, parce que j’avais peur de tout. Mais je ne veux plus que ce soit le cas. Maintenant je suis un homme sûr de moi, je suis un homme qui a appris de son passé, et qui voudrait l’oublier. Je suis un homme qui attend patiemment qu’un jour mon âme sœur apparaisse. Je suis tout simplement un homme qui essaie de vivre une vie normale, sans laisser entre voir ses problèmes. Je ne crie pas spécialement que je suis un Twao, mais je répondrais par l'affirmative si on me demande si j'en suis. Je n'en ai absolument pas honte, c'est ce qui a fait ma force, et puis, ça donne un peu plus de corps à l'argument de ma folie.