Je n’obéis pas à la voix autoritaire qui tonne derrière moi, prenant simplement un peu plus d’allure sur mes jambes d’enfant afin de m’éloigner au plus vite. J'atteins le hangar, dehors, cherche mon vélo, renversant les choses qui gênent mon passage sans aucune cérémonie. Le bruit est fracassant, une chose à laquelle je ne prête pas attention vient écorcher mon genou. Je l'écarte vivement d'un coup de jambe, attrape le guidon, sans me soucier des hurlements qui se rapprochent et d'un coup vif j'arrache mon vélo, le sors dehors dans la cour. Je n’aime pas cet homme. Je n’aime pas la tension qu’il amène avec lui, tous les soirs, je n’aime pas comment il rend ma maman, je n’aime pas… Je ne l’aime pas. Ce soir-ci, ce fut le soir de trop. La tension qui a fait faiblir mes nerfs déjà peu résistants. La remarque glaciale et indifférente de trop. J’ai craqué… Ma mère, comme d’habitude, n’a rien dit quand l’homme qu’elle se dit aimer a encore été désagréable avec elle. Ce ne sont pas tes affaires, Ae Woon-ah. Ce n’était sans doute pas mes affaires… mais j’en souffrais quand même. J’empirais sans doute les choses à cause de mon attitude ? Peut-être. Mais si les choses n’existaient pas, je ne pourrais pas les empirer, non ? Alors oui, j’ai répondu à mon père, oui j’ai changé la tension ambiante en une colère palpable, à couper au couteau et oui, j’ai défié son autorité. Mais je m’en fiche. Parce que j’ai raison d’avoir fait ça, pour ma mère… Il n’a pas à lui parler de la sorte, alors qu'elle l'a choisit lui.
Je prends mon vélo, l’enfourche rapidement, sans regarder ma petite sœur qui est près de moi et qui tente de m’en empêcher. J’ai besoin d’air, vite, m’échapper, respirer, dehors, me rafraîchir… Désolé Ae Ri, j’ai trop d’adrénaline dans le sang pour pouvoir m’occuper de toi correctement. J’ai trop crié, il m’a trop mis en colère, j’ai trop de choses sur le cœur pour pouvoir avoir les idées claires. Comme si un voile qui me bande les yeux, serre mes tempes, les fait battre rageusement et m’empêche d’être raisonnable… C’est idiot de sortir à cette heure-ci, je le sais très bien, comme je sais très bien que c’est totalement stupide de pédaler le plus vite pour m’éloigner de chez moins le plus rapidement possible. Néanmoins, c’est ce que je suis en train de faire. A chaque coup de pédale, j’ai l’impression que ma colère s’en va, petit à petit… Elle s’amoindrit. Elle quitte mon cœur pour s’en aller je ne sais où dans l’air, chassée par le vent qui frappe mon visage et fait battre mes cheveux.
Une sensation de liberté me prend alors que je quitte la rue, pour rejoindre les chemins que je connais par cœur me menant à la rivière Han. Je sais que là-bas, je trouverais le calme dont j’ai besoin pour pouvoir m’apaiser. Je prend une grande inspiration… que je n’ai même pas le temps d’expirer, sentant mon équilibre basculer dangereusement après le furieux à coup qui m'arrache un cri de surprise et qui me sort le cœur de la gorge.
Dernière édition par Kang Ae Woon le Mar 28 Jan - 19:00, édité 1 fois
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Sujet: Re: Trauma, scars and fear Mer 31 Juil - 15:11
Je suis thanatophobe, j’ai la phobie de la mort. Vraiment. C’est quelque chose qui m’a toujours angoissée. C’est une peur qui me tétanise et m’empêche de réfléchir. Quand j’étais petite, c’était simplement une angoisse un peu trop présente, comme quelqu’un qui aurait peur des araignées, mais depuis le 29 août 2002, c’est devenu une véritable phobie, au sens médical du terme. Ce jour-là, j’ai failli perdre mon grand-frère. Ce soir-là, il aurait pu mourir. Jamais je n’oublierai cette soirée.
Nous étions tous à table, en train de manger tranquillement le délicieux repas préparé par Maman. Papa a fait une remarque sur la cuisson imparfaite selon lui de la viande, et Maman n’a rien dit. Je ne lâchais pas mon frère, assis face à moi, des yeux. A sept ans, il y avait des tas de choses qui m’échappaient mais je connaissais mon frère mieux que n’importe qui et sans aucun doute mieux que moi-même. Je ne manquais aucun des regards haineux qu’il lançait à notre père, et je le savais capable de s’emporter très facilement. Je le vis se tendre, regarder alternativement nos parents, puis exploser. Ce furent d’abord des mots, comme d’habitude. Maman essayait de calmer mon frère tandis que celui-ci lançait tous les reproches du monde à notre père qui lui-même haussait le ton pour remettre à sa place la personne la plus importante pour moi. D’ordinaire, lorsque les choses dégénéraient ainsi, je préférais garder le silence. Mais la tournure des évènements commençait à me faire peur. Ae Woon était vraiment furieux, et la rage de Papa était telle que même l’infinie douceur de Maman ne parvenait pas à le calmer.
Rien n’allait plus chez les Kang. Les hommes criaient, Maman essayant de couvrir leurs voix pour les ramener à la raison. Et moi, au milieu, j’essayais de me faire entendre, les suppliant vainement d’arrêter de se disputer, ce qui n’eut absolument aucun effet. Woonie finit par quitter la salle à manger, d’un pas décidé, tandis que Maman s’accrochait à Papa pour l’empêcher de le poursuivre. Ma place étant auprès de mon frère, je me levai et courus pour aller le rejoindre. Je le retrouvai devant le hangar d’où il sortait son vélo.
« Oppa, s’il-te-plaît calme-toi ! »
Je me souviens avoir répété ça une bonne dizaine de fois, en courant puis à côté de lui. J’étais inquiète, je ne voulais pas que mon frère s’en aille à vélo dans un tel état de nerf. Je savais qu’il avait besoin d’air pour se calmer et que les cris de Papa se rapprochant de plus en plus ne faisaient que l’oppresser encore. Ae Woon me repoussa brusquement, sûrement sans s’en rendre compte lorsque je m’accrochai à son bras pour tenter de le retenir. Peinée mais surtout inquiète, je le regardai enfourcher son vélo. J’étais impuissante. Alors qu’il commençait à s’éloigner, je hurlai.
« Sois prudent s’il-te-plaît ! »
Je savais que je ne devais pas le suivre, et je n’aurais pas pu avec toute la volonté du monde. Mon vélo était bien trop difficile à atteindre pour moi, et, même si je savais où il allait se réfugier, j’ignorais totalement comment m’y rendre. Pourtant, je ne pus pas m’empêcher de courir un peu, le long de l’allée, comme si j’avais la moindre chance de le rattraper. J’étais la plus rapide de l’école, grâce à mes courses après les papillons probablement, mais je n’étais certainement pas assez rapide pour rattraper un Woonie qui pédalait comme un dératé pour s’enfuir aussi vite que possible. Il s’éloignait dans mon champ de vision comme je ralentissais, entendant les cris inquiets de Maman me rappelant. Sans pour autant lâcher Ae Woon du regard, je m’arrêtai alors, mon visage exprimant clairement mon inquiétude. Déjà à cet âge, j’avais peur qu’il arrive malheur à mon frère. C’était mon modèle, malgré son caractère impétueux. Je l’aimais plus que tout. C’était mon frère, et si j’avais le choix entre passer du temps avec Min Hwan, Seo Min ou lui, c’était toujours lui que je choisissais. Je le regardais donc s’éloigner, poings et cœur serrés, croisant les doigts pour qu’il ne lui arrive rien et qu’il me revienne vite. Et l’accident survint.
J’entendis un bruit de freinage, tonitruant, puis un choc, et des cris. Mes cris. Était-ce un mot ou une onomatopée ? Je serais bien incapable de m’en souvenir. Je me rappelle juste que j’étais terrifiée et que c’était comme si mon corps décidait seul de ce qu’il fallait faire. Je me mis à courir immédiatement, mes grands yeux bleus écarquillés par la peur. J’étais incapable de réfléchir. Et maintenant encore, quand j’y repense, je ressens cette même peur, à peine amoindrie. Par chance, mon cerveau refusait d’envisager le pire. Je manquai trébucher plusieurs fois sans pour autant m’arrêter. Quand, au terme d’une distance qui me parut beaucoup trop longue, j’arrivais enfin au niveau de mon frère, je dus bousculer un adulte, le conducteur de la voiture, pour voir mon frère.
Ce ne fut pourtant pas lui que je vis. Debout, le souffle court, je ne vis que le sang qui coulait tout autour de lui. Je me mis à trembler et tombai à genoux près de lui. J’avais tellement peur ! J’avais l’impression d’étouffer et mon cœur me faisait mal, comme s’il était enserré dans un étau bien trop serré pour qu’il puisse battre correctement. Mon frère gisait devant moi, à quelques mètres seulement de la voiture qui venait de le renverser, maculé de ce liquide pourpre nécessaire à la vie qui formait une flaque de plus en plus large. Le temps s’était comme arrêté pour moi, j’avais l’impression que cela faisait une éternité que j’étais là. Je n’entendais plus rien, je ne voyais plus rien hormis le sang de mon frère. Je ne voulais plus respirer. Puis je l’entendis gémir, de très loin, et nos regards se croisèrent. Je pris sur moi pour ne pas perdre complètement la tête et, au prix d’un effort considérable, je sortis de ma torpeur pour apposer ma main tremblante sur sa joue après m’être traînée aussi près de lui que possible.
« Reste avec moi, Oppa ! Je t’en supplie, ne m’abandonne pas ! »
J’essayais de sourire, mon regard accroché au sien, prenant exemple sur les sourires rassurants de Min Hwan lorsque je venais de me blesser après une énième bêtise. Puis je tournais la tête de l’autre côté de l’allée et hurlai de nouveau, de toutes mes forces, pour appeler Papa. Il était pédiatre, il saurait forcément quoi faire. Plus rien ne comptait pour moi. Je crois que le conducteur du véhicule me parlait, ou parlait à Ae Woon, ou à quelqu’un d’autre d’ailleurs, mais ça n’avait pas d’importance. J’étais terrifiée. En ramenant mon attention sur mon frère, je pris conscience de la gravité de la situation. L’une des jambes d’Ae Woon était coincée bizarrement sous son vélo, son bras droit formait un angle étrange et on en voyait l’os dépasser, ses vêtements rougis étaient déchirés et ne laissaient rien présager de bon. Mais le pire, c’était son crâne d’où dégoulinait une rivière de sang. Maman m’a toujours assurée qu’il n’y avait pas tant de sang que ça, mais je ne la crois pas. Dans mes souvenirs, ça coulait abondamment. J’étais persuadée qu’il allait mourir. Lui et moi avons toujours été très fins, d’allure fragile, et je ne voyais pas comment il pourrait se remettre d’un tel choc. Et puis comment un tel flot de sang pouvait-il s’écouler d’un si petit corps ?
« Ne meurs pas… Je te l’interdis ! Tu dois rester avec moi ! »
Ma voix était enrouée et j’essayais d’empêcher le raz-de-marée de larmes de s’abattre sur mes joues à tout prix, gardant mes prunelles céruléennes ancrées dans celles de Woonie. Je ne pouvais le perdre, il n’avait pas le droit d’abandonner !
Sujet: Re: Trauma, scars and fear Ven 2 Aoû - 17:16
Sans que je ne sache pourquoi, le peu des sens que j’avais gardé m’apprirent que j’étais sur le sol, le goudron froid contre mon visage. Dans le brouhaha qui avait agressé mes oreilles durant quelques secondes, j’avais perçu les voix de ma sœur, tordue d’horreur. Mais je ne la voyais pas… Je me rendis compte confusément que la moitié droite de ma vision était brouillée, par un liquide chaud coulant sur mon visage. Je tentai de m’enlever ça, mais la douleur que m’arracha mon bras me dissuada de le bouger. Je ne fis que crier, un son bref mais qui usa ma gorge comme si j’avais avalé une poignée d’épines. J’inspirai comme je le pouvais une gorgée d’air, qui aussitôt se fit douloureuse, je sentis mon corps craquer, et mon torse sembla piqué au vif, plusieurs petites lames qui le torturaient. Mon cerveau qui s’était mis en pause revint en marche normale et analysa rapidement la situation. Malgré ma vue brouillée, je vis ma sœur au-dessus de moi qui tentait de me sourire. Plus loin derrière, dans une vision floutée due au choc que je venais de subir, un homme que je ne connaissais pas. Près de moi, les pneus encore chauds d’une voiture et, écrasé sur ma jambe droite que je ne sentais plus, le vélo sur lequel j’étais quelques minutes plus tôt.
Les pièces du puzzle s’assemblèrent lentement dans mon esprit encore choqué : je m’étais fait rentré dedans par une voiture qui, apparemment, ne roulait pas vraiment à la limite autorisée. Sinon, pourquoi je sentirais ce douloureux engourdissement dans mon bras, pourquoi ma jambe que je tentai de bougeait ne m’obéirait pas, pourquoi la moitié de ma cage thoracique refusait de s’ouvrir correctement à chacune de mes inspirations ?
«Reste avec moi, Oppa ! Je t’en supplie, ne m’abandonne pas ! »
La voix d’Ae Ri, loitaine, me parvint difficilement dans mes oreilles bourdonnantes. La grimace que je lui fis en retour en essayant tant bien que mal de la rassurer n’eut pas l’effet escompté puisque ses grands yeux bleus de petites fille se remplirent de larmes qui coulèrent le long de ses joues pour s’abattre sur mon visage. Sa voix tremblante reprit :
« Ne meurs pas… Je te l’interdis ! Tu dois rester avec moi ! »
Mourir ? J’étais dans un état si catastrophique ? L’état de léthargie dans lequel j’étais m’empêchait de me rendre compte correctement de la situation. Certes j’étais tombée, terrassé sur la route par un véhicule plus lourd que mon simple vélo, mais à quoi je ressemblais ? Visiblement, pas à grand-chose si je me fiais au regard terrorisé de ma jeune sœur. Il fallait que je me sorte de là. Pour elle, pour ne pas la laisser… J’aurais l’air de quoi, moi, en tant que grand frère, si je partais tout de suite ? Je luttais contre l’engourdissement dans lequel mon esprit s’était réfugié et aussitôt, la douleur se fit plus lancinante. Toute la moitié droite de mon corps me fit mal… Le simple fait de bouger un orteil enflamma ma cheville, les muscles de ma jambe droite coincée sous mon vélo étaient tremblotants, sanguinolents sous mon jean qui se trempait de sans à vive allure, sans doute blessés par le métal de ma bicyclette. Sans oublier mon bras complétement tordu, à vif, que je ne voyais pas mais qui me faisait souffrir le martyr à chaque phalange que j’avais le malheur de bouger.
Les mots qui sortirent de ma bouche furent désorganisés et illogiques, même moi je trouvai que ça ressemblait plus à un gargouillis inintelligible qu’autre chose… Ce que j’étais crédible à vouloir rassurer ma cadette, dont la main qui caressait ma joue tremblait de terreur. L’attraper pour la caresser à mon tour était impossible : le moindre mouvement m’était impossible. Je tentais néanmoins de faire bonne figure, grimaçant un sourire, qui fut balayé par une nouvelle vague de souffrance. Je serrai les dents, mordis mes lèvres pour ne pas crier. Il ne fallait pas l’inquiéter plus qu’elle ne l’était déjà. Déjà tout petits, nous avions cette relation forte et unique qui unie les frères et sœurs, et j’ai très tôt eu conscience qu’en tant qu’aîné, je devais la protéger. Physiquement et moralement. Or, là, cette scène que je lui donnais à voir était tout ce que je n’aurais jamais dû lui montrer. Déjà à cette époque, je savais que ce que je vivais était beaucoup plus douloureux pour elle que pour moi.
Il me fallut toute la volonté du monde pour ne pas fermer les yeux, ne pas céder, rester conscient et lui envoyer des signaux du fond des mes yeux qui se fixaient dans les siens. Le sang que je sentais couler du côté de ma tempe droite me faisait vaciller, de plus en plus souvent, je luttais contre cette léthargie qui voulait reprendre le contrôle sur moi… L’odeur de rouille, typique lorsque le sang s’écoule en grande quantité, m’envahit les narines et me donna envie de vomir. Tout ce qui passa par ma tête embrouillée, ce fut d’essayer de faire comprendre à Ae Ri de ne pas respirer, de fermer les yeux, de ne pas regarder… Mais trop tard, le mal était fait…
De très, très loin, j’entendais l’homme inconnu parler, sans doute au téléphone. Un cri déchirant me perça les tympans et je sus dès lors que ma mère venait de voir la dramatique représentation dans laquelle j’étais le personnage central.
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Sujet: Re: Trauma, scars and fear Sam 3 Aoû - 15:27
Pouvez-vous seulement imaginer la terreur ressentie par la fillette que j’étais au moment alors que je voyais mon frère, si fort à mes yeux, dans une telle position ? J’avais envie de fuir, je savais que je n’étais pas censée voir ce genre de choses et que mon frère n’appréciait sûrement pas de me savoir là, mais je ne pouvais pas bouger. Dans mon esprit d’enfant, chaque seconde pouvait être la dernière. Je ne pensais qu’au pire, mon esprit étant incapable d’envisager le meilleur. Avec le recul, j’ai compris que j’avais rendu les choses plus compliquées encore pour mon frère. Malgré tout, je serais encore bien incapable d’agir différemment si le même évènement se reproduisait dix ans plus tard. Peut-être même réagirais-je encore plus mal, après avoir vu la mort droit dans les yeux.
J’essayais pourtant tant bien que mal de contenir mon angoisse. J’occultais tout ce qu’il y avait autour de nous. C’était comme si une bulle s’était formée autour de nous. Mon frère me fixait, cillant sans cesse, et je ne le lâchais plus une seconde, harnachant fermement ce sourire crispé sur mon visage blafard. Je supposai qu’il essayait de me rassurer mais chacune des tentatives que je distinguais dans son regard se soldait par des grimaces qui eurent l’effet contraire. Les secondes passaient et j’étais de plus de plus effrayée. Je devinai qu’il voulait me dire quelque chose mais les sons qui sortirent de sa bouche ne ressemblaient en rien à des phonèmes. Ce n’était rien de plus que des bruits, angoissants. Je savais que son incapacité à parler n’était pas une bonne chose, comme le fait qu’il était totalement incapable de bouger réellement. Malgré mon envie de hurler pour extérioriser ma terreur, je me contentais de caresser encore sa joue, étalant son sang sur son visage, lui intimant doucement l’ordre de se taire via l’onomatopée consacrée.
Soudain, il eut une sorte de hoquet, et je levai instinctivement ma main de peur de lui faire mal. Je dus retenir le haut-le-cœur qui me prit le corps en voyant mon frère rendre le peu qu’il avait mangé ce soir, mêlé qui plus était à une drôle de couleur rouge rappelant trop celle du sang. Encore une fois, Maman m’a assurée que j’avais rêvé, et cette fois, je la crois. Tout le monde sait que la peur déforme les sensations et les évènements. Alors que je hurlais pour que mon père arrive plus vite, j’ôtais mon petit gilet rouge et le déposai tendrement sur le torse de mon frère. J’avais vu ça dans un film avec Maman. Je sais que c’était inutile mais je cherchais à tout prix à soulager mon ainé.
J’entendis soudain un cri se joindre au mien. Je quittai alors le refuge des yeux d’Ae Woon et notre bulle intemporelle pour croiser le regard horrifié de ma mère. Elle se précipita vers le corps meurtri de son fils, se plaçant juste à côté de moi. « Eloigne-toi, Ri ! » m’ordonna-t-elle, la voix brisée, avant de s’occuper à son tour d’Ae Woon et de héler encore notre père. Je me rendis compte en suivant le regard larmoyant de Maman que Papa restait debout, immobile, quelques mètres plus loin. Je l’appelais une fois, puis deux, avant de laisser exploser ma terreur.
« PAPA ! Tu dois le sauver ! Sinon il va mourir ! Et je te détesterai… »
Ce n’est que bien des années après que j’ai compris que ce qui empêchait mon père d’être aussi efficace qu’il aurait du l’être n’était autre que la culpabilité. Il savait que cet accident ne se serait jamais produit s’il ne s’était pas encore disputé avec Ae Woon. Face à ma menace, il sembla réagir. Son regard croisa le mien et il fit ce qu’il était censé faire. Il bouscula Maman sans ménagement et je l’entendis lui demander d’aller chercher sa trousse dans le hall de la maison. Maman s’exécuta sans réfléchir mais je ne bougeais pas, restant à côté de Papa, mes iris de nouveau ancrés dans ceux de mon frère. Il semblait tantôt avec moi, tantôt loin. Je pleurais toujours, incapable de tarir la source, contenant aussi bien que possible les expressions les plus violentes de mes émotions. Je fis semblant de ne pas entendre mon père m’ordonner de m’éloigner, jusqu’à ce qu’il ordonne au responsable de l’accident de me faire partir. Le contact de la main de cet homme sur mon épaule me mit hors de moi. Je me dégageais d’un brusque coup d’épaule sans quitter les yeux de Woonie. Papa ordonna à l’homme de se dépêcher, usant de ce ton autoritaire qu’Ae Woon haïssait tant. Il avait tenté de me raisonner en arguant que je le gênais, en vain. Il n’y avait plus rien de raisonnable en moi. Je ne valais guère mieux qu’un louveteau affamé et abandonné. L’inconnu obéit et m’attrapa sans douceur pour me soulever de terre et me reposer plus loin. Je me mis alors à crier, me débattant de toutes mes forces. Cet homme n’avait pas le droit de me toucher, il avait encore moins le droit de m’éloigner de la personne la plus chère à mes yeux. Cet homme, je le détestais, et je lui offris en cadeau pour ce droit qu’il s’arrogeait plusieurs hématomes, jusqu’à ce qu’il finisse par me lâcher. J’avais envie de vomir, c’était un véritable cauchemar. Je vis Maman revenir en courant et donner sa trousse à Papa qui s’affairait autour de Woon. Puis elle se posta, à genoux, proche de lui, larmoyante. Quant à moi, je regardais la scène, l’air complètement perdu. Je venais de perdre pied avec la réalité.
Je voulais retrouver les yeux d’Ae Woon, j’avais besoin de son regard pour ne pas sombrer dans la terreur la plus profonde. Mes oreilles bourdonnaient et j’avais l’impression de ne plus m’appartenir. Bouche bée, je voyais mon frère, immobile, allongé sur le sol, mon père, occupé à essayer d’endiguer le flot de sang, ma mère, agenouillée à terre, et cet inconnu, que je haïssais avec une violence inouïe. Ce dernier se rapprocha de moi et me tendit un mouchoir. Je le regardai brièvement avant de porter mon regard sur moi. Mes mains étaient pleines de sang, mes genoux aussi, et je supposais que mon visage ne devais pas être mieux. Je pris le tissu et sortis instantanément de mon hébétude. Je lançais à l’inconnu un regard meurtrier, transférant sur lui toute ma colère.
« Si mon frère meurt, je vous tue… »
Ce pauvre homme ne dut pas avoir bien peur de la fillette frêle que j’étais, mais j’étais pourtant sérieuse, et je saisissais parfaitement la portée de mes mots. Puis je lâchai le mouchoir par terre avant de rejoindre mon frère, d’une démarche mal assurée attestant de mon état d’esprit. Mon père se déplaça, me rendant la place que j’occupais avant qu’il n’arrive. Je m’étendis alors parallèlement à Ae Woon, mon regard planté dans le sien, faute de pouvoir le toucher, juste pour lui montrer que j’étais suis là, tout près de lui, et lui rappeler qu’il n’avait pas le droit de m’abandonner.
Sujet: Re: Trauma, scars and fear Lun 26 Aoû - 19:33
Ma mère rapidement vint prendre place à mes côtés et son regard remplaça celui de ma cadette. Tout aussi angoissé, ma maman avait, en plus d’Ae Ri je l’espère, conscience de la gravité de mon état. Je ne parvenais pas à comprendre ce qu’elle disait et mon champs de vision déjà rétréci s’obscurcit davantage. Je fermai les yeux, luttant contre la douleur qui s’empara de ma jambe, et ne voulant pas perdre conscience, je les rouvris difficilement. Mon père avait pris la place de ma mère, et l’idée me traversa l’esprit de le repousser. Ses gestes sûrs m’arrachèrent une nouvelle plainte tandis qu’il arrachait mon pantalon afin de mieux voir les dégâts. Je l’entendis tiquer, claquant sa langue contre ses incisives, signe que ce n’était pas joli… D’un ton sans appel, il ordonna à ma jeune sœur de s’éloigner, alla jusqu’à héler le conducteur de s’en occuper, autoritaire et froid. Ses mains sur mes blessures me firent souffrir le martyr une nouvelle fois et je geignis en serrant les lèvres.
Les cris d’Ae Ri m’alertèrent et m’inquiétèrent. Que lui faisait-on ? Je tentai de lever la tête pour la voir, mais mon père m’ordonna de me tenir tranquille. De toute façon, j’avais bien trop mal pour pouvoir faire un geste de plus et lourdement, mon crâne retomba sur le sol.
« Tiens bon, mon fils. »
Le voix de mon père me parut froide et maîtrisée, étrangement calme alors que ce qu’il venait de me dire traduisait son angoisse. Cet homme toujours imperturbable venait de me montrer qu’il pouvait être humain… Ma conscience tenta de se raccrocher à quelque chose pour ne pas vaciller à nouveau, et c’est à ce moment que choisis ma petite sœur pour revenir dans mon champs de vision. Je la vis s’étendre, près de moi, me regarder au plus profond de mes yeux et rester là, à mes côtés. Je tournai la tête, lentement, pour pouvoir la regarder aussi. Je devais être fort pour elle… Qui la protégerait si je n’étais pas là ? Qui s’occuperait d’elle, et qui l’accueillerait dans ses bras au beau milieu de la nuit ? Elle avait besoin de moi. Et moi, j’avais besoin de le savoir pour me battre pour elle.
Au loin, j’entendis les sirènes des ambulances approcher, de plus en plus fortes. Je sentis que d’autres gens venaient bourdonner autour de moi, mais je ne lâchai pas ma cadette du regard. Elle seule pouvait me donner la force de résister à la douleur qui m’assaillait. Les hommes, auquel je n’accordais même pas un coup d’œil, se parlaient entre eux dans un jargon que je ne comprenais pas. Il était question de traumatisme crânien, de fractures, d’ouvertures cutanées… L’un deux dit même que l’artère de ma jambe avait été touchée par u fragment d’os. Très vite, ils décidèrent de m’emmener. Ils me déplacèrent su une civière, et même si leurs mouvements étaient délicats, ceux-ci me tirèrent douleurs et plaintes.
« Ae Ri !! »
Plus que la douleur physique, la séparation force d’avec ma soeurette me fit peur. J’avais peur qu’on ne s’occupe pas assez bien d’elle, et même si le spectacle que je donnais ne devait pas être des plus réjouissants, le contact d’Ae Ri me faisait du bien et me donner une raison de m’accrocher. Les secouristes levèrent la civière et m’engouffrèrent dans l’ambulance, où mon père grimpa à mes côtés.
« Ae Ri... soufflai-je. -Ne t’inquiète pas, ta mère est avec elle. Tiens bon, Ae Woon. »
Les à-coups et accrocs de la route, jusqu’à l’hôpital, chacun d’entre eux, je les ressentai jusqu’au plus profond de mon corps, aiguisant la douleur déjà pesante. Mon père attrapa ma main et la serra, si petite au creux de la sienne. Ce grand homme infaillible était inquiet… Je ne l’avait jamais vu ainsi.
« On est bientôt arrivés. »
Je ne répondis rien, et me contentai de serrer les dents pour contrer une nouvelle léthargie qui tentait une nouvelle fois de me faire sombrer dans l’inconscience.
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Sujet: Re: Trauma, scars and fear Mar 27 Aoû - 17:02
Le contact du bitume sur ma joue égratignait ma peau mais je refusais de bouger. Tant que mon frère était à terre, je me refusais le droit de bouger. Je pensais à glisser une main sous mon visage pour le protéger mais n’en fis rien. Cela m’aurait forcée à bouger et à rompre le contact avec Ae Woon. Il souffrait tellement que je pouvais bien endurer le contact hostile du sol sans me plaindre. Je sentais mes larmes rouler lentement vers le sol tandis que je patientais silencieusement près de mon aîné. Je m’efforçais de ne pas paniquer. Je m’en savais capable tant qu’Ae Woon gardait ses yeux ouverts. Il ne pouvait pas me rassurer mais cette conversation muette que nous menions m’évitait de penser au pire. Je le suppliais de tenir bon, l’encourageant à tenir. Mes yeux lui criaient mon amour pour lui.
L’arrivée des secours ne brisa pas immédiatement notre lien. J’entendis les gens parler de choses qui échappaient totalement à ma compréhension. Il y avait des tas de mots dont j’ignorais la signification et des tas d’autres que je ne voulais pas entendre. Concentrée, sur mon frère, je les ignorais. En réalité, j’ignorais le monde entier. Jusqu’à ce que quelqu’un déplace le corps meurtri de mon frère et nous force à nous quitter des yeux. Je me redressais brusquement en entendant les plaintes de Woon. Elle me brisait le cœur. J’allais courir vers la civière transportée par les ambulanciers, répondant à son appel, mais je sentis des bras enserrer ma taille puis me soulever difficilement de terre. Maman me tenait dans ses bras et rejoignait Papa.
« Laisse la petite chez les voisins et rejoins-moi à l’hôpital » ordonna-t-il sans compassion avant de monter dans l’ambulance.
Abasourdie et choquée, il fallut que le véhicule se mette en route, toutes sirènes enclenchées pour que je comprenne les paroles de Papa. Je devins alors totalement hystérique, pleurant et suppliant Maman de ne pas me laisser, de m’emmener avec elle. Je ne me souviens pas bien de ce moment, mais Maman m’a raconté que je hurlais et me débattais si fort qu’elle avait été obligée de me poser à terre et de me gifler pour me calmer. C’est la seule et unique fois où mes parents ont levé la main sur moi et je ne m’en souviens plus. Malgré tout, mon regard noyé de larmes parvint à convaincre Maman de m’emmener avec elle. Attachée à l’arrière de la voiture, je n’arrêtais pas de pleurer, aussi discrètement que possible. Je détestais cette séparation. Je voulais être avec lui, je voulais être là pour lui tenir la main, je voulais avoir l’impression de partager sa douleur. Au lieu de ça, il était seul, avec Papa et son air toujours froid. J’étais persuadée qu’Ae Woon avait besoin de moi, même si j’étais celle qui avait réellement besoin de lui. Je me sentais nulle de ne pas avoir réussi à désamorcer le conflit à table, je me sentais inutile de n’avoir pas pu rester avec lui à chaque seconde…
Quand nous arrivâmes enfin à l’hôpital, il ne nous fallu pas longtemps pour retrouver Papa, et il ne lui fallut pas longtemps pour reprocher à Maman de m’avoir emmenée. En guise de réponse, je me jetai sur lui et tambourinai de mes petits poings contre son ventre, sourcils froncés, visage déformé par la colère. Il se radoucit aussitôt et me prit à son tour au creux de ses bras avant de se diriger vers de chaises. Il s’assit sur l’une d’entre elle et me posa sur ses genoux. A peine mon regard eut-il croisé le sien qu’il répondit à mon interrogation. Les médecins s’occupaient d’Ae Woon mais nous n’en savions pas plus.
« Il va s’en sortir ? »
Papa dirigea son regard vers Maman avant de me répondre en hochant la tête. Au sanglot de Maman, je devinais que Papa essayait de me rassurer alors qu’il n’avait aucune certitude. Mon corps se mit à trembler et mes sanglots se firent de nouveau entendre. J’étais complètement paniquée. La seule pensée de cette attente interminable dans l’incertitude m’affole encore aujourd’hui. Nous étions trois à attendre, chaque seconde étant une minute, chaque minute une heure, chaque heure une journée. Blottie contre Papa, je me débattais avec ma peur de perdre celui que j’aimais plus que tout. Je tremblais sans cesse et mon corps protestait contre toute cette angoisse. J’avais la nausée, ma tête semblait enfermée dans un étau, je me sentais fiévreuse. Au bout d’un moment, Maman alla nous chercher à boire et c’est en me donnant ma bouteille qu’elle se rendit compte de mon état. J’étais certes stressée, mais je n’avais surtout pas encore chargé. Quand elle essaya de poser ses lèvres sur les miennes, je la repoussai. Elle devait garder sa charge pour Ae Woon, au cas où il en aurait besoin. Qui plus était, si j’étais dans un tel état, Seo Min ne devait pas être mieux, et je refusais de le laisser se sentir mal et je refusais également de quitter l’hôpital. Maman trouva la solution. Elle parvint à me convaincre de me décharger un tout petit peu en attendant l’arrivée de mon receveur attitré qui devait arriver directement de l’orphelinat en taxi.
Le temps me parut alors encore plus long. Parfois, quelqu’un passait devant nous d’un pas rapide mais personne ne faisait attention à nous, jusqu’à ce qu’un médecin n’arrive en enfin, suivi d’une infirmière. Ils avaient la mine sérieuse des gens qui doivent annoncer des choses déplaisantes. Papa me déposa sur la chaise d’à côté et se leva tandis que l’infirmière vint attraper ma main pour m’éloigner. Elle me parla avec beaucoup de gentillesse et m’expliqua que mon frère était très gravement blessé mais que les médecins faisaient tout pour le sauver. Puis elle sortit de sa blouse un paquet de lingettes avec lesquelles elle entreprit de nettoyer mon visage et mes mains. Je ne la remerciais pas mais j’appréciais cette attention, d’autant plus qu’elle ajouta que mon frère n’aimerait pas me voir dans cet état. Puis elle repartit, en compagnie du médecin, par là où elle était arrivée.
Seo Min arriva à ce moment-là, seul contrairement à son habitude. Il semblait épuisé et inquiet. Avant même de s’intéresser à notre charge, il me serra fort contre lui, comme l’aurait fait Woonie. Seo Min était plus qu’un simple partenaire twao. Il était aussi mon meilleur ami, mon confident, mon frère. Je voulais tout partager avec lui, et j’aurais aimé pouvoir être aussi amie avec sa jumelle, mais elle ne m’aimait déjà pas beaucoup. Quand il me lâcha, nous allâmes nous cacher dans un renfoncement du couloir pour échanger notre baiser quotidien. L’engourdissement causé par la céphalée disparut instantanément et mon angoisse ne fit qu’augmenter. Je me remis à pleurer. Main dans la main, nous rejoignîmes mes parents. Seo Min me fit m’asseoir à côté de lui et passer tendrement un bras dans mon dos pour m’attirer contre lui. Je fixais le vide devant moi, l’image déformée de mon frère gisant sur le béton gravée dans mon esprit. Lentement, je finis par glisser et m’allonger sur les chaises d’à côté, ma tête reposant sur la cuisse de Seo Min. Sa main caressait tendrement mes cheveux bruns et il me couvait du regard, luttant contre le sommeil. De l’autre côté, Maman et Papa se tenaient l’un contre l’autre, les traits tirés par la fatigue et par l’angoisse. Le pire était le silence. De temps à autre nous parvenaient des sons non indentifiables qui venaient déchirer le calme et appesantissaient l’atmosphère déjà tendue. Je somnolais alors…
Au beau milieu de la nuit, le médecin réapparut, l’air moins grave qu’au départ. Je ne le vis pas revenir ni n’entendis ces paroles. Ce fut Seo Min qui me réveilla tout en douceur, et ce fut lui qui m’annonça, un grand sourire sur les lèvres que mon frère était en vie. Je voulus me relever beaucoup trop vite et trébuchai sur mes propres pieds, rattrapée de justesse par mon ami le plus cher. Nous suivîmes mes parents qui eux-mêmes allaient à la suite d’une infirmière jusqu’à une chambre dont la porte était close. Une fois devant la porte, l’infirmière se tourna vers nous et je reconnus son visage. Elle m’adressa un clin d’œil avant de m’inviter à aller rejoindre mon frère. Nos parents restèrent dehors, Seo Min me suivit mais n’avança pas dans la chambre. Moi en revanche je me précipitai vers le lit de mon frère. Mon regard croisa immédiatement le sien et des larmes de soulagement s’échappèrent sur mes joues.
« Grand-frère ! »
Je posai délicatement ma main sur le bout de ses doigts, ne voulant pas risquer de lui faire mal avec le cathéter enfoncé dans sa peau. Ce contact chaud me rassura et je sentis toute ma peur s’envoler brusquement. Je m’approchai au plus près du lit et, n’osant pas toucher mon frère, je laissais s’exprimer tout mon soulagement en sanglotant bruyamment.
Je ne sais par quel miracle je réussissais à me tenir encore debout tant je me sentais faible.
« J’ai eu tellement peur… »
Je gémissais mon chagrin, avide du ridicule contact que je m’étais autorisée. J’avais terriblement besoin de le sentir contre moi mais je ne voyais pas comment faire avec tous ces fils qui sortaient de son corps pâle. Alors seulement je me rendis compte qu’il devait encore souffrir énormément. Je lâchai brusquement sa main et posai une question totalement idiote.
« Tu ne souffres pas trop, Oppa ? »
Mes larmes s’étaient arrêtées et j’observais à présent mon frère l’air inquiet sous le regard protecteur de Seo Min.
Sujet: Re: Trauma, scars and fear Lun 2 Sep - 20:26
Mon voyage dans l’ambulance, je ne me souvins de rien. A part de la main de mon père, qui serrait la mienne avec force. De toute ma vie, je n’aurais jamais de preuve aussi forte de son amour… Et à vrai dire, à ce moment, il était bel et bien mon père et non pas cet inconnu que je prétendais déjà depuis un moment. Si seulement ce moment avait duré…
Mon arrivée à l’hôpital ne me revient à la mémoire qu’en bribes, morceaux décomposés dans lesquels mes sensations primaient. Les produits qu’ils m’avaient mis en perfusion commençaient à faire effet et à m’endormir, annihilant la douleur et me donnant l’impression d’être sur un nuage. Un peu comme au-dessus de la réalité que je vivais. J’étais perdu dans mon propre corps, ne sachant pourquoi autour de moi tous s’affairaient. En apesanteur… Et d’un seul coup le trou noir.
De mes heures au bloc, je n’en sais heureusement rien. Je sus par mes parents qui me racontèrent tout cela ensuite que ça avait duré longtemps, très longtemps, que les médecins avaient eu beaucoup de mal à rectifier les différents dégâts que le choc avait causé. Mes tendons et différents nerfs, sur la jambe et le bras, avaient beaucoup souffert. Sans parler des plâtres qu’ils avaient dû m’affabuler pour que mes os, broyés à certains endroits, puissent se reconstruire correctement. Je garde de cet accident une douleur dans les articulations, surtout au poignet droit, pendant la saison des pluies.
À mon réveil, j’étais dans une chambre comme toutes les autres, blanche et impersonnelle, dont la tranquillité était seulement perturbée par les bips de la machines derrière moi, au rythme de mes battements de cœur. Mes yeux voilés encore par le sommeil artificiel dans lequel j’avais été plongé m’informèrent, avec beaucoup de difficultés, de tous les fils qui sortaient de mon corps, un peu partout, et des plâtres qui recouvraient mes membres droits. Je tentai de me redresser un peu mieux, mes côtes aussitôt me firent souffrir et m’obligèrent à rester à demi-couché. Lorsque le médecin vint me voir, quelques temps plus tard, il fit son checking, et se voulut rassurant. Il me dit qu’il autorisait les visites et que quelqu’un avait très envie de me voir. Mais, dans le brouillard qui paralysait encore mes songes, je ne compris qu’à moitié.
La porte s’ouvrit sur une petite tornade qui vint prendre place sur mon lit. Il me fallut un peu de temps pour reconnaître ma petite sœur, les joues mouillées de larmes, le visage soulagé. Sa main rencontra mes doigts qu’elle caressait avec affection, semblant inquiète de tous ses fils sortants de ma peau. Les pleurs qui ne cessaient pas pour autant… Et me déchiraient. Au fond de mon lit, la moitié du corps sous le plâtre, je me sentais impuissant.
Je tendis mon bras valide, tentant d’atteindre sa joue et d’essuyer ses larmes mais je ne pus pas.
« J’ai eu tellement peur… »
Je fus envahi d’un sentiment lourd qui pesa sur mon cœur. La culpabilité. J’avais laissé voir à ma cadette le spectacle horrible que moi-même je ne me rappelais plus. Il paraît que la mémoire, pour éviter les séquelles psychologiques, fait un blocage sur les événements trop douloureux, trop perturbants, les empêchant de revenir à la surface de notre conscience. De l’accident qui m’avait frappait, à peine quelques heures plus tard, je ne me rappelais que l’image de la ville qui défilait alors que je pédalais, puis sans aucune transition mon réveil à l’hôpital. Mais demander à ma sœur ce qui s’était passé à ma jeune sœur qui devait en être traumatisée, je ne pouvais pas… Je demanderais plus tard à ma mère pourquoi j’avais deux membres sur quatre immobilisés.
Elle lâcha soudainement ma main, je ne sus pourquoi.
« Tu ne souffres pas trop, Oppa ? »
Le sourire que je lui envoyai devait sans doute devait être assez bizarre. Encore sous l’effet des anesthésiants et des autres choses envoyées par perfusions, je devais avoir l’air d’un drogué… tous ces produits m’embrouillaient le cerveau et me donnaient l’impression d’être en apesanteur.
« Non, ça va… Je suis juste très shooté, princesse… désolé si je ne suis pas… attentif… »
Ma langue était lourde, engourdie, les mots avaient du mal à sortir et j’avais des difficultés à formuler mes phrases et les agencer de façon logique. Pour ne pas inquiéter Ae Ri, je souris une nouvelle fois, lui faisant un signe de la main pour qu’elle se rapproche de moi. Elle me sembla intriguée lorsqu’elle glissa vers moi. Je caressai ses cheveux furtivement, avant d’amener à moi son visage pour déposer un tendre baiser sur son front puis, des doigts, effacer les vilaines larmes qui coulaient encore de ses pupilles céruléennes.
« Promets-moi de bien dormir ce soir, d’accord ? Et dès moi retour à la maison, on ira chasser les papillons ensemble, je te promets ! Mais sois sage, hein ? »
Apercevant enfin dans le fond le petit garçon, Seo Min, qui était son partenaire, je lui fis solennellement :
« Je te confie ma princesse, si tu n’y fais pas attention, je me vengerais ! »
Je devais faire une impression bizarre, pas du tout menaçant sous mes draps, avec mes deux plâtres, mon air de drogué et mes fils qui sortaient de partout ! Mais le regard que j’envoyais au garçon était vraiment sérieux, du mois si on enlevait le film endormi que lui donnaient les médicaments.
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Sujet: Re: Trauma, scars and fear Dim 8 Sep - 14:55
« Non, ça va… Je suis juste très shooté, princesse… désolé si je ne suis pas… attentif… »
Il m’adressa ce qui ressemblait à un sourire. L’intention me rassura mais le résultat m’inquièta. Mon pauvre Ae Woon… Il n’avait rien à faire là. A cette heure-ci, il aurait du être dans son lit, ou dans le mien. Il aurait du être endormi. Il n’aurait jamais du lui arriver ce genre de choses. Ma raison d’enfant ne comprenait pas. Woon n’aurait pas du s’énerver, Papa n’aurait pas du surenchérir, Maman aurait du être plus ferme, j’aurais du le convaincre de ne pas partir, le conducteur aurait voir Woonie et ne pas rouler aussi vite dans une zone résidentielle. Nous étions tous fautifs mais j’étais persuadée que c’était en grande partie de ma faute si mon grand-frère gisait sur le lit, à moitié plâtré, les traits tirés.
Il me fit signe de m’approcher de lui. J’étais déjà près, je ne voyais pas ce qu’il voulait faire. Mes yeux bleus rapetissés par la fatigue et gonflés par mes larmes le fixaient, intrigués. J’obéis cependant. Il pouvait tout vouloir cette nuit. Il aurait pu me demander la lune, je serais allée la décrocher pour lui. Quand je me retrouvai plus près de lui, sa main non plâtrée s’approcha rapidement pour aller caresser mes cheveux tout en douceur. Puis elle attira ma petite vers son petit visage. Mon front se posa sur ses lèvres. Je fermai les yeux. J’avais pensé ne jamais plus avoir le droit à ce genre d’attention, aussi me sentis-je particulièrement émue. Un doux sourire étirait mes lèvres lorsque Woonie serra nos visages pour essuyer délicatement les larmes sur mes joues. Je savais qu’il détestait voir des larmes dans mes yeux mais j’avais été le théâtre de tellement d’émotions violentes en seulement quelques heures qu’il m’était impossible de me montrer aussi forte que j’aurais du. Je reniflai bruyamment, ravalant mes larmes par la même occasion. Je devais montrer convenablement ma joie au lieu de me lamenter. Son regard planté dans le mien n’avait plus rien à voir avec celui que j’avais vu précédemment, étendue sur le bitume. Il semblait éreinté mais ce voile d’inconscience et de douleur avait totalement disparu.
« Promets-moi de bien dormir ce soir, d’accord ? Et dès moi retour à la maison, on ira chasser les papillons ensemble, je te promets ! Mais sois sage, hein ? Je te confie ma princesse, si tu n’y fais pas attention, je me vengerais ! »
La deuxième partie de sa tirade était réservée à mon partenaire aussi n’y fis-je pas attention. Je croisai mes bras fins sur ma poitrine, fronçant les sourcils et plissant les lèvres pour en chasser toute trace de sourire, gonflant mes joues d'air. Droite comme un i près de mon frère, j’affichais ma mine boudeuse des mauvais jours.
« D’accord pour la chasse aux papillons, mais je reste avec toi. Je te laisse pas. »
Ca non ! Je ne voulais pas le quitter. Et je ne voulais pas non rater une chasse aux papillons. Cette nuit, je voulais dormir avec lui. Ou au moins, je voulais rester dans la même pièce que lui. L’enfant apeurée que j’étais voulait rester auprès de son frère, quitte à stationner debout toute la nuit. J’avais beau être soulagée, j’avais compris que la vie pouvait me le prendre à tout moment. Et dans les films que Maman regardait, les gens mourraient parfois d’un coup à l’hôpital. Je voulais veiller sur mon frère. J’entendis le rire discret de Seo Min dans le fond et me retournai vers lui pour le fusiller de mon regard courroucé. Puis je ramenai mon regard déterminé sur mon frère.
« J’ai failli ne plus te revoir. Alors je veux plus te lâcher. »
J’étais prête à faire un caprice, chose que je ne faisais jamais, s’il le fallait. La main de Seo Min ne tarda pas à se poser sur mon épaule contractée.
« Ri, ton frère a besoin de se reposer. Et il ne pourra pas se reposer si tu restes à côté de lui. Je vais rester avec toi ce soir, comme ça tu ne seras pas seule. »
Je me radoucis un peu et détendis mes épaules. Ce que Seo Min disait avait du sens, mais je n’étais pas prête à abandonner maintenant. J’avais beau aimer Seo Min, je préférais la présence de mon frère à la sienne. Et puis ce n’était pas moi qui avais besoin de compagnie. C’était Ae Woon.
« Mais je veux pas qu’Ae Woon reste seul. »
Je ne pouvais imaginer laisser mon frère seul ici, dans cette chambre impersonnelle et triste à pleurer. En plus, je voulais que quelqu’un soit toujours là pour s’assurer qu’il respirait toujours.
Sujet: Re: Trauma, scars and fear Mar 10 Sep - 7:12
Face à ma remarque, ma jeune sœur me sortit sa moue boudeuse de gamine têtue. Qu’est-ce qu’elle pouvait avoir comme caractère, celle-ci ! D’accord, j’étais un sacré numéro, mais ma Ae Ri ne valait pas mieux que moi ! Lorsqu’elle avait une idée en tête, elle ne l’avait pas ailleurs. Et à ce moment l’idée qu’elle avait en tête, c’était de rester avec moi, coût que coûte.
« D’accord pour la chasse aux papillons, mais je reste avec toi. Je te laisse pas. »
Je soupirai, affichant une mine que je voulais réprobatrice. Avec mes traits fatigués, et mon sourire de grand frère parce que, finalement, je la trouvais adorable, je ne devais, une fois de plus, pas être très convaincant ! Mais comment lui faire comprendre qu’un hôpital n’était pas un endroit fait pour les petites filles ? Elle devait retrouver sa chambre, son lit, et s’endormir paisiblement entre ses peluches, et non pas rester là, dans ces odeurs de désinfectant, de mort et autres… Elle continua, déterminée :
« J’ai failli ne plus te revoir. Alors je veux plus te lâcher. »
Lui dire que ce n’était pas raisonnable, j’allais le faire, mais Seo Min me devança. Il fallait dire qu’avec tous les médicaments qu’on faisait rentrer en intraveineuse dans mon organisme, j’avais un sacré temps de retard, et mes réflexes en étaient diminué de moitié !
« Ri, ton frère a besoin de se reposer. Et il ne pourra pas se reposer si tu restes à côté de lui. Je vais rester avec toi ce soir, comme ça tu ne seras pas seule. -Il a raison, princesse… »
Ma petite princesse d’ailleurs tenait bien son surnom, sur ce coup. La voilà qui cédait et commençait à abandonner son caprice. Je lui souris, pour la rassurer, même si mon air pas réveillé du tout devait être inquiétant en fait… Je savais que son imagination de petite fille lui jouait des tours et faisait passer des images pas très réjouissantes dans sa petite tête. Il fallait vraiment que maman arrête de regarder n’importe quoi à la télévision alors que sa fille était juste à côté…
« Mais je veux pas qu’Ae Woon reste seul. »
J’ouvris la bouche, qui devenait pâteuse, pour lui dire que je ne serais certainement pas tout seul mais la porte s’ouvrit sur nos parents qui entrèrent à leur tour. Le médecin devait certainement leur avoir fait le topo de tout ce que j’avais… Je tentai de croiser le regard de ma mère, pour en savoir plus, mais celle-ci le dévia et vint poser un baiser maternel sur mon front. Sa main se passa dans les cheveux, en me souriant. Cet air inquiet et soulagé à la fois que les mères ont toutes sur leurs enfants. Ma maman… Ses simples gestes me rassurèrent. Après tout, j’étais encore un enfant…
« Je resterais avec toi cette nuit mon chéri. »
Je hochai lentement la tête, signe que j’avais compris. Le sourire de ma mère à ce moment était tout ce dont j’avais besoin pour que mes yeux papillonnent et se ferment…
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Sujet: Re: Trauma, scars and fear Mar 10 Sep - 20:16
Je fus rapidement forcée d’oublier mon exigence. Ce n’était pas parce que je la jugeais déraisonnable, c’était plutôt parce que mon frère et Seo Min s’étaient ligués contre moi. Je ne tardais pas non plus à voir mon dernier argument valable disparaître aux oubliettes lorsque mes parents nous rejoignirent dans la chambre, perturbant nos voix enfantines et l’entêtant bip des machines. Maman s’approcha, divine madone, de Woonie et prononça les mots que j’avais besoin d’entendre. Elle resterait avec lui. Si ce n’était mon égoïsme de petite sœur terrifiée, je n’avais plus aucune raison d’exiger de rester. En un instant, les prunelles de mon frère disparurent derrière ses paupières. Mon cœur se serra. Je pensais que ce n’était pas normal. Pourtant, ni maman, ni papa, ni Seo Min, ni même la machine ne s’inquiétèrent. Il s’était tout simplement endormi. Il n’attendait que notre mère pour cela. Je m’éloignai de Seo Min pour venir déposer le plus délicat des baisers sur le front blafard de Woonie. Je regardai alors maman, les larmes aux yeux, avant de murmurer.
« Tu le surveilles bien, hein ! Et tu lui dis que je l’aime ! »
Maman embrassa le sommet de mon crâne avant de me faire signe d’aller rejoindre papa. Seo Min vint attraper ma main et m’attira à lui pour me prendre par l’épaule. Nous quittâmes la chambre sans tarder, très vite suivis par Papa qui me souleva sans prévenir pour me porter. J’étais épuisée. Seo Min se plaça derrière nous et je le fixais sans ciller ou presque. Mes bras autour du cou de Papa, je demandais à voix basse si Ae Woon allait vraiment s’en sortir. Cette fois, Papa répondit que ce serait dur et qu’Ae Woon souffrirait sûrement beaucoup mais que ça devrait aller. L’idée que mon grand-frère souffre encore m’était insupportable. Des larmes silencieuses se glissèrent sournoisement sur mes joues. J’avais besoin de certitudes mais Papa n’a jamais été un menteur. Nous quittâmes l’hôpital dans une bulle d’un silence tellement oppressant que même les bras de mon père me faisaient me sentir mal. Le trajet en voiture jusqu’ à la maison me sembla durer une éternité. Ma main dans celle de mon ami, je revoyais la personne la plus importante pour moi se vider de son sang sans que je ne puisse rien y faire.
Inutile de dire qu’il me fut excessivement difficile de dormir cette nuit-là. J’attendis que Papa s’endorme pour aller rejoindre Seo Min dans la chambre d’ami. Je me couchai à l’autre bout du lit, pour ne pas être seule. Face à lui, je me perdais dans mes songes de gamine apeurée. Sa présence rassurante, sa main posée sur la mienne et la peluche d’Ae Woon m’empêchaient de paniquer totalement.
« Il va aller bien, pas vrai ? » « Je suis sûr qu’il reviendra nous casser les pieds très vite ! »
Je souris dans le noir.
« Et toi… Tu seras toujours là ? » « Je ne t’abandonnerai jamais, Ae Ri. » « Promis ? » « Promis. »
Depuis ce jour, j’ai une peur panique de la mort, une peur panique qui ne me quitte plus depuis que Seo Min a rompu sa promesse.
Fin
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Trauma, scars and fear
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