Sujet: Just for today, forget everything else. Sam 1 Fév - 4:32
Just for today, forget everything else.
Ahn Ryu Jeong & Choi Kyu Jung
Son sourire.
Sa voix.
Son regard.
Son assurance.
Sa détermination.
Pourquoi est-ce que tout me revient en tête, pile aujourd'hui ?
J'étais en train de penser à lui, à moi, puis à nous...Où nous allions être, ce que nous ferons. Ensemble. Je me suis rappelé de ce premier baiser, où le sable et le vent marin étaient nos seuls témoins. Puis j'ai ouvert mes yeux, avant de comprendre que ce n'était qu'un rêve.
Je n'ai jamais voulu que tout s'arrête.
L'hiver de mes seize ans m'est revenu en pleine face, cette nuit. J'ignorais que je possédais encore des souvenirs si précis de ma première fois. Chaque détail m'est apparu avec une précision hallucinante, si bien que j'ai cru l'instant réel, pendant quelques secondes. Du moins, jusqu'au réveil. Cette époque innocente me manquerait presque, par moment. Tout était bien moins compliqué, au moins. On était adolescents, on s'aimait mais on ne savait pas exactement ce que ça voulait dire. Idiots que nous étions. On ignorait qu'on allait souffrir, qu'on allait pleurer, se battre, se faire du mal et avoir envie de mourir. Du moins, dans mon cas...Je vivais l'instant présent, sans me poser de question. Je ne savais pas qu'un jour, l'amour deviendrait un souvenir qui tord le cœur.
Abruti, Kyu Jung. C'est toi qui complique tout. Juste toi. Tu as vraiment trop déconné.
Il parait qu'on n'oublie rien, on vit avec ses souvenirs et on essaye de les dominer pour qu'ils ne nous blessent plus. Je ne suis pas certain que ce soit totalement exact. Tout dépend du souvenir, pour commencer. Et me concernant, je les chéris, mes souvenirs. Je préfère les avoir vécus même si j'en souffre, plutôt que de rien avoir ressenti. Ces souvenirs-là sont précieux. Et pour rien au monde, je ne veux y renoncer. Pourtant...Quand je l'entends parler de Sun Hee, ou de son âme soeur, quelque chose change au fond. Cette sensation de vide, de solitude qui parcours mon corps l'impression de ne rien ressentir, ce néant de sentiments, est-ce ça le manque ?
« Sun Hee est humaine… »
J'aimerais tant pouvoir oublier ces mots. Soupirant, je jette un coup d'oeil à l'heure sur mon portable, avant de le reposer. J'ai rendez-vous dans trente minutes...Si je ne me lève pas maintenant, je serais en retard. Pour changer.
« Yah… Choi Kyu Jung, il te faut une invitation de l’empereur de Chine pour sortir de chez toi ? »
Je grogne doucement, roulant doucement sur le côté, toujours enfoui sous ma couette. Décidément. Il a prévu de me poursuivre jusqu'ici ? Ramenant l'oreiller contre mon visage, je me réveille à peine, toujours somnolant :
« Encore deux minutes...Tu vas pas râler alors que tu me disais toi-même que ça t'inquiéterais de trop que je sois à l'heure, il me semble. »
« Commence pas à râler Choi. Tu devrais juste être content de m’avoir rien que pour toi toute la journée ! Na’mais oh. »
Je lève les yeux au ciel, et sors le bras de la couette pour attraper la photo encadré sur ma table de chevet. Cette fameuse photo que j'ai prise à l'époque du lycée, en été, représentant Ryu Jeong en débardeur, alors que l'eau de la bouteille que son ami lui envoie gicle de partout, trempant la pointe de ses cheveux. Il a l'air si heureux, dessus. Tenant le morceaux de papier glacé au bout de mes doigts, je réponds alors :
« Je suis content, bordel. Je suis même trop content. Et ça, ça devrait t'inquiéter, tout comme ça m'inquiète, moi. Je ne devrais pas être content dans ce sens, pourquoi tu fais rien pour me remettre à ma place ? Et puis franchement, Ahn Ryu Jeong, tu es sans cesse dans ma tête. Alors mes journées, je les passe déjà toutes avec toi. Commence pas à me saouler dès le matin, s'il te plait.. »
« Tu n’as aucun romantisme, tu le sais ça ? »
Je soupire faiblement. Eh bien, s'il commence déjà à me prendre la tête, on a pas fini ! Je relâche la tension de mon bras, posant la photo sur mon torse. Mais ça n'affaiblit pas sa jolie voix, qui continue de pulser dans mon esprit.
« Pourquoi tu ne l’as jamais fait ? M’embrasser… »
Tu as dû le regretter, de me dire ça à l'époque, vu tout ce que ça a engendrer à chaque fois que nous nous sommes revus après ça.
« Si tu continues de squatter dans ma tête, je vais finir par te faire payer un loyer... »
« Tu vas m’avouer que tu m’aimes depuis le premier jour ? »
Comme si tu ne le savais pas déjà.
« Est-ce que tu m'aimes ? » - Je ne veux pas t'aimer. » - Mais tu m'aimes. » - ....Oui. »
Je me redresse doucement en position assise, reposant la photo sur ma table de chevet, avant de frotter ma chevelure. J'aimerais bien faire taire cette voix ma tête. Bon. Il parait que parler tout seul était un signe d'intelligence. Et à la base, j'ai les neurones plus développés que la moyenne, normal que j'ai tendance à converser tout seul. A force. Mais là, ça me fatigue plus qu'autre chose...
« Je ne veux pas te perdre. Tu le sais non… »
Moi non plus, je ne veux pas te perdre. « Et Ahn Ryu Jeong n’existera jamais sans Choi Kyu Jung. »
Tu le penses sincèrement ? « Arrête de réfléchir Kyun’ah… »
Tu as raison. Je vais arrêter de réfléchir. Aujourd'hui, je serais juste ton meilleur ami. Rien de plus.
~
Je jette un dernier coup d'oeil au miroir, passant mes doigts dans mes cheveux gris. Sera-t-il surpris ? Très probablement. Mon meilleur ami ne m'a jamais connu qu'avec deux couleurs depuis que nous nous connaissons : le noir, quand j'étais gosse, puis le rose, depuis presque six ans. Alors du gris...Haha. Ce changement capillaire radical le surprendra sans doute. Je m'attends déjà à certaines réflexions, mais qu'importe. Je suis prêt à riposter. Souriant, je jette un oeil au pantalon de cuir que je viens d'enfiler. On m'a dit un jour qu'il allongeait mes jambes. Tant mieux. Ryu Jeong se rappellera qu'il sera éternellement plus petit que moi, comme ça. Ça lui apprendra à me hanter encore, après tout ce temps. Glissant mon foulard noir et blanc autour de ma nuque, je m'observe une dernière fois, avant de quitter les lieux. C'est rare que je fasse autant attention à mon apparence, quand je sors. Très rare.
On dirait une adolescente qui se rend à son premier rendez-vous amoureux.
Cette pensée me fait rougir, mais je la chasse vite de mon esprit. Je ne sais pas ce qui me prends. Je suis à la fois si terrifié, et si impatient à l'idée de le revoir. Est-ce que je lui ai révélé mes sentiments, la dernière fois ? Il me semble bien. Mais il s'agissait là d'un beau mensonge. J'ai employé le passé face à lui, alors que pour mon coeur, il s'agit toujours du présent. Je suis vraiment anormal.
Je lui ai demandé de m'attendre à une rue du Lotte World. En général, Ryu est tellement dans les nuages qu'il ne comprend pas forcément ce que je lui réserve, bien qu'il soit observateur et plutôt instinctif. Mais en attendant, j'avais vraiment envie qu'on aille se détendre. Surtout depuis la dernière fois que nous nous sommes vus...Comment dire ? C'était pas franchement la joie. Bien que nous ayons enfin mis les points sur les i. Et c'est une bonne chose. Mais le mot d'ordre aujourd'hui, c'était l'amusement ! Et j'avais bien l'intention d'en profiter avec mon meilleur ami. Aussi, c'est avec le sourire que j'arrive enfin au point de rencontre, malgré mes quinze minutes de retard. Naturellement.
« Salut, beau gosse. »
J'observe mon meilleur ami en m'approchant, l'ayant reconnu de dos. Cependant, alors qu'il se retourne pour me regarder, je me fige, sa vision s'offrant à mon regard. Je sais qu'il est beau. J'ai eu l'occasion de le côtoyer pendant des années, et de le voir grandir. Mais décidément, jamais je ne m'y habituerais. Il porte un chapeau qui cache à peine ses beaux cheveux couleur bordeaux, tombant légèrement sur ses yeux. Ils sont plus court à l'arrière, dégageant sa nuque avec sensualité. Et ses lunettes de vue...Ça fait bien longtemps que je ne l'avais pas vu avec. Et le foulard qui ornait son cou me rappelait sans difficulté les gravures de mode qui défilaient sur les podiums, pour illustrer le savoir-faire des grands stylistes. Lui dire que ça lui va bien, était un euphémisme qui ne lui rendrait pas justice.
Et encore, s'il n'y avait que ça. La lueur de ses yeux me percute avec une force jamais égalé jusqu'à lors. Je ne l'ai pas revu depuis l'enquête que nous avions menée ensemble, où il m'a avoué être ce qu'on appelle un twao. Il s'était passé tellement de choses. Et j'avais eu peur de le revoir, pendant un instant. Comme une petite appréhension, coincée au creux de l'estomac, qui monte à chacun de mes pas, en résonance avec les battements de mon coeur affolé. Et je me rends compte, en croisant son regard, que c'était stupide. Quel idiot je suis. J'ai tellement besoin de lui, comment j'ai pu en douter une seule seconde ? J'ai entendu dire qu'un ami, un véritable ami, c'était celui qui nous laissait l'entière liberté d'être nous-même, en sa présence. Mais avec Ryu...C'est tellement plus que ça. Il est cette personne avec qui mon amitié grandit chaque jour. Cette personne avec qui je peux partager des éclats de rire toute la journée. Celui à qui je peux me confier sur n'importe quel sujet, capable de me faire rire au travers d'un ordinateur ou d'un portable. Le genre de personne avec qui on aime être seul l'espace d'un instant, et avec qui on aimerait l'être chaque jour. Le genre de personne, qu'on sait qu'on oubliera jamais.
Mais je sais parfaitement qu'il y a plus que ça, dans mon esprit, comme dans mon coeur. Moi qui pensais avoir surmonter ça. Pourtant, il suffit de croiser son regard, pour comprendre qu'il peut toujours me mettre à genou d'un claquement de doigt. Pour comprendre qu'il suffit que j'aperçoive son sourire pour me sentir exister. Ce sourire qui fait qu'en une seconde, je suis déjà ailleurs. Proche des nuages. Moi qui parvenait à maîtriser si facilement tout ce que je ressentais avant, pourquoi en cet instant, tout échappe à mon contrôle ? Il a toujours été une drogue. Ma drogue. Ses mots, sa façon de te comporter, de parler, son attitude, son sourire, tout ce que qu'il représente m'a mit à terre, aussi facilement qu'une goutte de pluie s'écrasant au sol. Comme si j'avais à nouveau seize ans. Comme si cette flamme au creux de mon estomac, que je tente sans cesse d'éteindre, s'est rallumée d'un coup, en voyant ses yeux.
Chaque inspiration, chaque battement de mon coeur le réclament. Les sentiments sont si nombreux que je ne parviens pas à tous les saisir. Ils se bousculent pour sortir, s'entrechoquent et agressent mon coeur au passage. Je sais seulement que c'était inévitable. Il y a des forces auxquelles nous ne pouvons pas résister, comme celle qui nous pousse l'un vers l'autre, celle-là même qui en cet instant nous sépare. Les mots auxquels je pense hurlent au fond de mon être, alors qu'ils devraient au contraire se faire oublier, dans le silence. Ces mots-là, je ne dois pas les dire à Ryu Jeong. Plus jamais. Même si je le faisais, ce ne serait qu'un cri dans le vide, sans avoir la chance d'en entendre l'écho. Tomber amoureux de lui, c'est comme sauter d'un pont. La chute est violente, et la douleur s'en ressent dans chacun des pores de ma peau. Mais ça m'a fait du bien. Énormément de bien. On en a eut, des beaux moments, pendant notre adolescence, n'est-ce pas ? Et je n'en regrette pas un seul. Je n'ai pas menti quand je disais que Ryu était plus important que ma vie. Il pourra compter sur moi quoi qu'il arrive, et je souhaite qu'il soit le plus heureux des hommes. Qu'il soit capable de trouver une fille, ou un twao qui l'aimera autant que je l'aime. Simplement parce qu'il est l'âme la plus belle du monde, et je souhaite à chaque être vivant de rencontrer quelqu'un capable de leurs procurer la sensation d'exister comme il l'a fait pour moi. En fin de compte, je voudrais juste crier au monde que l'amour, bien qu'il soit douloureux, vaut la peine d'être vécu. Sans Ryu, je ne l'aurai sans doute pas compris. C'est peut-être pour ça que quand je suis seul, j'ai tendance à sourire au moindre souvenir de lui.
Oui...Je ne suis plus rien, sans toi imbécile. Est-ce que tu le sais ? Est-ce que tu te doutes seulement de la tempête que tu viens de provoquer en moi d'un simple regard ? En fin de compte, j'ai juste besoin de toi, de tes mots réconfortants, de tes câlins, de tes blagues idiotes et de tes éclats de rire pour rien. Quelque part, je me dis que ce que j'ai de meilleur en moi, c'est ce qui vient de toi. J'ai juste besoin de toi, toi qui es capable de t'inquiéter pour moi d'un regard. Mais je voulais te rassurer en te disant juste que ce qui m'inquiète le plus c'est toi, je veux que tu sois toujours heureux, et que tu saches à quel point je tiens à toi. C'est si précieux, un garçon comme toi....Tellement précieux.
Me reprenant avec difficulté, je parvins à articuler doucement :
« ...Je sais pas si ton but, c'était de passer inaperçu avec le foulard, le chapeau et les lunettes, mais pour le coup c'est exactement le contraire. »
On ne voit que lui.
A moins que ce soit moi...Qui ait oublié le monde autour de nous. Depuis quand suis-je aussi prisonnier de ses yeux ? C'est fourbe, ça, Ryu. Je croyais que tu m'avais rendu la liberté. Je le croyais sincèrement.
Mais je ne me suis jamais autant trompé. Le but de mon jeu, aujourd'hui, ça va être de faire en sorte que tu n'entende pas mon coeur te hurler à quel point il t'aime.
J'esquisse un sourire en l'observant, jusqu'à comprendre que c'est mon apparence qui retient son attention à lui. J'arque un sourcil, mais ne peux m'empêcher de sourire :
« C'est ma couleur de cheveux qui te fait cet effet ? Aah, tu sais ce qu'on dit. Je suis imprévisible. »
Je lui tire la langue, avant d'éclater de rire à ses mots. C'est quoi, cette réflexion sur mes cheveux ? J'aurais dû être vexé. Mais étonnamment, j'y arrive pas. Parce que c'est lui, tout simplement. Et de toute façon, je m'en doutais.
« Je ne m'abaisserais pas à répondre à ça. Suis moi, plutôt. L'endroit que je veux te montrer devrait te plaire. »
Sans attendre, je le tire par le bras afin de l'entraîner avec moi. Nous marchons pendant cinq bonnes minutes, contournant les rues. J'ai de la chance, puisque Ryu Jeong semble perdu dans ses contemplations, et ne fais pas tout de suite attention à l'immense grande roue qui dépasse. Pour le coup, je ne le regarde pas, alors j'ignore ce qu'il observe, mais ça m'arrange. Rapidement, nous nous retrouvons à l'entrée du Lotte World. La magie du lieu me frappe de plein fouet, comme une tempête de chaleur. Les couleurs explosent sous nos yeux ébahis, et le rire des enfants semble être le fond sonore du décor de notre sortie entre amis d'aujourd'hui. Un immense sourire étire mes lèvres, alors que mon âme d'enfant se sent déjà tout joyeux à l'idée de passer six ou sept heures là-dedans, en compagnie de Ryu :
« Monsieur Ahn Ryu Jeong, me ferez-vous l'honneur de passer votre journée avec moi aujourd'hui ? »
Aujourd'hui, je ne serais que ton meilleur ami.
Aujourd'hui, je ne déraperais pas.
« Invité »Invité
Sujet: Re: Just for today, forget everything else. Dim 9 Fév - 3:31
Ca aurait dû être toi…
J’ouvre doucement les yeux, les clignant à plusieurs reprises afin de m’habituer à la légère clarté qui règne dans la chambre. Il y avait longtemps que je n’avais pas rêvé de ce jour. Mais il faut croire que c’est devenue une habitude ces derniers temps. Soufflant puis inspirant, je me tourne sur le dos, balançant mon bras vers le côté droit du lit. Vide et froid. Comme chaque matin depuis plus d’une semaine. Je n’ai qu’une pénible seconde d’hésitation, me demandant où peut bien être passée la jolie jeune femme qui se trouve habituellement endormie à mon côté. Avant de ne me souvenir de son dos, où ses cheveux bruns tombaient telle une douce cascade, alors qu’elle refermait la porte derrière elle, trainant une lourde valise à sa suite. Pour combien de temps, je l’ignore. Elle doit sûrement parcourir les forêts Amazoniennes à l’heure qu’il est, alors que je me retrouve de nouveau éveillé, avec pour seule compagnie de pauvres rayons de soleil. Et le silence. Ce silence que je hais, et que j’ai bien du mal à couvrir avec mes soupirs. Ça ne dure qu’une seconde et ma main déjà, a rejoint la commissure de ma bouche.
Ses lèvres.
Comme dans un réflexe inconscient, je me recroqueville, pliant les jambes contre mon torse alors que mon regard se perd vers l’unique petite fenêtre. Délicatement, mon pouce caresse ma lèvre inférieure, passant lentement sur sa pulpe. Comment se fait-il que le dernier baiser dont j’ai le souvenir ne soit pas celui de ma promise… Mais celui laissé par l’amertume et le désespoir. Dire qu’il ne me hante pas serait un mensonge. Chaque jour, depuis ce jour, je n’ai cessé d’y penser. De sentir sur ma bouche, le goût de ses lèvres. De me rappeler cette douceur qui suffit à faire fondre mon cœur. Des années, il m’avait fallu des années pour effacer la saveur enivrante de ses baisers. Il n’avait suffi d’un seul contact, après six ans d’absence, pour que tout me semble de nouveau limpide.
La plage s’étalait sous mes yeux.
Comme si je n’étais jamais parti.
« C’était le dernier. »
Je fronce les sourcils, me redressant légèrement. Les poings serrés, je tente vainement de chasser l’expression figé de son visage au moment où ces mots ont passés ses lèvres. Elles venaient de m’embrasser, et déjà, elles me juraient une distance qui ne me plaisait pas. Absolument pas.
Et ça, j’ai beau le retourner encore et encore, ce n’est pas normal.
« Tu as un sérieux problème Ahn Ryu Jeong. »
Un problème vieux de six ans.
« Jusqu'à il y a six mois, j'étais amoureux de toi. J'ai eu du mal à m'en rendre compte, mais finalement, c'était évident. »
Mes yeux se ferment dans un automatisme alors que ma tête retombe lourdement sur l’oreiller. Mes bras se lèvent pour venir entourer mon visage et le dissimuler dans le creux de mon coude. Cette phrase, cette simple phrase me hante sans arrêt. Le passé me frappe de plein fouet. Quand ? Depuis quand ? Je l’avais en face de moi, toutes ces années. Est-ce que l’idée m’a même effleurée ? Oui. Si souvent… Comme un doux souhait que l’on sait irréalisable, malgré tout. Je le savais, je l’ai toujours su. Alors pourquoi est-ce que je continue toujours de me voiler la face comme je suis en train de le faire en ce moment-même ? Mon cœur, lui prisonnier par les années, n’hésite pas à se démener dans sa cage, hurlant pour être libérer. Mais dis-moi, petit palpitant… Où crois-tu pouvoir aller ? Ta place, n’es-tu pas censé l’avoir trouvé à présent ? Je pensais ne plus ressentir cet étrange et douloureux pincement, le même qui venait torturer ma poitrine à l’époque. Lorsque je pensais à Kyu Jung. Seulement, étais-je capable de penser à autre chose ? J’ai eu beau le nier, le cacher… Je m’en rends compte aujourd’hui. Je ne voulais pas comprendre alors que c’est une telle évidence. A chaque fois que mes yeux se posaient sur son visage et qui leur arrivait de ne plus pouvoir le quitter. Il suffit de peu de chose, maintenant que j’y pense. Un effleurement, un sourire, un clin d’œil… Et je me sentais vivre, tout simplement. Il n’y avait qu’à ses côtés que je pouvais être vraiment celui que je suis. Il n’y a toujours eu que sous son regard que je me suis senti exister réellement. C’est à cause de ce sentiment que je suis parti, sans espérer un instant qu’il puisse attraper ma main et me retenir. Il m’a fait fuir de l’autre côté de la planète par peur de ne plus pouvoir contrôler ce qu’il y avait de plus enfoui.
Et… Finalement ? Rien n’a vraiment changé.
Il aurait suffi qu’il me le dise plus tôt, bien plus tôt et tout aurait été différent. Je le sens, au plus profond de mon cœur alors qu’il se débat férocement entre deux. Aujourd’hui, je n’ai que la sensation d’être passé à côté de quelque chose et je sais que je ne pourrais jamais faire un pas en arrière. Imaginer la vie que j’aurais pu traverser si tout avait été différent, ne m’aidera probablement en rien. Ce qui compte c’est ce que j’ai réussi à construire. N’est-ce pas ? Ah. Ahn Ryu Jeong, que de déni…
Je rejette les couvertures, sautant hors du lit en y laissant mes pensées emmêlées.
C’est décidé. Fin du passé. Aujourd’hui sera un jour comme les autres.
Avec mon meilleur ami.
~
Jetant un coup d’œil à ma montre, je ne peux m’empêcher de sourire. Evidemment. Quel rendez-vous avec Choi Kyu Jung serait-ce s’il n’avait pas de retard ? Plus de dix minutes déjà. Il faudrait vraiment que je pense à prendre des paris, car si je l’avais fait depuis notre adolescence, je serais sûrement déjà assez riche pour lui offrir un voyage au bout du monde. Quoique. Il nous ferait très certainement louper l’avion. Amusé, je secoue la tête avant de reporter mon attention vers la longue rue qui s’annonce devant moi.
Pourquoi ici ? J’ai eu beau lui demander lorsqu’il m’a appelé pour me proposer ce rendez-vous, j’ai eu beau le harceler de messages à longueur de journée, il n’a pas décoché un mot qui pourrait me servir d’indice sur ce qu’il m’attend aujourd’hui. Mais en soit, ça m’est bien égal. Il pourrait bien me faire faire tout ce qu’il veut, tant que c’est vingt-quatre heures à ses côtés.
Journée que j’ai attendu avec une telle impatience depuis cette dernière enquête que nous avons menée tous les deux, ensemble. Ce jour-là, il s’est passé tellement de chose que mon esprit en est encore embrouillé. Est-ce que je lui ai vraiment dit la vérité sur mes gènes ? Est-ce que son regard sera toujours le même à présent qu’il sait ? Comme si j’avais le droit d’en douter après tout. Je me souviens encore de ses mots, de ses gestes alors que tout me parait irréel. Je lui avais caché tant d’années, pensant que c’était probablement le mieux pour notre amitié… Pourtant, je me sens vraiment soulagé à présent. Un poids a été partagé, alors forcément, il m’est bien plus léger. Mais, il n’y a pas que ça. Bien d’autres détails méritent d’être éclaircis. Probablement pas aujourd’hui, cependant.
Portant mes mains aux poches de mon jean sombre, je me tourne doucement vers la grande vitrine qui me fait face. Mon reflet semble me narguer, me montrant autant mon impatience que ma nervosité. D’une main pourtant sûre, je replace le chapeau sur mes cheveux bordeaux. Puis, c’est au tour de ma veste d’être correctement remise. Un sourire m’échappe alors que ces simples gestes me font penser à ces matins passés dans le froid à attendre que la grande perche ne daigne me rejoindre. Je passais devant cette pâtisserie française, où je lui achetais son éternel muffin au chocolat et où secrètement, je replaçais mon uniforme sur mes épaules. N’oubliant pas les deux premiers boutons. Maintenant que j’y pense… Le regard étincelant qu’il portait sur la naissance de mon cou n’était peut-être pas si innocent…
« Salut, beau gosse. »
Je lève les yeux au ciel, un sourire en coin décorant mes lèvres. Je n’ai aucunement besoin de lui faire face pour deviner qui se trouve dans mon dos. Sa seule voix suffit à déclencher d’agréables frissons le long de mon échine. Et ce, sans même jeté un coup d’œil à la silhouette qui se dessine sur la vitre.
« Quinze minutes Choi. J’ai faillis attendre… »
La fin de ma phrase se meurt lentement dans le fond de ma gorge alors que je me retourne vers lui. Pendant quelques secondes, je pense m’être trompé. Est-ce réellement le jeune garçon effrayé qui m’a frappé un jour de printemps ? C’est impossible. Mon meilleur ami, celui que je connais sur le bout des doigts n’est certainement pas cet homme à l’allure si… Epoustouflante. J’ai soudainement très chaud. Est-ce l’été qui s’annonce prématurément ? Ou est-ce le fait que Choi Kyu Jung semble enfin faire ses vingt-deux ans, et non plus les seize ans auxquels je l’ai quitté.
Parce que dans mes derniers souvenirs, le jeune garçon que j’ai laissé derrière moi sur cette plage en ce jour d’hiver, était loin d’avoir cette assurance particulière. Il a beau se tenir calmement face à moi, un simple sourire habillant ses lèvres rosées, il dégage une impression que je n’aurais jamais cru trouver en lui. Une confiance en soi qu’il n’a jamais vraiment eu, du moins pas sans ma présence à ses côtés. Comme hypnotisé, j’en oublie de le saluer alors que mon regard se perd dans ma contemplation. Je ne sais que regarder en premier, tant tout me semble soudainement changé. Tant de nouveauté qui me frappe de plein fouet. Je laisse mes yeux tomber le long de son corps, détaillant son ensemble avec anticipation. La veste qu’il porte, si sombre qu’elle fait ressortir la pâleur de sa peau d’une façon pratiquement artistique, dessine à la perfection la ligne de ses épaules et de ses bras. Il n’y a pas de doute, ses muscles se sont façonnés avec le temps. Je n’ose qu’à peine imaginer ce que ce serait de l’admirer torse-nu. Rien que de le voir dans cette simple veste et je crois déjà sentir sa chair sous mes doigts. Je secoue lentement la tête, essayant de me remettre les idées en place. Peine perdue. Depuis quand porte-t-il des foulards autour de son cou blanc ? Non pas que ça ne lui aille pas. Bien au contraire, celui-ci lui donne un air bien plus mâture avec ses imprimés bicolore qui rappelle fortement la fourrure de je ne sais quel animal sans importance. Je suis le tissu du regard, glissant tout du long jusqu’à rejoindre d’interminables jambes cloitrées dans un pantalon de cuir. Serré. Si serré que je crois presque pouvoir l’entendre crisser au moindre de ses mouvements. Est-il seulement au courant que ce simple vêtement qui pourrait rendre ridicule n’importe quel mannequin, lui faisait seulement des jambes à damner ? A croire que mes yeux avides ne pourraient jamais s’en détacher, tant ils sont occupés à les admirer. Est-ce que ce sont vraiment les mêmes qui étaient resserrées autour de ma taille, il y a une éternité ? Je déglutis difficilement, essayant vainement de relever le regard pour croiser le sien. Seulement, je n’y parviens pas. Je suis bien trop perturbé par l’ensemble dans lequel il est habillé. Il en ressort tellement plus adulte, plus sérieux. Je me retrouve comme un idiot, les bras ballants, me demandant comment j’ai pu encore penser qu’il n’était qu’un adolescent ?
Une tentation supplémentaire.
« ...Je sais pas si ton but, c'était de passer inaperçu avec le foulard, le chapeau et les lunettes, mais pour le coup c'est exactement le contraire. »
Je sursaute presque en l’entendant s’adresser à moi. Du moins, ça, je mets quelques longues secondes pour le comprendre. A qui d’autre pourrait-il bien parler, alors qu’il se trouve juste devant moi ? Lentement, je me redresse, plongeant mon regard dans ses pupilles chocolatées. Ignorant le frisson qui vient caresser ma peau, je fais la moue.
« Encore raté alors… » souffle-je avec un petit sourire en coin. « Par contre, toi… Pour ce qui est de te faire remarquer, c’est réussi… »
Et pour une fois, ce n’est pas à cause de la couleur bonbon de ses cheveux. J’écarquille les yeux, surpris de ne pas l’avoir remarqué plus tôt. Quoique, en y repensant, avec un tel pantalon, il pourrait bien ne plus avoir de nez que je ne suis pas certain d’y avoir fait attention. Pourtant, sa chevelure rose n’est plus. Désormais, ses mèches se trouvent être colorées d’une jolie couleur argentée qui se reflètent au soleil dans une teinte étincelante. Ebouriffées, elles tombent presque avec insolence devant son regard amusé. Il est beau. Depuis quand se permet-il d’être la représentation charnelle d’une œuvre d’art ?
Je ne vois que toi.
Comme si le monde qui nous entourait n’avait soudainement plus de sens. Pour moi qui adore les observer, les gens n’ont plus le moindre intérêt. Seuls comptent ses yeux, croisés aux miens avec une innocence qui m’est douloureuse. Si seulement il avait la moindre idée de ce qu’il provoque dans mon être à cet instant ? Une tempête parait sur le point de tout ravager sur son passage, emportant les nombreux battements désordonnés de mon pauvre cœur malmené.
Ce n’est pas normal. En as-tu seulement conscience, Ahn Ryu Jeong ?
« C'est ma couleur de cheveux qui te fait cet effet ? Aah, tu sais ce qu'on dit. Je suis imprévisible. »
Je cligne des yeux, retombant lentement parmi les mortels, laissant mes rêves s’évaporer au milieu des nuages. Récupérant mon sourire, je ne peux m’empêcher d’arquer un sourcil à son attention. S’il y avait que sa couleur de cheveux, peut-être aurais-je la chance de m’échapper sans séquelles mentales ? Imprévisible. C’est le mot.
« Tu espérais rattraper tous les cheveux blancs que tu m’as donnés avec cette teinture grise ? Bonne idée, ça te donnerait presque l’air plus sage. »
Pas le moins du monde vexé, il réagit au contraire de ma réflexion en me tirant la langue. Inconscient. Mon regard s’accroche à son muscle buccale durant une seconde, avant qu’il n’éclate soudainement de rire, reportant mon attention sur ce son qui m’avait énormément manqué. Plus que tout, j’ai toujours aimé l’entendre rire. Spontanément, sans se retenir, sans faire semblant. Jusqu’à aujourd’hui encore, je n’ai su trouver nulle part une mélodie qui pourrait me paraitre plus jolie. C’est mon morceau de joie, dont je me nourris sans la moindre hésitation.
« Je ne m'abaisserais pas à répondre à ça. Suis moi, plutôt. L'endroit que je veux te montrer devrait te plaire. »
Je n’en doute pas.
Après tout, il me connait pas cœur, n’est-ce pas ? Alors il est plutôt bien placé pour savoir ce qui me plaira, ou non. C’est donc sans crainte que je le laisse se saisir de mon bras pour m’attirer à sa suite. Toujours sous le choc de son apparition, je ne fais pas attention au chemin qu’il emprunte pour me guider jusqu’à sa surprise. De toute façon, je connais tellement mal Séoul que je ne pourrais probablement pas deviner en fonction des rues que l’on contourne rapidement.
De plus, je suis bien trop concentré à faire glisser mon regard le long de ses jambes vêtues de cuir. Elles se mouvent bien trop aisément pour que ce soit normal. Et ce bruit de crissement, n’est rien d’autre qu’une incitation. Il l’a fait exprès, pas vrai ? Ou alors, ça a un rapport avec l’endroit où il m’emmène ? Oh. Il n’oserait tout de même pas m’entrainer dans une de ces boites bourrées de filles dévêtues, et d’alcool coulant à flot… Ce n’est pas son genre. Non. Mais ça expliquerait la tenue. Perdu dans d’intenses réflexions, je ne pense même pas à faire la conversation. Ce n’est pas comme si le silence nous gênait. Beaucoup trouverait une telle situation gênante, mais pas nous. C’est mêem plutôt confortable la plupart du temps. Nous sommes bien trop habitués à la présence l’un de l’autre pour avoir besoin de mot. Parfois même, il me suffit de croiser son regard pour saisir ce qu’il n’arrive pas à prononcer à voix haute. Alors cette fois-ci ne fait pas exception. Je me tais, m’enfermant dans mes pensées.
Jusqu’à ce qu’il s’immobilise, relâchant mon bras. Fronçant les sourcils, j’observe mon membre une pénible seconde avant de relever les yeux vers mon cadet. Ce dernier a le visage fendu par un sourire éblouissant qui ne manque pas de faire fondre mon cœur. Puis, je suis son regard, comprenant rapidement qu’il n’est pas rivé vers moi.
« Oh ! » lâche-je sous la surprise.
Le Lotte World.
Comme un gamin, j’en observe la façade avec de grands yeux que je devine pétillants. Impressionné, j’admire chaque couleur vives, chaque forme amusante qui s’annonce devant nous. C’est un tourbillon de rire d’enfants et des cris des plus grands, qui me donne d’ores et déjà l’envie de m’y mêler. C’est vrai. On en avait si souvent parlé lorsque nous étions plus jeunes. Perdus dans notre ville de province, de l’autre côté du pays, ce n’est pas comme si nous avions eu l’occasion de nous y rendre. Pourtant, ce n’était pas l’intention qui manquait. A chaque fois que l’un de nos camarades en revenait, je sentais Kyu se raidir de jalousie. Alors un beau jour, au bout de notre énième échec dans l’objectif « convaincre les parents », Kyu Jung me l’avait promis. Serrant mon petit doigt contre le sien, il avait juré qu’il m’emmènerait quoiqu’il arrive.
Or, il tient toujours ses promesses.
« Monsieur Ahn Ryu Jeong, me ferez-vous l'honneur de passer votre journée avec moi aujourd'hui ?
Je me tourne vivement vers lui, sautillant presque sous l’impatience.
« Tout l’honneur serait pour moi, mon grand.» dis-je en lui envoyant mon plus beau sourire.
Sans attendre, je glisse ma main dans la sienne. Il me faut énormément de contrôle pour ne pas montrer les petits crépitements qui s’amusent dans ma poitrine alors que mes doigts s’emmêlent aux siens. Je choisis plutôt de l’entrainer vers les guichets, évitant ainsi soigneusement son regard. Il ne se dégage pas, ce qui parvient à me rassurer aussitôt.
Tout va bien.
Une fois à l’intérieur, nos doigts se séparent alors que je tourne sur moi-même afin de ne rien louper de ce qui m’entoure. Les décors me surprennent, je ne m’attendais pas à un tel spectacle. Si bien que je ne sais pas où poser les yeux. Emerveillé, je ne cesse de faire glisser mon regard tout au long de l’immense place. Tant d’attraction qui mérite d’être essayées. Est-ce qu’on aura le temps de tout faire ? J’aimerais pouvoir en profiter autant que possible. On a toute la journée.
« Par quoi on devrait commencer ? Choisis. Pour te remercier. » lance-je en faisant de nouveau face à mon meilleur ami, resté en retrait pour m’observer. « Pour te remercier. »
Toute la journée à tes côtés.
♥:
Désolée d'avoir mis autant de temps... Mpf. J'espère que ça te plaira en tout cas! J'ai pas beaucoup avancer en plus de ce que tu avais fait, mais ça je t'avais prévenue! /paf/ /fuit loin de ses responsabilités/ Si je dois changer quelque chose, tu me le dis hein? >///<
« Invité »Invité
Sujet: Re: Just for today, forget everything else. Lun 10 Fév - 19:03
« Tout l’honneur serait pour moi, mon grand.»
Comment peut-il me dire ça avec un sourire aussi éblouissant ? Déjà que j'ai du mal à tenir sur mes jambes en sa présence, s'il commence à agresser mon coeur de cette façon, je ne vais pas tenir longtemps. Mon espérance de vie se réduit déjà beaucoup lorsqu'il m'observe avec ces yeux-là, alors ce serait bien qu'il cesse de me malmener de la sorte...Sa main se glisse pourtant dans la mienne, et je ne fais rien pour m'en dégager. Je le suis docilement, appréciant le contact, et le suit à l'intérieur pour se rendre aux guichets. Nous cessons le contact une fois dans le parc, et je suis surpris par l'endroit. Ça à l'air tellement génial, animé et amusant que mon coeur d'enfant tressaute avec bonheur. Je me mets alors à rire. Maintenant que j'y repense, il est connu que le rire est un instrument puissant, tout comme le sourire. A la différence que le rire montre la joie lorsque le sourire se contente parfois de la cacher. Dans une vie, il nous arrivera de voir plus de faux sourires que de joies sincères. Parfois. Mais quand j'y pense, ça me donne encore plus envie de rire. Franchement, la vie est bien trop courte pour se cacher derrière des faux-semblants. Elle est aussi trop cruelle pour qu'on n'essaie pas de la contredire en lui montrant, à la fin, qu'on a su profiter de ses merveilles jusqu'au bout. Mais je ris aussi parce que je n'ai plus la force d'avoir mal ; qu'endurer toute la misère du monde n'est pas pour moi et que profiter de chaque instant est plus important que de les dénigrer. Surtout en cet instant. Surtout en ce jour.
Surtout avec lui.
Lui qui, d'ailleurs, me rappelle sa présence en élevant la voix :
« Par quoi on devrait commencer ? Choisis. Pour te remercier. » il se retourne pour me faire face, tout en répétant « Pour te remercier. »
J'esquisse un petit sourire en le regardant, alors que ses yeux émerveillés réchauffent mon coeur avec douceur. Aaah. Ce grand enfant. Tellement adorable. Je ne peux m'empêcher de rire faiblement, avant de lever la main, effleurant sa chevelure du bout des doigts :
« Ne t'inquiète pas. On a tout notre temps... »
Je me rends compte de mon geste au moment ou nos regards se croisent, et retire ma main. Tournant la tête, j'observe les lieux, cherchant par quoi nous pourrions commencer. Peut-être quelque chose qui ne bouge pas trop, pour démarrer en douceur ? j'avance légèrement, frottant l'arrière de mon crâne à la recherche d'un truc sympa à faire. Et puis, un stand retient mon attention. Je m'y approche en demandant à Ryu de me suivre, avant d'observer. Du tir à la carabine. Souriant, je me retourne vers mon meilleur ami :
« On essaie ? »
Il acquiesce, et je m'empresse de me saisir de l'objet. L'empoignant sur mon épaule, je me place devant le stand, tenant l'arme à deux mains. Observant mes cibles, je ferme un oeil. Il y a trois ballons enfermés dans des cages, bougeant dans tous les sens à cause des souffles d'air placés juste en-dessous. J'observe les ballons, cherchant une ouverture. L'idéal...L'idéal, ce serait que deux d'entre eux se superposent. Et c'est effectivement ce qui arrive. Sans attendre, je tire une première fois, et deux ballons éclatent d'un coup. Je garde le silence, sans bouger. Il n'en reste plus qu'un, pour la première cage. C'est un peu plus difficile, maintenant que le ballon à plus d'espace pour voler partout.
Et sentir le regard de Ryu sur moi ne m'aide pas vraiment à me concentrer.
Heureusement, je parvins finalement à éclater le troisième. Doucement, je fais tourner l'arme autour de ma main, faisant un tour complet, avant d'esquisser un rictus satisfait. Bon, en même temps...Pour avoir fréquenter un club de tir pendant quatre ans, heureusement, que je suis encore capable d'éclater quelques ballons. Les armes dans ma chambre ne sont pas uniquement des décorations. Je tourne doucement le visage vers Ryu, avant de sourire :
« A ton tour. »
Je lui tends la carabine, et mon meilleur ami s'approche pour la soulever. Je le regarde faire en silence, croisant les bras tout en tentant de faire abstraction de sa silhouette tentatrice devant moi. Depuis quand la ligne de son dos est-elle si... Secouant la tête, je regarde Ryu, qui tente sa chance à son tour. S'il est très bon lorsqu'il s'agit de manier les mots, c'est autre chose avec les armes. Évidemment, il n'en a jamais touché une jusqu'ici, donc c'est normal. Comme si je m'essayais à traduire une phrase en japonais. Après son premier tir, raté, je décroise les bras en faisant un premier pas. Doucement, je m'approche de son dos, me collant à lui. Mes mains saisissent d'elles-même les siennes, afin de placer la carabine convenablement sur son épaule. Mon torse contre son dos, je me penche légèrement en avant, pour avoir le visage à la même hauteur que le sien :
« Décrispe tes épaules. » Je murmure près de son oreille « Concentre toi...Et ne pense qu'à ta cible. Juste elle. »
J'entends Ryu marmonner quelque chose, mais pour être honnête, je n'ai pas vraiment fait attention à ces mots. Parce qu'à cet instant, je me suis rendu compte que nous étions beaucoup trop proches, et que j'étais quasiment en train de l'enlacer par derrière. Rougissant violemment de cette proximité, je me recule prestement, avant de toussoter, profitant que Ryu ne puisse pas se retourner, trop occupé avec son arme sur l'épaule :
« Réessaie pour voir. »
Il réessaie, et finalement, après moult efforts, parvient à éclater un ballon. Son expression toute joyeuse me fait fondre instantanément. Il est vraiment trop adorable. Beaucoup trop pour son propre bien, et le mien, par la même occasion. J'ai terriblement envie de le serrer contre moi. Mais le peu de raison qu'il me reste m'en empêche, alors que je me pince la main pour m'en empêcher. Grimaçant légèrement sous la douleur, je souffle, avant de me reprendre, et de m'approcher du stand. Après tout, j'ai promis. Aujourd'hui, je ne le toucherais pas. Hm. Avec mon score de tout à l'heure, j'ai droit à un prix. Sans même réfléchir, je demande au standardiste la peluche en forme de tortue, qui semble toute perdue dans le fond. L'homme me la tend, et je la récupère en le remerciant. Avec un grand sourire, heureux, je la donne à mon meilleur ami, sachant qu'il adore les tortues :
« Pour toi ! »
Son expression et ses remerciements me font chavirer une nouvelle fois, et j'essaie de cacher les rougeurs qui prennent place sur mes joues. Et mince. Il faudrait peut-être mieux que j'évite les contacts trop poussés aujourd'hui...Je ne suis pas suffisamment résistant, encore. Après ce premier jeu, nous nous éloignons vers le centre, et cette fois, je garde les mains obstinément plantées dans mes poches. Nous nous baladons quelques minutes, et je taquine un peu mon ami. Alors que Ryu observe le plan du parc, je lève les yeux, et la vois. Cette jeune fille d'à peu près notre âge, qui observe Ryu Jeong avec insistance. Les petites rougeurs de ses joues, sans parler de ses yeux brillants, sont suffisants pour comprendre que mon meilleur ami est à son goût. Je soupire faiblement, un peu blasé. L'habitude. D'ailleurs, je suis même surpris qu'il n'y en ai qu'une. Quand on se promène en ville, c'est tout un troupeau qui se retourne. Mais quand on voit Ryu, ça se comprend. Même si je le dépasse un peu, il est loin d'être petit. Et lorsqu'il porte des pantalons noirs, il est difficile de détacher le regard de ses jambes. Elles sont belles, sveltes, quoi qu'il en dise. Il est parfaitement proportionné, et je devine que les petits muscles qu'il avait à l'adolescence se sont développés, à force de parcourir le monde. Son assurance apparente ferait pâlir d'envie n''importe quel homme qui le voit marcher dans la rue. Ce qui est amusant en soi, puisqu'il n'a pas tant d'assurance que ça, tout au fond de lui. Mais pour le savoir...Il faut vraiment bien le connaître. Parce que Ryu est un grand manipulateur. Il peut faire croire ce qu'il veut, à n'importe qui. Je ne dis pas que c'est un menteur, au contraire. Mais il est capable de cacher habilement bien des choses, le concernant. La preuve...Je n'ai pas compris qu'il était twao avant qu'il ne me l'annonce. Mais au fond, ça aussi, ça fait partie de son charme. Cette force puissante qu'il cache au fond de lui. Même s'il l'ignore, il est fort. Vraiment. Et tout ça, sans parler de ses yeux. Les yeux sont le reflet de l'âme, parait-il. Ces yeux-là, finalement...C'est tout son charme. Il pourrait avoir n'importe qui d'un regard. Ses pupilles sont extrêmement expressives, et ses yeux rieurs en ont fait succombé plus d'une jusqu'ici. Pleins de vie. Il y a tout un univers dans son regard...si complexe et profond. On s'y noierait sans se débattre. Et je parle en connaissance de cause.
Ryu Jeong est un homme très séduisant.
Mais ce n'est pas une raison pour que je le dévore des yeux comme je le fais.
Aussi, je ne suis pas surpris de voir la fille s'approcher, alors que Ryu tente de se démener avec le plan en le retournant dans tous les sens. J'en profite pour me moquer un peu au passage :
« Laisse tomber Ryu, t'as jamais su lire une carte, pourquoi ça changerait aujourd'hui ? »
Surtout qu'en général, il se déplace à l’instinct. Mais depuis le jour où il s'est retrouvé perdu on ne sait où en discutant avec une grand-mère dans un bus, je ne peux pas m'empêcher de le taquiner. Ce n'est pas son genre de lire un plan...Mais là, il a fallu que je le taquine en lui disant que je voulais faire la maison hanté, pour qu'il décide de me faire plaisir en cherchant où elle se trouvait. Mais rapidement, avant que nous puissions continuer ce début de dispute amicale, la jeune fille nous interrompt d'une petite voix :
« Excusez-moi ? Je...Bonjour. » Je soupire discrètement, me doutant déjà de la suite. Et mon instinct ne se trompe pas, puisque qu'elle plonge son regard directement dans celui de Ryu « C'est quoi votre prénom...? »
Il parait surpris pendant une seconde, ce qui me fait légèrement sourire. Allons bon, depuis le temps, il n'a toujours pas compris qu'il était très populaire auprès de la gente féminine ? Malgré tout, je le laisse répondre, tout en le regardant, et me retient de me frapper la tête contre le premier mur qui croisera ma route. Ton sourire doux et poli va la faire fondre encore plus Ryu...Si tu veux pas te faire draguer, essaie de grogner ou de grimacer de temps en temps, au moins. Ceci dit, mon attention est rapidement attirée par un homme, qui déboule comme un taureau dans une corrida. Je l'observe, jusqu'à comprendre que c'est vers nous qu'il se dirige avec cette expression féroce. Je me redresse légèrement, alors qu'il attrapa la jeune fille qui discutait avec Ryu, la ramenant contre lui :
« Tu fais quoi avec ma copine toi ? Tu crois que je t'ai pas vu venir, petit crétin ?! »
Je pense, qu'à ce moment, Ryu Jeong et moi affichons la même expression. De quoi ? C'est elle qui est venue lui adresser la parole...Est-ce qu'il croyait vraiment que mon meilleur ami était en train de la draguer ? Alors qu'il recommence à beugler sur celui qui est cher à mon coeur, je souffle calmement, surplombant le nouveau venu de toute ma hauteur :
« Il n'a rien fait de mal. »
Je me glisse devant Ryu, ayant bien l'intention de ne pas laisser l'opportun lui manquait de respect plus longtemps. La dernière personne qui a osé, s'est retrouvée la tête encastrée dans la vitre. C'était il y a sept ans, mais rien ne m'empêchait de recommencer. Même si aujourd'hui, je ne le veux pas. Aujourd'hui, c'est notre journée, celle dont nous rêvions enfants mais dont nous avions toujours été privée. Pas question que je laisse un abruti me gâcher ça.
« Mêle toi de ce qui te regarde ! »
J'arque un sourcil, tout en m'approchant un peu plus, les mains dans les poches.
« Si tu le touches, ça me concerne. - Il drague ma copine ! »
Cette fois, je lève les yeux au ciel en entendant les mots de cet homme, avant de souffler d'un rictus :
« Il est trop occupé à me détailler du regard, pour avoir le temps de remarquer que ta copine existe. »
Le type écarquille les yeux, d'un air aussi surpris qu'effaré. J'imagine qu'il s'attendait à tout sauf à ça. Et pour être honnête...Je ne sais pas ce qui m'a pris non plus. Et pour la peine, je sens que je ne vais plus oser regarder Ryu pendant les minutes qui suivent, le temps de digérer ma honte. Quel idiot. Il suffisait que je dise qu'il est fiancé, tout simplement. Mais non. Comme un crétin, je parle de moi. Pourquoi faut-il que je ramène tout à moi ? Arrête de rêver.
Et puis, l'homme semble se rendre soudainement compte que mon allure n'est pas particulièrement normale. Le pantalon et les cheveux le font tiquer une seconde, avant qu'une nouvelle expression se lise sur son visage :
« Sale pédé. »
Sans un mot de plus, il me détaille une dernière fois avec un air de dégoût, tout en s'éloignant en entraînant sa petite amie. Tant mieux, enfin un peu d'air. Cependant, à mes côtés, un autre problème s'impose. Ryu à toujours été quelqu'un d'incroyablement calme et mature, et ce, dès le plus jeune âge. Quand il est en colère, c'était vraiment impressionnant, et souvent, il ne faut pas être dans le coin. Et là, voir les muscles de son cou se tendre sont à eux-seuls suffisamment explicites pour comprendre dans quel état il se trouve. Et son regard...Fait frissonner. Pas ces agréables frissons qui remontent le long de l'échine quand il se met à rire à cause de mes bêtises. La colère qui se lit dans ses yeux en cet instant est si puissante que si ce type s'était retourné pour le voir, il serait tombé à la renverse, terrifié. Même en étant plus grand que lui, je ne m'y frotterais pas. Forcément...Quand ça le touche, Ryu s'en fiche. Il laisse les gens parler, se fichant bien de l'opinion des autres. Mais que quelqu'un m'insulte, moi directement...Ça, il ne le supporte pas. J'ai eu l'occasion d'en avoir la preuve, au lycée, quand quelqu'un s'en prenait à moi. Et même si je suis suffisamment maso pour le trouver sexy en toutes circonstances, avec ce cou contracté et sa mâchoire crispée, je me rends compte que cette lueur froide me fait aussi un peu peur, par moment. Sans attendre une seconde de plus, j'attrape doucement son poignet pour attirer son attention, avant de murmurer :
« Laisse tomber. Continuons notre tour, plutôt. »
Je ne veux pas le voir avec ce genre d'expression. Il est tellement plus beau quand il est émerveillé, que j'ai bien l'intention de lui rendre ce visage-là. Ses yeux qui pétillent de mille feux en sautillant devant les animations et les couleurs. Je ne veux rien voir d'autre aujourd'hui, que ce garçon adorable qui profite de tout ce qui passe devant ses yeux. Aussi, je tire un peu plus sur son poignet, l'emmenant un peu plus loin. Alors que nous marchons, je le relâche en marmonnant faiblement :
« Ah, et puis...Fais pas attention à ce que j'ai dis. C'était juste pour le faire partir. »
Je n'ai pas la prétention de croire qu'il m'observe. Pas de la façon à laquelle j'ai sous-entendu, en tout cas. Il est...Fiancé, après tout.
« C'est la femme de ma vie. »
Je chasse ses mots de mon esprit, avant de voir la grande maison imposante devant moi, avec la foule attendant leur tour pour entrer à l'intérieur. La voilà donc. La fameuse maison hantée.
♥♥♥:
T'en fais pas c'était parfait ! J'ai adoré ** Pour moi, de mon côté, je sais pas si les truc de tir tout ça, ça se fait au Lotte World ._. Mais je suis partie du principe que c'était pas très grave XD J'espère que ça ira !
« Invité »Invité
Sujet: Re: Just for today, forget everything else. Lun 10 Mar - 23:36
« Ne t'inquiète pas. On a tout notre temps... »
Je grimace légèrement lorsque je sens ses doigts venir ébouriffer mes cheveux. Cette habitude qu'il a prise depuis le jour maudit où il a réussi à me dépasser d'un pauvre centimètre. Cependant, je ne dis rien, me contentant de lever les yeux vers lui. Il ne se doute pas un instant des palpitations qui font rage dans mon cœur dans ces moments où nos regards se croisent, pas vrai ? Il ne doit pas en avoir la moindre idée, sinon au lieu de dégager sa main, il prendrait la mienne. Idiot. A quoi tu penses? Je secoue la tête, avant de reporter mon attention sur ce vers quoi il s'avance vivement.
«On essaie ? »
J'observe le stand qu'il me montre du doigt avec un air émerveillé, et sourit doucement. Évidemment. Qu'attendre venant d'un détective qui maîtrise les armes à la perfection, d'autre qu'un jeu de tir ? J'hoche la tête, me plaçant à ses côtés alors qu'il empoigne l'objet afin de le hisser sur son épaule. Pas un mot ne vient troubler sa concentration. C'est à peine s'il respire, l'oeil vif rivé sur les ballons qui paraissent être en train de le narguer en dansant fièrement. Je ne sais pas ce qu'il attend, pour ma part j'aurais déjà tirer mes trois coups. Au hasard, oui. Finalement, c'est au bout de quelques secondes qu'il appuie une première fois sur la gâchette.
« Bien joué. » lâche-je en voyant le résultat.
Deux ballons d'un coup. Mais quand on sait que le jeune homme a passé des heures innombrables dans un stand de tir et qu'il a une collection d'arme dans sa chambre, je pense que l'on peut en déduire que c'est légèrement de la triche. Je tente vainement de ne pas montrer combien je suis impressionné, croisant les bras sur mon torse alors qu'il se concentre sur la dernière cible. Pour ma part, mon regard ne peut se résoudre à se détacher de son air sérieux. Je l'ai rarement vu ainsi. Lorsque nous étions encore à l'école, il y avait peu de moment où il pouvait avoir l'air concentré. Ou entre deux siestes, peut-être.
Si bien, qu'à le détailler sans même essayer de m'en cacher, je me rends à peine compte que lui s'est tourné vers moi avec un grand sourire. Je cligne des yeux, m'apercevant qu'il n'y a plus aucun ballon flottant dans la cage.
« Y'a pas de quoi être fier. Encore heureux que tu saches tirer. » souffle-je avec un léger rictus moqueur.
Ce à quoi il fait à peine attention, me tendant doucement la carabine.
« A ton tour. »
Je m'en empare maladroitement, n'ayant pas du tout l'habitude de toucher à ce genre de chose. Même pour un jeu. C'est bien un des rares points que nous n'ayons pas en commun tous les deux. Les armes, et tout ce qui s'en rapproche, j'ai bien du mal à les supporter. Encore moins lorsque l'une d'elle se trouve accrochée à la ceinture de mon précieux meilleur ami. Cependant, je l'imite, montant l'arme sur mon épaule afin de viser. Tirant légèrement la langue, je lance un regard vers les trois ballons qui flottent joyeusement. Puis je tire. Dans le vide. Grognant, je baisse doucement les bras. Une seconde à peine, puisque je sens la présence de mon cadet se rapprocher J'ouvre la bouche, prêt à répliquer si jamais il ose se moquer. Mais il fait tout le contraire. Ses mains se glissent sur les miennes, alors que son torse se plaque contre mon dos. Ma respiration se coupe et je n'ose plus faire un mouvement. Depuis quand est-ce que je réagis ainsi lorsqu'il se trouve aussi près ?
« Décrispe tes épaules. »
Des frissons incontrôlés se propagent tout au long de ma nuque alors que son souffle s'écrase sur ma peau.
Me décrisper ? Il est sérieux?
«Concentre toi...Et ne pense qu'à ta cible. Juste elle. - Et comment tu veux que je me concentre au juste...» marmonne-je.
Nous sommes bien trop proches. Il se tient dans mon dos, les bras passés de chaque côté de mon corps, le menton pratiquement posé sur mon épaule. Une position qui suffit à me mettre dans des états que je pensais oubliés... Je suis certain qu'il est capable d'entendre les battements de mon cœur qui se sont affolés subitement. Est-ce qu'il se rend compte que ce n'est pas normal ? Ou est-ce seulement moi qui me fait des idées et qui comprend tout de travers ? Ce ne serait pas si étonnant au fond. Je suis perdu. Mais quelque part, j'ai comme l'impression qu'il s'est égaré, lui aussi.
Peut-être est-ce la raison pour laquelle il s'écarte brusquement, l'air gêné. Je donnerais tout pour pouvoir me retourner et surprendre ses joues que je suis sûr de retrouver rougies. Mais si je bouge, je perdrais l'angle de tir.
« Réessaie pour voir. »
J'acquiesce doucement, et obéis. Le deuxième coup résonne à quelques millimètres de ma cible, me faisant soupirer de frustration. Il faut que j'y arrive ou je risque d'en entendre parler durant des semaines. Le troisième parvient enfin à transpercer la boule d'air. J'ai réussi. Ravi, je lâche la carabine avant de me tourner vers Kyu, un immense sourire fier étirant mes lèvres.
« Que veux-tu. Je réussis tout ce que je touche. » ricane-je en haussant les épaules.
Tant que tu es à mes côtés en tout cas.
Je le laisse rejoindre le côté du stand pour choisir son prix. Si lui en a le droit, je ne peux espérer n'avoir qu'une pauvre friandise. « Pour l'effort. » d'après le forain. Je lève les yeux au ciel, amusé. Puis je me tourne vers la grande perche qui revient fièrement vers moi, une peluche entre les bras. Il me la tend avec une expression joyeuse sur le visage. Je cligne des yeux, la détaillant un instant : une petite tortue d'une jolie couleur verte.
« Pour toi ! »
Evidemment. Il sait l'affection que je porte à cet animal depuis que nous en avons trouvé une sur la plage, l'été de mes douze ans. Est-ce qu'il sait seulement pour quelle raison j'aime autant ces petites bêtes rondes ?
« Aw... Merci Kyun'ah ! T'es vraiment le meilleur. Et profite. Je ne te le dirais pas aussi souvent que tu pourrais le mériter. »
Je souris doucement alors que je remarque sans mal les jolies rougeurs sur ses joues. Adorable. Il n'a pas changé, finalement. Il reste toujours le même adolescent dont je me moquais parce qu'il se mettait à rougir dès que je m'approchais d'un peu trop près ou qu'un de mes mots parvenait à le toucher. Seulement, si à l'époque cette réaction me semblait normale, elle porte un sens bien nouveau aujourd'hui.
Ai-je vraiment dit qu'il était adorable ? Je retire. Je l'entends encore se moquer alors que je retourne le plan que je tiens entre les mains, dans tous les sens. N'importe quel idiot serait capable de se diriger avec cette feuille de papier, alors pourquoi est-ce que je suis aussi perdu que s'il s'agissait d'une de ses équations que Kyu Jung avait renoncé à m'apprendre ? Ca n'a pourtant pas l'air si compliqué, après tout, j'ai traversé le monde de part et d'autre, je devrais pouvoir m'en sortir avec un parc d'attraction. Pourquoi il y a autant d'indication et de chemin différent ? Si ça ne tenait qu'à moi, on se dirigerait au hasard le long des allées et on prendrait les choses comme elles viennent. Mais Choi Kyu Jung souhaite se rendre à la maison hanté, et c'est là-bas que je l'emmènerais. Je fronce les sourcils, perturbé par ces dessins qui ne veulent pas dire grand chose à mes yeux. Est-ce qu'on est vraiment censé se repérer de cette façon ?
« Peut-être à droite ? Ou alors il faut prendre l'escalier? »
Et puis autant l'avouer, sentir le regard moqueur de mon cadet suivre le moindre de mes gestes, ça n'aide pas vraiment à la concentration. Je n'ai pas besoin de me retourner pour surprendre ses pupilles de jais qui me détaillent de haut en bas. Je sens la brûlure qu'elles laissent sur mon corps, comme l'un de ses frissons qui me parcourt lorsque nos doigts se frôlent. Est-ce qu'il s'est levé en se donnant pour mission de me pousser à bout aujourd'hui ? Parce qu'en un peu plus d'une heure, il a déjà bien avancé.
« Laisse tomber Ryu, t'as jamais su lire une carte, pourquoi ça changerait aujourd'hui ? - Ne doute pas de mes capacités, Choi. Je vais t'impessionner.»
Je le sens qui se rapproche doucement de moi, alors que je garde le regard rivé sur la feuille dépliée devant moi. Je trouverais. Il verra. C'est presque vexant lorsqu'il ne me croit pas capable de faire quelque chose. Bien qu'en soit, je sais parfaitement qu'il ne fait que me taquiner, je n'ai pas envie de paraître inférieur à ses yeux. Ce depuis notre plus tendre enfance. Si je dois prouver quoique ce soit, ce sera toujours devant lui. Même lorsqu'il ne s'agit qu'une histoire de repérage sur une carte.
« Excusez-moi ? Je...Bonjour. »
Je relève la tête, surpris d'entendre une autre voix que celle de mon meilleur ami, s'adresser à moi. Une jeune femme qui doit avoir à peine plus de la vingtaine, jolie brune avec de grands yeux sombres cernés d'une couleur doré. Durant quelques secondes, je reste sans réaction, me contentant de l'observer par dessus la carte que je tiens toujours obstinément. Elle me sourit, tortillant ses doigts autour de la hanse de son sac d'un air gêné. Même ses pommettes se sont colorées d'un rose léger. Je finis néanmoins par réagir, hochant la tête en lui souriant doucement.
« Bonjour. »
Peut-être qu'elle est aussi perdue que nous et qu'elle a besoin d'une carte pour se diriger ? Dans ce cas, je dois avouer qu'elle aurait pu trouver meilleur guide. Vu que je suis moi-même incapable de faire avancer mon meilleur ami dans la bonne direction.
« C'est quoi votre prénom...? »
Mon prénom ? Pourquoi cette question ? Surpris, et probablement par réflexe, je jette un regard vers Kyu Jung qui n'a pas bougé et qui a lui aussi les yeux rivés vers la jeune inconnue. Finalement, je me tourne de nouveau vers elle en penchant légèrement la tête sur le côté. Je pensais vraiment qu'elle me demanderait son chemin, et non pas une chose aussi inutile que mon nom peut l'être pour elle. Ce n'est pas la première que ce genre de situation se produit, en réalité il y a souvent des jeunes femmes qui viennent vers moi pour m'inviter à prendre un café ou à dîner avec elles. Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi. Qu'est-ce que je peux bien avoir de plus que tous les autres hommes qu'elles croisent sur leur chemin ? Je ne suis pas le plus grand, ni le plus intelligent. Je ne me dévalorise pas non plus en osant penser que je suis banal, je sais bien que c'est faux. Chaque personne est unique, il faut juste faire attention pour remarquer ce qui diffère des autres. Il me suffit de sentir les yeux brûlants de mon cadet sur ma nuque pour le comprendre. Si je l'écoutais lui, alors j'aurais probablement l'impression d'être l'homme le plus extraordinaire que cette terre ait porté depuis sa création. Mais ce serait écouter un avis loin d'être des plus objectifs.
« Je m'appelle Ahn Ryu Jeong. »
Son expression joyeuse s'illumina d'autant plus alors qu'elle s'approche d'un pas, continuant notre semblant de conversation. Ce que je fais ici ? Est-ce qu'elle se pose sincèrement la question ? J'attends de pouvoir passer la journée tant attendue, avec mon meilleur ami. Seulement, ce n'est pas en restant là, à discuter avec une parfaite inconnue qui se plaît à secouer ses longs cheveux bruns tout en cillant des yeux. J'ai observé suffisamment de personnes pour savoir ce que cette attitude laissait sous-entendre. Ce qui me fait doucement sourire, tout en cherchant comment écourter la conversation afin de pouvoir retourner auprès de la seule personne avec qui j'ai envie de passer du temps. Mais finalement, je n'ai pas l'occasion de tenter la moindre excuse, puisqu'un un homme aux lèvres pincées se rua sur moi, me repoussant vivement d'une main sur ma poitrine. Avant que celle-ci n'attrape la taille de la jeune femme qui me faisait face quelques secondes auparavant.
« Tu fais quoi avec ma copine toi ? Tu crois que je t'ai pas vu venir, petit crétin ?! »
De quoi?
J'écarquille les yeux, surpris d'être ainsi bousculé.
« Pardon? » souffle-je.
Sa copine ? Je lance un regard vers la jeune femme qui baisse aussitôt la tête. Il ne faut pas être doté d'un quotient intellectuel supérieur à la moyenne pour comprendre ce qui est en train de se dérouler. J'hausse légèrement les épaules alors que le nouveau venu continu d'hurler autant qu'il en est capable, que je ne suis qu'un petit allumeur qui ne cherche qu'à piquer les femmes d’autrui. Comme si j'avais besoin de ça actuellement, tiens. Je pourrais lui répliquer qu'il n'a qu'à y faire plus attention à sa chère et tendre, peut-être que de cette façon elle ne se sentirait pas obligée de venir elle-même draguer le premier venu. Ou bien qu'il est malvenu de faire une crise de jalousie, quand justement, il n'y a aucune raison. Mais ce serait perdre du temps qui m'est bien trop précieux aujourd'hui. Décidant qu'il valait mieux tourner les talons avant que ça ne dégénère, je me tourne doucement vers mon cadet resté en arrière. Seulement, ce dernier en a décidé autrement puisqu'il se redresse amplement, en dardant l'insatisfait d'un regard si noir que des frissons parcourent aussitôt mon échine.
« Il n'a rien fait de mal. »
Sa voix glaciale vient percuter mon cœur, le faisant rater de nombreux battements désordonnés. Je cligne des yeux alors qu'il se glisse devant moi, essayant de me cacher du regard incendiaire qui ne m'a pas quitté ces dernières secondes. Ce qui ne me plaît pas tant que ça, puisque désormais, c'est lui qui se trouve assailli d'un rictus moqueur.
« Mêle toi de ce qui te regarde ! »
Je soupire, trouvant la situation aussi futile qu'agaçante.
« C'est bon Kyun'ah. Ca n'en vaut pas la peine. »
Pourtant, il ne m'écoute pas. Il enfonce ses mains dans ses poches, s'approchant encore sans quitter son vis-à-vis du regard. Cette scène me rappelle que trop bien celle qui s'est déroulée dans les couloirs du lycée, il y a sept ans de cela. Lorsqu'il a enfoncé la tête d'un élève dans l'une des vitres, sous prétexte que celui-ci avait eu des propos insultants à mon égard. Ce qui en soit, m'est bien égal. Tant que lui, continue de m'admirer avec le ciel étoilé qui se trouve au fond de ses pupilles, les mots des autres ne m'atteindront pas. Il n'a jamais voulu me l'avouer, préférant mentir en inventant une histoire peu crédible plutôt que de me faire culpabiliser. Seulement, il ne devrait pas douter du pouvoir qu'ont les rumeurs. Elles se répandent si vite, qu'il m'a été difficile de ne pas les écouter. Je sais parfaitement qu'il a essayé de me défendre ce jour-là, tout comme je l'ai fait devant une dizaine de professeurs pour éviter qu'il ne soit viré. Il aura beau assurer le contraire, Kyu Jung ne peut me mentir. Il finira toujours par baisser les yeux, incapable de me regarder directement alors que ses excuses passent la barrière de ses lèvres. Pourtant, il n'y a rien de honteux à vouloir prendre la défense de son meilleur ami, il devrait le savoir. C'est même rassurant, de savoir que quelqu'un se trouvera toujours de notre côté. Quoiqu'il arrive.
Aujourd’hui c'est un bon en arrière. L'éclat sombre qui traverse son regard, est identique à celui que j'ai surpris en le retrouvant dans la salle où il était consigné ce jour-là.
« Si tu le touches, ça me concerne. - Il drague ma copine ! - Il est trop occupé à me détailler du regard, pour avoir le temps de remarquer que ta copine existe. »
J'écarquille les yeux en entendant sa phrase. Il l'a prononcé avec tant d'aplomb que je reste stoïque de longues secondes avant de réaliser. Me détailler du regard. Est-ce qu'il s'en est rendu compte ? Quand ? Comment ? Je suis pourtant discret quand je l'observe en coin, non ? De plus, c'est de sa faute. Il n'a qu'à pas se montrer avec un pantalon qui lui fait de telles jambes. C'est un appel aux regards volés. Lui qui est loin d'être un exemple de perspicacité en temps normal, il faut qu'il ouvre les yeux la seule fois où son voile opaque qui se trouve devant son regard devrait resté en place ? Fourbe.
« Sale pédé. »
Ces mots abjectes rompent l'air tel un coup de couteau l'aurait fait. Piquants. Blessants. Ils suffisent à me faire redescendre sur terre, plus efficaces que si l'on m'avait assaini d'une gifle.
Je me retourne lentement, surprenant le regard dégoûté de l'homme avant que celui-ci ne s'éloigne. Comment ose-t-il tourner les talons aussi simplement après avoir lancé une insulte pareille ? Je sens chaque muscle de mon visage qui se contracte alors que je devine sans mal que mes pupilles se sont assombries, rendant mon regard aussi froid qu’effrayant. Selon Kyu Jung, je pourrais mettre n’importe qui à genoux d’un regard. Eh bien, c’est exactement ce que je veux à cet instant. Que cet homme qui ne porte que trop bien sa stupidité, se retrouve face conte sol à implorer le pardon de mon meilleur ami. Soit, que l’on m’assène de mots grossiers et d’autres accusations infondées, cela pourrait passer sans le moindre clignement de paupière. Mais jamais, au grand jamais, je ne laisserais quiconque diriger un terme aussi écœurant sur la personne la plus importante à ma vie.
« Laisse tomber. Continuons notre tour, plutôt. »
Je ne réponds rien, me contentant d'inspirer profondément afin de ne pas céder à l'envie lancinante de courir après cet abruti. Ca n'en vaudrait pas la peine. Il n'y a pas matière à discuter avec les personnes de son genre. Aussi aveugles que sourdes.
L’amour, reste de l’amour.
De plus, nous avons perdu assez de temps. Aussi, je glisse ma main dans celle de mon cadet, m'y accrochant autant pour le rassurer que pour être certain que ces mots ne l'aient pas touché. Même si je me doute qu'il faut bien plus qu'une insulte pour pousser Choi Kyu Jung face contre terre.
« Ah, et puis...Fais pas attention à ce que j'ai dis. C'était juste pour le faire partir. - Eh bien... Moi qui pensais que tu étais perspicace pour une fois...» souris-je doucement.
Sans cesser un instant l’étirement joyeux de mes lèvres, je l’entraine vers l’endroit où j’espère bien trouver l’immense demeure, dite hantée. Il nous a fallu à peine plus de cinq minutes pour tomber dessus, plus par hasard que par pure réflexion. De toute façon, je dois avouer que j’observais tout ce qu’il se trouvait à portée, mais sans réellement y porter attention. Pour dire la vérité d’ailleurs, c’est seulement lorsque mon détective d’ami a tapoté mon épaule du bout de ses doigts libres que j’ai relevé la tête. Avec un rictus moqueur, il m’a désigné l’impressionnante bâtisse qui semblait nous appeler, tendant ses portes de bois sculpté dans notre direction. Rien que d’en voir la façade, des frissons d’horreur se développent le long de mon échine. Tout parait si sombre, si glauque qu’il est presque difficile de passer à côté sans remarquer les regards effrayés des quelques personnes en train de faire la queue. J’hausse les épaules, glissant que je le savais et que je voulais voir s’il était capable de se diriger par lui-même. Ce à quoi il ne semble pas vraiment croire. Etonnant.
Sans attendre une seconde de plus, on se place à la fin de la petite file d’attente qui se trouve devant l’entrée. Déjà là, de nombreux cris aussi aigues que perçants se font entendre, hérissant les poils de mes bras avec anticipation. Du coin de l’œil, j’observe mon cadet qui garde lui le regard rivés quelque part sur le décor. Tirant un peu sur sa manche pour avoir son attention, je lance gaiement :
« Alors détective Choi, on a peur ? »
Je ricane doucement en écoutant sa réponse. Evidemment. Il n’est pas du genre à se démonter aussi facilement, alors pourquoi avouerait-il que l’ambiance ténébreuse qui règne alors que l’on se rapproche de plus en plus, l’inquiète légèrement ?
« Je te laisse à peine dix minutes avant que tu te mettes à me supplier de te sortir de là~ » murmure-je en me moquant.
Mon cœur tressaute alors que son rire me parvient. A-t-il seulement conscience qu’en jetant ainsi la tête en arrière, perdu dans son éclat de rire, il est le tableau idéal ? Ses cheveux d’argents se reflètent sous les doux rayons du soleil, leur donnant un aspect brillant qui peine à m’empêcher de glisser mes doigts entre ses mèches rebelles. Il n’y a pas à dire, bien que j’étais habitué à la couleur bonbon de sa chevelure, celle-ci lui va tout aussi bien. Il parait tellement iréel. Je ressens l’envie irrésistible de le prendre dans mes bras afin de m’assurer qu’il est bien là, devant moi, à m’observer de son regard pétillant d’une malice que je ne connais que trop bien. Il réplique d’une voix sûre, ce qui ne manque pas de me faire rouler des yeux. Bah voyons. Je me souviens parfaitement du petit garçon sauvage et associable qui se glissait dans mon ombre dès qu’il en avait l’occasion. Est-ce que dix ans auront suffi à changer de tels traits ? Je secoue la tête, vraiment amusé par son attitude.
« On verra bien qui s’accrochera à l’autre. » grogne-je. « Et non ! J’ai déjà dit que je ne parierais plus jamais avec toi. La dernière fois m’a couté bien trop cher. »
Le portefeuille de mes dernières années de lycée en pleure encore.
Je le laisse se moquer gentiment, préférant observer l’espèce de faucheur qui se trouve devant l’entrée du manoir plutôt que de répliquer de nouveau –j’ai raison de toute façon-. Ce dernier s’amuse à passer entre les rangs, effrayant les pauvres personnes qui ont la malchance de se trouver sur son chemin. J’attends avec impatience le moment où il parviendra à se glisser derrière l’asperge qui m’accompagne. Histoire de commencer l’activité comme il se doit. Pourtant, alors que nous ne sommes plus qu’à un groupe d’entrer à notre tour, c’est vers moi que l’homme au visage maquillé se dirige. Haussant un sourcil, je le laisse faire sans bouger. Il glisse son visage dans le creux de mon cou, reniflant avec de petits bruits. Son nez froid frôle ma peau, y laissant un tracé désagréable. Parfois, il chuchote des mots à mon attention, seulement, je suis bien trop embarrassé pour essayer de les saisir au vol. J’ai tout de même cru comprendre que j’étais fortement à son goût. Gênant, cette proximité avec un inconnu qui semble sur le point de me dévorer sans penser à garder des restes de côtés. Je jette un regard vers Kyu, qui ne dit rien, se contentant de me lancer un sourire narquois, et qui pourtant, a les sourcils froncés et les bras croisés sur son torse. Si ça ne te plait pas, tu n’as qu’à le repousser. Après de longues secondes à patienter, paralysé de peur de faire un geste qui pourrait faire réagir l’acteur, il finit par s’écarter, un air mauvais inscrit sur le visage.
« A votre tour. Bonne chance. »
Sa voix est aussi glaciale que son rôle le lui permet, et presque inconsciemment, je me laisse d’ores et déjà prendre au jeu, hochant la tête. Il nous dirige tous deux, avec un couple de notre tranche d’âge probablement, dans un long couloir sombre, à peine éclairé par de faibles bougies. Sans en avoir l’air, j’attrape le bras fort de mon meilleur ami et l’entraine à ma suite, le gardant près de moi. Au cas où. Je sens son souffle qui s’écrase sur ma nuque alors qu’il avance délicatement, juste derrière moi. Ce qui fait que je suis en tête. A tâtons, je tente de me repérer dans l’espace recouvert d’ombre. Je devine un escalier, et sans lâcher un instant la présence rassurante de mon meilleur ami, je commence à le descendre.
Mon cœur bat fortement contre mes côtes, au point de m’inquiéter sur le fait qu’il pourrait probablement s’échapper d’un instant à l’autre, mais il est hors de question que je montre quoique ce soit. Je resterais impassible et silencieux.
Question de fierté.
Pourtant.
Une espèce de… De quoi exactement ? Aucune idée. Toujours est-il que cette chose non identifiée surgit subitement devant moi, manquant de me faire hurler alors que mes doigts se resserrent brusquement sur la veste de mon cadet.
« Bienvenue mes mignons~ »
Pas sûr que l’on soit si bienvenue que ce que laisse sous-entendre son sourire faussement accueillant. D’ailleurs, est-ce que c’est vraiment un sourire ? D’instinct, je fais un pas en arrière afin de m’éloigner du monstre. Mon dos heurte le torse de mon meilleur ami, me rappelant par le fait que je suis censé montrer un côté fort et pas fuir dès la première salle. Mais en un regard vers le visage fermé au-dessus de ma tête, je me dis que finalement, il ne l’a peut-être pas remarqué.
Tant mieux. J’ai encore un minimum de crédibilité.
Néanmoins, plus les salles passent, moins je fais attention à ce qu’il pourrait bien penser. J'ai beau avoir vu des horreurs en traversant des pays en guerre, une fois que l'on se retrouve dans une ambiance aussi glauque qu'inquiétante, on oublie vite toute notion de fierté. Aussi, je me retrouve rapidement accroché à son dos, les bras passés autour de sa taille afin d’être certain qu’il ne m’échappe pas, laissant à peine ma tête dépasser pour voir jusqu’où il compte m’emmener. Evidemment notre position ne me gêne pas le moins du monde, je suis bien trop occupé à retenir mes sursauts dès qu’une main vient frôler mes mollets.
« Quitte à ce que ce soit quelqu’un, autant que ce soit toi, non ? » souffle-je près de son oreille alors qu’un énième personnage défiguré s’approche de nous de son pas trainant.
Au fond, il sait que je rigole. Je me moque peut-être comme ça, mais nous savons parfaitement tous les deux que s’il le fallait, je n’hésiterais pas à donner ma vie pour la sienne. Sans la moindre hésitation. Vaut mieux ça que d’avoir à faire un pas sans l’avoir près de moi. C’est une pensée qui m’accompagne chaque jour depuis celui où j’ai croisé son regard pour la première fois. Je ne suis probablement pas le plus courageux, quand on fait la liste de toutes les choses qui peuvent me faire peur. Je suis encore moins le plus fort, je ne sais pas user de mes poings. La violence ne m’intéresse pas. Les mots ont toujours été ma seule arme face au reste du monde, et jusqu’à présent, ça a toujours été suffisant.
Pourtant… L’impossible me semble aussi fragile que l’est un battement de cœur. Si c’est pour lui, je serais capable de faire n’importe quoi.
C’est sans doute la raison pour laquelle mes bras se raccrochent fermement à ses hanches alors que nous sommes sur le point d’être séparés. Il fait un bond impressionnant, surpris par le militaire zombie –très réaliste, et qui a mon humble avis n’a pas dû apprécier sa dernière affectation- qui apparait derrière nous et nous ordonne d’une voix autoritaire de nous placer contre le mur. Aussitôt, nous nous retrouvons obligés d’écarter les jambes, les mains posées à plat contre la façade alors que le général Frankenstein fait passer sa matraque sur nos pauvres corps sans défense.
« N’en profite pas trop… » lâche-je avec un regard vers mon cadet avec un sourire en coin.
Enfin, il nous demande à tous de nous retourner. Tous à l’exception de Kyu sur qui l’adjudant des morts-vivants hurle dessus :
« Toi ! Tu fais le fier hein ? Pompes. Dépêche-toi ! »
Je ricane, les bras croisés sur mon torse pendant que le détective se baisse, face contre terre afin d’obéir aux ordres. Non sans râler. Ce ne serait pas Choi Kyu Jung dans le cas contraire. Pourtant mon rire meurt lentement dans ma gorge alors que je ne peux m’empêcher de le détailler durant ses premières tractions. Il faudrait vraiment que le cuir devienne illégal. Au moins pour lui. Seulement, ma discrétion me coûte puisque le regard incendiaire du zombie tombe sur moi.
« Ca te plait de voir ton copain à tes pieds ? Plutôt oui. » lâche-je.
Un sourire moqueur apparait sur ses lèvres ensanglantées, ne me disant clairement rien de très prometteur.
« Encourage-le. Dis-lui combien il est beau… - Pardon ? Comme s’il n’avait pas assez d’égo comme ça. Vous voulez qu’il ne soit plus en état de passer les portes ou… - Dis-lui ou tu y passes aussi ! » me coupe-t-il brusquement.
Décidant de jouer le jeu, je me racle la gorge avant de lancer:
« T'es beau Kyun'ah. Bien plus beau que moi. »
Mais çe ne parait pas être au goût du caporal sanguinolent puisqu'il me fait remarquer mon manque d'enthousiasme en tapotant sa matraque dans le creux de sa paume.
Je souffle, levant les yeux au ciel alors que ceux de mon cadet sont dirigés vers moi, comme pour voir si je serais capable de le faire ou pas. Les mèches de ses cheveux argentés, blanchis d’une étrange façon par la lumière ambiante, tombant devant son regard provoquant. Est-ce un défi Choi ? Tu sais bien que je les prends tous sans hésitation. Avec un léger sourire suspendu à mes lèvres, je me baisse à mon tour afin d’être certain qu’il m’entende bien.
Lui. Et personne d’autre.
« Tu sais que tu es incroyablement sexy dans cette position ? » murmure-je habilement.
Cette simple phrase a un effet inattendu sur mon meilleur ami puisque ses muscles ne semblent plus lui répondre et qu’il tombe brutalement sur le sol, les yeux écarquillés. Je n’ai pas besoin de voir ses joues pour savoir qu’elles se sont colorées d’un joli rose. Satisfait, je me redresse et lance un coup d'oeil averti au capitaine zombie tout en tendant une main à mon compagnon afin de l'aider à se relever. En un instant, nos regards se croisent et s'accrochent. Comme par habitude, nos yeux parlent pour nous.
Evidemment que je le pense.
Choi Kyu Jung a décidément bien grandi.
Et mes sentiments aussi.
« Invité »Invité
Sujet: Re: Just for today, forget everything else. Jeu 20 Mar - 18:47
« Eh bien... Moi qui pensais que tu étais perspicace pour une fois...»
Je ne comprends pas vraiment le sens de ses mots, et ne cherche pas plus loin, mon attention étant déjà concentrée ailleurs. Levant les yeux, j’esquisse un sourire en voyant l'immense bâtisse sombre non loin. Avec un rictus moqueur, je tapote l'épaule de mon meilleur ami pour lui désigner l'endroit. Pour l'instant, je passe outre les frissons que m'évoque l'attraction, trop amusé par les yeux ronds de Ryu. Pourtant, il se reprend immédiatement, et hausse les épaules en soufflant qu'il avait tout prévu, et cherchait à me tester, pour voir si je saurais nous diriger. La bonne blague. Nous nous retrouvons enfin dans la file d'attente, suivant la ligne remplie de personnes avides de sensations fortes. Je garde les bras croisées en observant tout ce beau monde, sans vraiment comprendre ce qu'il y a de si excitant à l'idée d'avoir peur. Ce n'est pas pour résoudre cette énigme que je voulais venir, mais pour voir Ryu Jeong sursauter de frayeur. C'est un spectacle qui en vaut le détour, après tout. Je baisse les yeux lorsque je sens quelque chose me tirer la manche, et observe mon meilleur ami, tout joyeux :
« Alors détective Choi, on a peur ? »
Je ne retins pas le ricanement qui s'échappe de mes lèvres :
« Peur ? Je sais même pas ce que c'est. »
Vas-y, fais le malin Choi Kyu Jung, tant que tu le peux encore.
« Je te laisse à peine dix minutes avant que tu te mettes à me supplier de te sortir de là~ »
Son murmure moqueur me fait arquer un sourcil, mais je ne peux m'empêcher de rire, à ses mots. Toujours aussi joueur, celui-là, ç'en est rafraîchissant. Il est toujours le même, avec un petit quelque chose en plus, au final. Je frotte ma chevelure grise, amusé, alors que Ryu m'observe, et n'hésite pas à répliquer sur le même ton :
« Dit celui qui finira par s'accrocher à moi en tremblant...Tu veux prendre les paris ? » - On verra bien qui s’accrochera à l’autre. Et non ! J’ai déjà dit que je ne parierais plus jamais avec toi. La dernière fois m’a couté bien trop cher. »
Je lève les yeux au ciel en soupirant :
« Je te signale que c'est toi qui l'avait lancé, ce pari. Viens pas te plaindre. Surtout qu'il était plutôt cool. »
Je souris de toutes mes dents. Cool pour moi, c'est certain. Mes papilles gustatives s'en régalent encore.
Nous nous approchons peu à peu de l'entrée du manoir, et je l'observe, détaillant les nervures du décor. C'est vraiment du travail soigné, il faut l'admettre. Les décors, les murs, l'ambiance, rien n'est laissé au hasard. Je n'ai jamais été particulièrement à l'aise avec tout ce qui était films d'horreurs ou autre, bien que je sois trop cartésien pour croire aux fantômes et aux esprits. Un acteur déguisé en faucheur s'amuse à effrayer les rangs en passant près des gens. Je le suis des yeux, mais il ne s'approche pas de nous. Enfin...Jusqu’à repérer Ryu. Évidemment. Haussant le sourcil, je croise les bras quand je le vois s'approcher de mon meilleur ami, de plus en plus. Ce dernier reste immobile, jusqu'à se crisper. Il faut dire qu'avec un type aussi effrayant à quelques centimètres de son visage, ça se comprend. Je vois le nez du faucheur se glisser au cou de Ryu, reniflant de façon particulièrement dérangeante, et crispe les doigts.
Recule.
Mais le type continue, n'hésitant pas à souffler que Ryu doit être délicieux, et qu'il aimerait bien le dévorer. Je vois nos voisins pâlirent de peur en l'entendant, mais personnellement, des mots pareils, je les interprète d'une autre façon. encore plus déplaisante au sens figuré, quand j'y pense. Mon meilleur ami relève les yeux vers moi. Je lui lance un sourire moqueur devant sa situation, mais fronce légèrement les sourcils. Bon, ce type va se décider à se reculer, ou il attend mon autorisation avec un coup de pied au derrière en prime ? Finalement, il se recule, avant de se frotter les mains d'un air satisfait :
« A votre tour. Bonne chance. »
Je n'ajoute rien, me contentant de suivre notre petit groupe de quatre, étant donné que nous sommes avec un couple à peine plus âgé que nous. Ryu attrape mon bras en avançant, et je le suis sans rechigner, un peu amusé à l'idée de le voir céder à la peur. Pourtant, il sait que je suis là, et que je le protégerais, n'est-ce pas ? Ceci dit, une fois à l'intérieur, je comprends que j'ai peut-être un peu sous-estimé la chose. Je continue de suivre Ryu, qui se déplace à tâtons dans l'obscurité. Il fait vraiment sombre, ce n'est pas évident de se déplacer là-dedans... Je manque de trébucher, dans l'escalier, mais continue de suivre Ryu sans le ralentir. Mais soudainement, ce dernier sursaute, alors qu'une chose inconnue surgit devant nous. J'écarquille les yeux, tout aussi surpris, alors que le monstre devant nous se lèche presque les babines d'avance en regardant ses nouvelles victimes.
« Bienvenue mes mignons~ »
Qu'il m'ôte ce sourire affreux du visage, ce n'est absolument pas rassurant. Ce que je ne donnerais pas pour être en salle d'interrogatoire avec un criminel, plutôt qu'avec ces...Choses, là. Doucement, je baisse les yeux, alors que je sens un contact sur mon torse. Voilà que Ryu à le dos collé à moi, cherchant à s'éloigner de l'acteur monstrueux face à nous. Je fais un effort surhumain pour ne pas enlacer mon meilleur ami, et garde les yeux rivés sur le monstre. Heureusement, nous parvenons à passer la salle, et je continue de suivre Ryu. Mon meilleur ami et moi, nous avons vu des choses qui ne sont pas conseillés aux âmes sensibles. Plus d'une fois. Aussi, je suis surpris de comprendre à quel point on arrive encore à être impressionnables, juste à cause d'un décor très réussi et un jeu d'acteur rôder à la perfection. Rapidement, et à mon grand dam, Ryu se retrouve collé à moi. Encore. Heureusement que nous sommes dans une ambiance glauque digne des pires maisons hantés, ça m'évite d'avoir trop de pensées déplacées. Parce que d'aussi loin que je me souviennes, mon journaliste de meilleur ami ne s'est jamais agrippé à moi de cette manière. Contre mon dos, ses bras enlaçant ma taille, la serrant comme si sa vie en dépendait. Il peut. Parce que je le protègerais toujours, et j'espère qu'il le sait. Je cache mon petit sourire en voyant sa tête dépasser, toute curieuse, mais continue d'avancer en retenant des jurons lorsque des doigts au sol frôlent mes mollets.
« Quitte à ce que ce soit quelqu’un, autant que ce soit toi, non ? »
Je frissonne au souffle dans son oreille, et esquisse un sourire sans répondre. Nous le savons tous les deux, si le moindre danger se présentait devant moi, il serait le premier à bondir pour jouer les boucliers humains. Il est comme ça, Ryu Jeong. Prêt à tout pour ceux qu'il aime. Même si je n'ai pas l'intention de le laisser faire. Pas question qu'il se blesse pour moi. Enfin, heureusement, ce n'est pas le sujet puisque théoriquement, il ne peut rien nous arriver dans l'enceinte de l'attraction. Théoriquement.
« Tu crois que la sortie est encore loin...? »
Je sais que ma voix est mal assurée, mais de toute façon, ça fait un bon moment que ni lui, ni moi, ne jouons plus les malins. Même si je l'entends répliquer que c'est moi le détective de l'histoire. Donc oui, normalement, je devrais avoir un peu moins peur que ça. Cependant, je frissonne doucement, alors que les mains de Ryu serrent mes hanches avec force. Mais je n'ai pas le temps d'en être émoustillé, sursautant de peur alors qu'un militaire-zombie, sorti de nulle part, se présente devant moi. Il est étonnamment réaliste et encore plus flippant que les autres. Déglutissant faiblement, je suis le mouvement de la troupe, obligé à nous coller au mur, dos à lui... Euh...Un peu étrange, tout de même. La matraque nous parcourent les uns après les autres, et je tourne la tête, croisant le regard de mon grand ami qui, comme d'habitude, ne peut s'empêcher de faire des remarques.
« N’en profite pas trop… »
Parle pour toi.
Je surprends le sourire de Ryu, et m'apprête à répondre, mais rate l'ordre du militaire des morts-vivants. Celui-ci me remarque, évidemment, et se met à me hurler dessus :
« Toi ! Tu fais le fier hein ? Pompes. Dépêche-toi ! »
J'arque un sourcil. Qui ça, moi ? Je râle, tout en me baissant pour me mettre en position, grognant faiblement :
« Je vais te montrer ce que c'est que des pompes... »
J'entends parfaitement le petit rire amusé de mon meilleur ami, visiblement très affligé par ma punition. Fourbe. Pourtant, ça ne m'empêche pas de commencer, m'abaissant en contractant les bras, avant de remonter, répétant le geste maintes et maintes fois devant le petit groupe que nous formons. A chaque montée, je souffle sous l'effort, tout en grommelant intérieurement. Comment j'en suis arrivé là exactement ? Alors que je poursuis mon exercice physique, j'entends la voix du militaire zombie s'adresser à Ryu :
« Ca te plait de voir ton copain à tes pieds ? - Plutôt oui. »
Bah voyons. Étonnant.
« Encourage-le. Dis-lui combien il est beau… - Pardon ? Comme s’il n’avait pas assez d’égo comme ça. Vous voulez qu’il ne soit plus en état de passer les portes ou… - Dis-lui ou tu y passes aussi ! »
Je retiens à peine un rire moqueur, amusé par la proposition du monstre. Oulà, il ne faut pas en demander autant au narcissique Ryu Jeong. Même si je me vengerais sur ce qu'il vient de me balancer. Qui est égocentrique ? Rapidement, Ryu me coupe dans mes réflexions, alors que je poursuis mes pompes :
« T'es beau Kyun'ah. Bien plus beau que moi. - C'est nouveau ça. »
Je relève les yeux, les plantant dans ceux de mon meilleur ami. Je te mets au défi de faire mieux, mon grand, je sais que tu en es capable. Et d'ailleurs, vu la posture du zombie derrière lui, il me semble que Ryu n'a pas d'autre choix que de faire une seconde démonstration de son éloquence concernant ma présumée beauté. Qu'il essaie pour voir, que je rigole. Loin de se démonter, Ryu s'accroupit doucement, s'approchant de moi sans me quitter des yeux. C'est lorsque j'aperçois son sourire, que je comprends que je n'aurais pas dû le provoquer. Et le murmure qui suit confirme ces dernières pensées :
« Tu sais que tu es incroyablement sexy dans cette position ? »
J'écarquille les yeux, alors que les mots de Ryu s'écrase presque contre ma peau. Tremblant légèrement, je perds le contrôle de les bras et retombe lamentablement sur le sol, étouffant une légère plainte. Je sens sans difficulté que mes joues chauffent vitesse grand V et me sens ridicule. Ce n'est qu'une petite phrase de rien du tout, et ce n'est pas la première fois qu'il me taquine de cette façon. Pendant combien d'années encore il parviendra à m'avoir de la sorte ? Relevant la tête, je saisis la main tendue de mon meilleur ami, afin de me redresser. Nos regards se croisent pendant une seconde, et je ne peux m'empêcher de me demander s'il pensait sérieusement ses mots. Son regard semble m'indiquer que oui.
Et c'est loin d'arranger le teint écarlate que prend mon visage. Imbécile.
J’essaie de ne plus y penser, alors que nous continuons notre parcours. Je pense que Ryu est décidé à m'assassiner, aujourd'hui. Que ce soit ses gestes, ses mots, ou ses sourires, il a l'air de beaucoup s'amuser, à jouer avec mes nerfs de la sorte. Si je ne lui saute pas dessus d'ici la fin de la journée, j'irais réclamer un oscar pour mon sang-froid hors du commun. Sérieusement. e suis interrompu dans le fil de ma réflexion par la nouvelle salle qui s'offre à nous. Elle est différente des autres, vu son allure...Penchée. Le sol est penché à plus de 45°. Comment c'est même possible ? Surpris, nous grimpons sans trop de difficulté, avant d'être collé à la barrière par un équilibriste aux allures de Joker, qui se déplace sur les grandes barres, nous observant avec une curiosité malsaine dans les yeux. Il rigole, se moque du couple à côté de nous alors que mes doigts se referment sur ceux de Ryu. Et ce dernier devient sa nouvelle cible alors que, sous nos yeux écarquillés, il se penche vers lui, son souffle immonde s'écrasant sur le visage de mon meilleur ami :
« Tu es volontaire ? »
J'entends vaguement la réponse de Ryu, négative, qui ne plait pas vraiment à notre nouvel ami. Ce dernier insiste, et, sous nos yeux écarquillés, colle même son genou sous la gorge de mon meilleur ami, le menaçant en le plaquant un peu plus contre la barre :
« Allez, dis-le que t'es volontaire ! »
Il insiste tellement, de manière si étrange, que même le grand Ahn Ryu Jeong finit par céder, au point d'accepter. Le monstre est plus que ravi, et s'attaque directement à moi. Clignant des yeux, je retins mon souffle alors qu'il s'approche, jusqu'à murmurer à l'oreille, de façon suffisamment audible pour que tout le monde entende :
« Tu aimes les suppositoires, toi, pas vrai ? »
...Pardon ?
J'écarquille les yeux à la question aussi osée qu'insensée, et n'hésite pas à répliquer d'un ton sec :
« Et puis quoi encore ? »
C'est sans compter Ryu et son soutien sans faille. Évidemment. Il faisait pas autant le fier y'a deux minutes. Son ton amusé et sa réplique sans appel me fige presque, alors que je lui envoie un regard noir. Est-ce qu'il vient vraiment d'oser insinuer ce qu'il vient d'insinuer ? C'est cela, mon mignon. Ris tant que tu le peux, et laisse moi mourir de honte dans un coin. Personnellement, j'aimerais oublier que six ans auparavant, nous étions dans le même lit, alors que nous échangions une première fois passionnelle dans sa chambre. Parce que ces souvenirs là, ce n'est pas le meilleur moment pour se les remémorer. Pas aujourd'hui. Et surtout pas maintenant. Nous quittons rapidement la salle, non sans nombre de commentaire de la part de l'espèce d'obsédé responsable de cette salle bizarre. Nous traversons un couloir sombre, avant d'arriver devant une espèce de grande salle de bains avec plusieurs douches. Une femme en fauteuil roulant surgit en hurlant, criant que nous sentons mauvais et que nous devons nous désinfecter dans les douches. Plusieurs binômes se forment dans les douches différentes, et je me retrouve proche de mon meilleur ami, dans l'une d'entre elles, alors que la femme s'éloigne pendant quelques minutes. Observant Ryu à mes côtés, je me décide à le taquiner un peu, pour changer, et murmure :
« Je ne pensais pas qu'on se retrouverait ensemble sous la douche dans ces conditions. » Je souris de toute mes dents, tout en attrapant l'une de ses mèches de cheveux « Ça aurait été mieux sans vêtements, pas vrai ? »
Malheureusement, Ahn Ryu Jeong est fidèle à lui-même, et ne se laisse pas démonter. J'aurais pu rougir de sa réplique, si seulement l'espèce de monstre en fauteuil ne m'avait pas fait bondir de peur en surgissant de nulle part. D'un coup, je fais moins le malin, hein. Pourtant, je reprends doucement la marche, serrant fermement la main de Ryu. Des mains agressent une nouvelle fois nos mollets, nous faisant tressaillir, et nous finissons même par être poursuivit par une petite fille aux allures terrifiantes. Cherchant à le semer, je bifurque avec Ryu, laissant notre groupe avancer plus vite, poursuivit par la gamine. Ils font un excellent appât, puisqu'elle passe devant nous sans nous voir, trop occupée à courir après la jeune fille de notre groupe, qui hurlent à s'en détruire les cordes vocales. Je peux la comprendre. Déjà qu'en tant qu'homme, je ne fais pas le fier, alors si j'avais été une femme, j'aurais peut-être hurler plus fort qu'elle. Avec Ryu, nous nous retrouvons alors contre le mur, collés l'un à l'autre. Mes avants-bras sont collés au mur froid, alors que mon meilleur ami se retrouve la tête plaqué contre mon épaule. Nos corps étant totalement en contact, je souffle faiblement, sentant sa chaleur me brûler au travers de mes vêtements. Et je maudis la situation autant que je la bénie. On ne pouvait décidément pas faire pire.
Bien joué, Kyu Jung.
Cependant, alors que d'autres monstres s'approchent, je pose ma main sur la bouche de Ryu, alors que, de ma main libre, je ramène mon index sur mes propres lèvres, l'incitant à ne faire aucun bruit. Si les acteurs nous trouvent, ils feront en sorte de nous diviser, comme depuis le début du parcours, et je n'ai pas tellement envie qu'on nous sépare.
Plus jamais.
Mais alors que mes yeux s'habituent légèrement à l'obscurité, je me perds dans la contemplation des traits de son visage. Doucement, je retire ma main de sa bouche, la libérant enfin. Pourtant, aucun son n'en sort. Pas plus que de la mienne. J'ose baisser les cils, posant mon regard sur la pulpe de ses lèvres. Il fait tellement sombre, et pourtant, nous sommes si proches que je les vois distinctement, ces lèvres tentatrices. Je m'y perds même durant de longues secondes, me rappelant peu à peu de la saveur qu'elles ont, pour y avoir goûtés un nombre incalculables de fois. Ne peut-il pas me faire redescendre sur terre en lâchant l'une de ses répliques habituelles ou blagues douteuses qui ne fait rire que lui ? Non, évidemment, quand il doit le faire, il ne le fait pas. Ryu est aussi silencieux que moi. Ça ne m'aide pas beaucoup, ça. En règle générale, ça ne me dérange pas, nous n'avons pas besoin de parler pour communiquer. Mais précisément en cet instant, alors qu'il est coincé contre le mur, collé à moi, tout en m'observant de cette manière, je préfèrerais qu'il parle. Que je puisse arrêter de détailler ses lèvres comme si j'allais les dévorer dans la minute qui va suivre. Ce que j'ai bien l'intention de faire, d'ailleurs.
Arrête moi.
C'est lorsque mon nez effleure le sien que j'ai conscience que je suis sur le point de faire une bêtise. Une bêtise que j'ai promis de ne plus réitérer depuis la dernière fois où nous avons travailler ensemble, bien que ce ne soit pas l'envie qui m'en manque. Ce pourquoi, impressionné par mon propre et excellent self-contrôle, je saisis sa main en me reculant, tout en chuchotant :
« Ils se sont éloignés, on va pouvoir sortir de là cette fois. »
Je ne lui adresse plus un regard, cherchant à avancer dans l'obscurité. Pourtant, sa chaleur au bout de mes doigts, je la sens. Douce et rassurante, elle m'offre un peu plus de confiance en moi. Et il est connu que je n'en ai pas beaucoup en réserve.
Ne me lâche pas.
~
« Il était temps ! »
Je pousse un soupir, pas mécontent de pouvoir enfin être dehors. Pas que je n'aime pas les ambiances glauques, tout ça...Mais là, j'ai eu ma dose, et je crois que Ryu aussi. Nous remettant de nos émotions, nous mangeons rapidement un sandwich en marchant, alors que je propose à mon ami de toujours :
« J'ai choisi le tir et la maison des horreurs, alors cette fois, c'est ton tour. Prends ce que tu veux. »
J'observe Ryu, attendant patiemment sa décision. Il observe les alentours, puis la carte, avant de choisir. Son sourire, son visage tout illuminé et ses yeux de grand enfant me font fondre. Il est tellement adorable, et heureux, que j'aimerais pouvoir figer le temps à cette journée. Qu'il soit toujours heureux comme ça, capable de rire de cette manière à tout jamais. C'est mon unique souhait. Le suivant dans son délire, amusé, je ne suis pas surpris de son choix. Une attraction d'eau.
« Ah oui, c'est le truc des bûches ça, non ? On monte, monte, puis y'a une grande descente avec plein d'eau ? »
Je ne suis pas contre, surtout qu'il fait beau, aujourd'hui. Toute façon, rien ne peut être pire que la maison hantée. La file d'attente n'est pas particulièrement immense, ce qui est plus agréable. Lorsqu'enfin vient notre tour, au bout de plus d'une demi-heure, je m'installe en premier au fond de la buche, et Ryu me rejoins. Il n'y a pas vraiment de ceinture, puisque ce n'est pas une attraction à sensation extrême ou dangereuse, et la pente n'est pas raide. Je souris alors que le manège démarre, mais ma bonne humeur s’envole à l'instant même où nous commençons à grimper.
Oh. Je n'avais pas pensé à ça.
En effet, étant donné que nous sommes penchés vers l'arrière, le corps de Ryu glisse vers le fond, à savoir, vers moi. Écarquillant les yeux, je le retrouve entre mes grandes jambes, son dos collé à mon torse. Décidément, c'est la journée. Est-ce qu'on va se retrouver comme ça dans toutes les attractions que nous feront ? Mais bien sûr, ça ne dérange absolument pas le grand gamin qui me sert de meilleur ami. Tout sourire, il attrape mes bras et me force à lui enlacer la taille, comme si j'étais une ceinture de sécurité grandeur nature. Non mais...il n'a donc conscience de rien ? Cette position est, pour moi, affreusement gênante. Le voilà dans mes bras, naïf qu'il est, alors que nous montons de plus en plus. Je déglutis en sentant le doux parfum de sa chevelure flatter mes narines. Comment je suis censé résister à ça ? Je ferme les yeux, cherchant à oublier où je me retrouve, et surtout avec qui. Comment je faisais déjà, avant ? Les équations à triple inconnues, par exemple ? Pourtant, ça ne m'aide pas plus que ça, et je sens déjà le rouge me montait aux joues, alors que son corps est pressé contre le mien.
Bordel.
Nous arrivons finalement au sommet. Mon menton est quasiment posé sur sa tête, et je me rends compte que ce n'est plus lui qui tient mes bras, mais moi qui ait resserrer mon étreinte autour de sa taille. Est-ce que j'ai envie que ce moment dure toujours, ou qu'il cesse au plus vite ? Je ne sais plus trop où j'en suis, pour être honnête. Simplement qu'il m'a rendu fou, une fois de plus. Et que, comme d'habitude, je me monte la tête, seul... Plus que quelques secondes avant de faire le grand saut. Alors que notre manège commence doucement à basculer vers l'avant, avec une lenteur infinie, j'oublie de réfléchir, et me penche en avant, déposant doucement un baiser dans le creux de son cou. Du moins, jusqu'à ce que la vitesse me colle à l'arrière, alors que nous tombons rapidement le long de la pente. En quelques secondes, l'eau éclabousse partout sur les côtés, devant, derrière. Les retombées finissent sur nous, et je cligne des yeux. En fait, il y a plus d'eau que ce à quoi je pensais.
Les gens devant nous sortent peu à peu, et je remarque que l'un d'entre eux à des allures similaires avec un homme que je connais. Un homme avec qui j'ai eu une liaison, il y a quelques années. Je n'ai jamais donné de détail à propos de cette histoire à mon ami de toujours, lui expliquant juste vaguement que j'avais rencontré quelqu'un, à l'époque. Sans plus. Parce qu'il n'a pas à savoir ce qui s'est passé, puisque ça le concerne en partie. Non, il ne peut pas s'en douter. Et je ne compte pas le lui dire, de toute façon. Je me rappelle avec précision de ce jour où je me suis retrouvé avec un petit ami, il y a deux ans. Je ne sais même pas comment ce type à pu s'intéresser à moi, tant j'étais distant. C'était à peine si je le laissais m'effleurer. Il a fallu un peu plus d'un mois pour que je l'autorise à me prendre dans ses bras. Il me prenait pour un homme qui n'appréciait pas les contacts. Cette phrase ferait bien rire mon meilleur ami, d'ailleurs, lui qui sait à quel point je suis particulièrement tactile. Mais là...C'était simplement parce que ça ne me semblait pas naturel...Tant que ce n'était pas Ryu. La preuve étant que j'avais été séduit par cet homme, simplement parce que son éloquence me rappelait celle de Ryu. A l'époque, ça m'avait énervé. Je ne voulais pas admettre que je ne pensais qu'à mon meilleur ami. Fiancé, qui plus est. J'ignore s'il en a ou avait conscience. J'ai toujours prié pour que ce ne soit pas le cas, parce que ça me ferait encore plus mal de me dire que tout est basé sur un mensonge. Un putain de mensonge qui m'a si souvent donné envie de vomir. A chaque fois qu'il me parlait de Sun Hee, je lui répondais d'un sourire. Je lui disais que j'avais hâte qu'il me la présente. Hypocrite. Et je le ferais encore à l'avenir. Qu'il trouve la personne qui lui ai destinée, où qu'il finisse par se marier pour de bon, je ravalerais mes larmes par fierté, et je bâillonnerais mon coeur pour qu'il cesse de crier. Peut-être que j'y arriverais. Ne plus penser, ne plus réfléchir. A force, je pourrais devenir indifférent, insensible. Ce serait le rêve. Mais je le sais au fond, que ce sont des conneries. Parce que plus les semaines défilent, plus je ressens les choses vivement.
Et ça, je le sais depuis le jour où j'ai couché avec un autre. Une fois, une seule et unique fois, et ça m'a suffit pour comprendre que je n'oublierais jamais Ryu. Qu'au fond, il sera toujours là, à faire acte de présence dans mon coeur quand j'essaie désespérément de l'effacer, et de l'oublier.
Ce jour-là, dans le lit avec celui qui était censé être mon petit ami, j'ai abaissé mes défenses. Juste une fois. Il était patient, et malgré mon irascibilité, ma distance et ma froideur, il s'est accroché. Ryu me manquait. Et j'ai fini par craquer, en manque de chaleur. D'étreintes. Nous nous sommes allongés, embrassés, longuement. Et j'étais à la recherche de quelque chose. Cette...Étincelle que je ne ressens qu'avec une seule personne. Cette même personne qui s'était éloignée pour réaliser son rêve de tour du monde. Je n'ai pas su retrouver cette étincelle, dans aucune des caresses de celui qui a fait un bout de chemin avec moi, pendant un an. Mais je me suis laissé faire, jusqu'au bout. Alors que je pensais à un autre visage, à un autre sourire que celui de mon amant de l'époque. Et à l’apothéose de cette union, lorsqu'enfin, je suis parvenu à tout oublier pendant quelques instants, j'ai totalement éclaté mes barrières.
Et c'est le prénom de Ryu Jeong que j'ai prononcé.
Finalement, mon ex a été étonnamment patient. Il ne s'est pas mis en colère, malgré la surprise. Il aurait dû. N'importe qui aurait trouvé ça extrêmement vexant. Mais malgré ça, plus jamais je ne l'ai laissé me toucher. Et finalement, mes armes, l'illégalité de chacun de mes actes, et le fait que je reviennes sans cesse blessé, ont eut raison de sa patience. Et il est parti.
Je ne l'ai pas retenu une seconde. Comment aurais-je pu ? Il avait suffisamment perdu de temps avec moi. Et même lui n'avait pas su me faire oublier le tendre idiot au sourire ravageur qui m'accompagne depuis l'enfance. Alors j'ai abandonné l'idée de trouver quelqu'un pour moi. Jusqu'à ce qu'il y ait Ha Neul, du moins. Avec elle encore une fois, j'ai cru pouvoir tourner la page. Mais elle non plus, n'est pas pour moi, finalement.
Personne n'est donc capable d'effacer ta présence de mon coeur, Ahn Ryu Jeong ?
Vraiment personne ?
Irremplaçable. C'est le mot.
J'observe Ryu alors que nous sortons de la bûche trempée. Il est beau, c'est vrai. Je le trouve parfait, et je sais que beaucoup pensent comme moi. Parfois, je le trouve même magnifique, avec cette petite lueur qui s'allume dans ses yeux. Oui, je le trouve tellement plus beau quand il me sourit, avec cet air si doux et innocent, avant de m'adresser la parole. Mais être sublime, ce n'est pas le plus important. Ce 'est pas la seule chose. J'ai appris à le connaître par coeur, jusqu'à sa façon d'écrire. J'adore son sourire, tout comme j'adore l'entendre rire. C'est un son merveilleux duquel j'ai bien du mal à me passer. Est-ce qu'il s'en doute seulement ? J'aime ses yeux, aussi. Combien de fois depuis l'enfance, je les aies observés se fermer tout doucement, alors que le sommeil l'emportait. J'adore ce petit air qu'il prend quand je parviens, quelques rares fois, à le contrarier gentiment, alors que son nez se plisse faiblement. Il n'est tellement pas crédible, les fois où il fait semblant de bouder. J'adore sa façon de s'habiller, comme si n'importe quel vêtement, une fois sur lui, le mettait plus en valeur encore. C'est un don, vraiment. L'une des choses que je préfère, c'est de passer ma main dans ses cheveux pour les ébouriffer, et de le voir protester au moment où je le fais alors qu'il vient juste de se coiffer parfaitement. J'ai toujours su qu'il faisait semblant de râler, parce qu'un joli sourire venait s'installer sur le coin de ses lèvres quelques secondes après. Il m'est arrivé de penser qu'il faisait exprès pour que je recommence. Pour que je le touche.
Mais je me rappelle, à chaque fois, que ce n'est que mon meilleur ami, et que mes espérances sont trop ambitieuses, parfois.
J'aime vraiment la façon qu'il a de s'exprimer, aussi. Il manipule les mots si bien qu'il m'arrive de penser qu'au fond, c'est lui qui a dû les inventer dans une autre vie. Je pourrais l'écouter pendant des heures sans m'en lasser. Et si seulement c'était tout. La liste est effroyablement longue. J'apprécie particulièrement comment il arrive à me faire comprendre qu'il sera là pour moi quoi qu'il arrive. En fait, j'aime tellement de choses chez lui, que je me rends compte que je serais bien capable de l'aimer toute ma vie. Pourtant, j'ai lutté contre ce sentiment. J'ai vraiment lutté. J'ai même essayé d'arrêter de le fixer dès que je le pouvais, arrêter de détailler chaque trait de son visage, de ses vêtements. J'ai tenté d'oublier l'intonation de sa voix lorsque nous nous sommes unis il y a six ans, allongés dans ses draps. Et si j'ai essayé d'arrêter de faire toutes ces choses qui me ramènent à lui, c'est parce que j'ai compris qu'il n'était pas un garçon pour moi. C'est ma raison qui me le hurle depuis si longtemps. Mais mon coeur...Tout au fond, je sais qu'il pense tout l'inverse. Ryu connait ça, n'est-ce pas ? Le tiraillement entre le coeur et la raison.
Et c'est aussi grâce à tout ça que j'ai compris, la différence qu'il y avait entre Ha Neul et Ryu Jeong. Mais aujourd'hui, je n'ai pas la foi à lui en parler. Je suis encore trop fragile, trop blessé, et surtout, trop sensible. Si nous partons là-dessus...Si je lui parle d'amour...Je ne pourrais pas retenir tous les mots qui sont en moi. Des mots que je dois définitivement enterrer. Des mots que je ne dois jamais dire à mon meilleur ami.
Nous nous éloignons finalement de l'attraction, et je lève les yeux pour évaluer les dégâts. Pourtant, mon regard se fige lorsqu'il se pose sur Ryu. Trempé. Beau et trempé jusqu'aux os, au moins autant que je le suis. Debout devant moi, je le vois secouer légèrement la tête, comme pour enlever les gouttes d'eau, et n'écoute pas une seule seconde ce qu'il raconte. Je suis trop occupé à l'observer, en fait. Et il s'en rend finalement compte, puisqu'il finit enfin par se tourner vers moi, jugeant sans doute étrange le fait que je sois obstinément silencieux.
Je sens les gouttes d'eau qui glissent sur la pointe de mes cheveux, me rappelant que je ne suis pas en meilleur état. Et pourtant, rien n'est capable, en cet instant, de me détourner de la vision que Ryu m'offre en ce moment même, juste en face de moi. Je l'observe en silence, laissant mes yeux suivre le contour de sa mâchoire. Pendant de longues secondes, je suis le trajet d'une goutte d'eau sur sa peau, glissant peu à peu le long de sa gorge, passant par sa pomme d'Adam, avant de finir sa course dans le creux de sa clavicule. Je dois me faire violence pour ne pas venir la récupérer moi-même, à l'aide de ma bouche assoiffée. Il est tellement beau, ça ne devrait même pas être autorisé. J'en viens même à effleurer sa joue du bout des doigts, frissonnant au contact de l'eau froide contre la peau de mon index.
Bon dieu ce qu'il fait chaud.
Je relève les cils lorsque mes yeux croisent les siens, et je me stoppe, le dévorant du regard. Ses pupilles sombres sont étincelantes, rendues plus belles encore par toutes les émotions que je parviens à lire sur son visage, sans pour autant être capable de les interprétées. A quoi pense-t-il, en cet instant ? J'ai beau dire que je le connais sur le bout des doigts, il y a toujours une partie ombrageuse dans son esprit, que je ne peux décrire, véritablement. Comme en cet instant, dans ses yeux. A moins qu'il ne soit trop troublé par ce qu'il est capable de lire dans mon propre regard ? Tout ce que je ressens quand il m'observe, il peut le lire sur mon visage, ou pas ? Serait-il choqué si c'était le cas ? Pourtant, depuis le temps, il devrait savoir que je ne le vois pas uniquement comme un meilleur ami. N'est-ce pas...? Ou alors, il m'a cru, la dernière fois que je lui ai dis que mes sentiments faisaient partis du passé. Honnêtement...J'aurais voulu. Je croyais vraiment être libéré de son emprise.
Quelle naïveté.
Je le désire.
Tout entier.
Son coeur, son corps, ses sourires, ses regards...Est-ce qu'il peut le voir dans mes yeux ?
A quel point je suis amoureux.
Et pourtant. Combien de fois me suis-je fais cette réflexion ? Au fond, il faut être fou pour tomber amoureux. C'est quoi l'objectif ? On va où quand on aime ? Je ne sais pas. Nulle part, peut-être. On se perd en ayant la sensation d'avancer, alors que la seule chose qu'on fait, c'est reculer pour mieux tomber. On sait qu'on va souffrir, qu'on aura le cœur brisé mais on continue d'avancer. Et pourtant, on est heureux quand on est amoureux, pas vrai ? Un unique geste nous donne des éclats de rire, de joie. Totalement fous. Les amoureux sont des aliénés drogués à l'affection, à l'odeur de la personne qu'ils aiment, à leurs lèvres, leurs mains, leurs regards. Mais je suis mal placé pour juger, je fais pire. Qu'importe mes blessures, j'irai même jusqu'à m'en provoquer d'autres pour qu'il puisse à nouveau poser son regard inquiet sur moi, s'intéresser à moi, et accaparer toute son attention. Qu'il me hurle dessus, qu'il me traite d'imbécile, pour me prouver que je suis important à ses yeux. J'ai tant de désir pour lui que rien ni personne au monde ne pourra me convaincre que le paradis est ailleurs que dans ses bras, contre son corps nu. Je ne crains rien pourvu qu'il soit près de moi. Parce que je le sais. Ma raison à beau se battre, hurler pour me dire que tu ne m'es pas destiné, je sens au plus profond de mon être que tu es fait pour moi. Que mon coeur, est fait pour être compléter du tien.
Est-ce que c'est mal, Ryu ?
J'en viens presque à regretter de ne pas être un twao. A ne pas être son âme soeur. Comment je réagirais le jour où il la trouvera ? Sa moitié disparue qui pourra véritablement le combler pour de bon. Cette personne avec qui il se sentira véritablement entier, destiné à être sien puisque c'est gravé dans ses gênes depuis la naissance. Une personne qui le comblera de joie d'un baiser, un seul. Un contact...Et il pourra être comblé. D'un claquement de doigt auquel je ne peux rien.
Et quand j'y pense, j'ai le sentiment d'être comme un homme qui a perdu sa bataille...
Il sera heureux. Même sans moi.
Je détache enfin mon regard de lui, détournant la tête. Je préfère ne pas y penser. J'ai promis, après tout, de le soutenir quoi qu'il arrive. Il a besoin de moi pour l'aider. Pas question que je laisse tomber, jamais, quelles que soient ses décisions futures. En silence, j'observe les lieux devant moi, avant de désigner d'un mouvement de tête la grande roue qui se dresse non loin de nous, majestueuse et imposante :
« On essaie ? » J'esquisse un sourire en ajoutant « Le soleil va se coucher, on aura une super vue comme ça. »
Je m'étire légèrement, et retire doucement ma veste, avant de passer mes doigts dans ma chevelure humide, la glissant vers l'arrière en murmurant :
« On se séchera un peu en chemin. »
« Invité »Invité
Sujet: Re: Just for today, forget everything else. Mer 16 Avr - 12:37
J'ouvre de grands yeux alors qu'une espèce d'équilibriste au sourire inquiétant s'approche du groupe. Impressionné, j'observe sa façon de sa déplacer sur les grandes barres comme si c'était la chose la plus naturelle du monde, et qu'il faisait ça depuis sa plus tendre enfance. Pourtant, lorsque je relève le regard vers son visage effrayant, une mauvaise impression s'empare de ma poitrine. Ça va être pour moi. A tous les coups, c'est vers moi qu'il vient. Et comme toujours, mon intuition ne me trompe pas. L'espèce de monstre se penche lentement vers moi, alors que j'écarquille les yeux. Dispersant son souffle sur mon visage, il souffle des mots que je ne comprends pas immédiatement.
« Tu es volontaire ? »
Je bats des cils cherchant ce à quoi il peut bien faire allusion. Volontaire ? Je suis volontaire pour une multitude de choses mais aussi étrange que cela puisse paraître, aucune d'entre elles ne se trouvent être en sa compagnie. C'est pourquoi je secoue doucement la tête en murmurant :
« Absolument pas. »
Seulement, ma réponse ne semble pas être à son goût puisqu'il décide d'insister avec plus de force, venant me plaquer à la barrière en plaçant son genou sous mon menton. Si l'on m'avait dit en me levant ce matin que j'allais me retrouver avec un pot de peinture effrayant penché au-dessus de moi, m'immobilisant à l'aide de sa jambe... Je ne l'aurais probablement pas cru. Pourtant...
« Allez, dis-le que t'es volontaire ! »
Et l'autre asperge décolorée qui ne lève pas le petit doigt pour m'aider. Tu parles d'un soutien.
« O-Ok ! Je suis volontaire! » m'écrie-je en levant les mains. « Satisfait? »
Mon assaillant sourit grandement, l'air fier de voir qu'il peut me faire plier à la moindre menace. Il peut. Rares sont ceux qui parviennent à me faire céder, devant quoique ce soit. L'une des plus grandes preuves se trouvent à mes côtés à ce moment même, à son tour attaqué par le monstre. Je reprends mon souffle en l'observant se pencher suffisamment pour murmurer au creux de l'oreille de mon meilleur ami :
« Tu aimes les suppositoires, toi, pas vrai ? »
J'ouvre de grands yeux, aussi surpris que mon cadet quant à la question posée de façon à peine audible.
« Et puis quoi encore ? »
Je me mets à rire devant cette situation totalement insensée. Il est sérieux ?
« Croyez-moi. Il aime ça, le sentir passer. J'en sais quelque chose. » lance-je entre deux éclats.
A charge de revanche.
Et en vue du regard sombre qu’il m’envoie, je doute que ma réplique ne lui ai plu. Dommage, personnellement, je trouve la situation bien plus drôle qu’il y a quelques minutes. Il me suffit de voir son expression figée et ses joues que, malgré la lumière tamisée, je devine écarlates. Il est autant adorable que risible. Ce que je démontre d’ailleurs en partant de nouveau dans un éclat de rire que j’essaie tant bien que mal de garder discret, des fois que le Joker se décide à me reprendre pour cible. Je sens néanmoins la main de mon meilleur ami se glisser jusqu’à la mienne afin de me tirer hors de cette salle, où son propriétaire continue de déblatérer des commentaires à son encontre. Moqueur, je le suis nettement moins lorsque nous arrivons devant une grande salle d’eau dont la lumière semble avoir été volontairement omise. Je déglutis péniblement alors qu’une femme en fauteuil roulant débarque de nulle part, nous ordonnant d’aller nous ôter de tous microbes dans les douches. J’écarquille les yeux, me sentant vivement pousser dans l’une d’elle en compagnie de mon cadet. Etrangement, je me sens bien plus en sécurité maintenant que son immense silhouette est là pour me recouvrir à moitié.
Sentiment qui ne dure pas tellement, puisqu’il murmure doucement :
« Je ne pensais pas qu'on se retrouverait ensemble sous la douche dans ces conditions. » Cette remarque le fait sourire alors que ses doigts se tendent vers mes cheveux. « Ça aurait été mieux sans vêtements, pas vrai ? »
Je lève les yeux au ciel. Sans rire, Choi Kyu Jung ? Depuis quand sait-il faire des allusions sans rougir désormais ? Il m’observe en coin, souriant de toutes ses dents, pas le moins du monde gêné parce qu’il vient d’insinuer. Eh bien.
Il ne faudrait pas qu’il oublie à qui il s’adresse tout de même.
« Je peux toujours t’en débarrasser, si tes vêtements te dérangent tellement… »
Il devrait être bien placé pour savoir qu’il vaut mieux éviter de me provoquer. Que l’on soit au beau milieu d’une attraction d’horreur ne veut pas dire que j’ai oublié d’emporter mon audace avec moi ce matin. Je suis toujours étonné de ne pas le voir détourner le regard alors que le mien semble le sonder de part en part. Il n’y a pas de doute… Kyu Jung a changé. Pas dans le mauvais sens du terme, évidemment. Il n’y a rien que je pourrais avoir à lui reprocher, si ce n’est d’être trop accro à tout ce qui touche la pâtisserie et le chocolat. Quoique, tant que cela peut me permettre d’apercevoir son sourire de gamin fier et comblé, il peut bien en manger autant qu’il le souhaite. Non… Il me suffit d’un regard pour comprendre qu’il a murit, rien que dans la façon dont il s’est habillé. Mais, pas que. Il y a bien d’autres détails qui ont évolués depuis nos seize ans. Je me souviens que trop bien de ce jour sur la place, ce jour bien trop parfait où j’ai découvert mon meilleur ami sous de nouvelles facettes… Il pouvait à peine supporter de poser les mains sur moi, sans avoir à me lancer un regard qui demandait la permission. Désormais, il est là, à jouer avec les mèches de mes cheveux sans me lâcher des yeux. Au fond de ses pupilles, ce n’est plus la crainte qui brille, mais une flamme d’une toute autre intensité. Si je l’avais déjà aperçu il y a quelques années, elle est bien plus puissante à présent. Son visage lui-même semble en rayonner, comme s’il ne s’inquiétait plus d’être vu tel qu’il est. Est-ce que cela veut dire qu’il a pris confiance en ses capacités ? J’en doute. Kyu Jung restera bel et bien Kyu Jung, quoiqu’il arrive. L’espèce d’empoté adorable incapable de dire ce qu’il pense réellement sans bégayer dont la plupart se moquait, et qui maintenant, était là à faire des blagues douteuses sur la façon avec laquelle je pourrais parfaitement le mettre de nouveau dans mon lit. Si seulement. Ce même garçon qui évite son reflet de peur d’y voir toutes les imperfections qu’il essaie tant bien que mal de dissimuler derrière ses grands airs. Celui qui a toujours préféré se cacher derrière une image d’ado rebelle, cassant des vitres plutôt que briser des cœurs. Alors qu’il aurait pu. Il a toujours été inconscient de son charisme, alors que j’étais loin d’être le seul à l’avoir remarqué. Il faisant bien trop peur pour que quiconque se risque à lui adresser la parole, c’est tout. Mais maintenant… Il serait parfaitement capable d’avoir n’importe qui à ses pieds. Il lui suffit d’un mot.
Un seul.
Mais ce n’est pas sa voix qui me parvient alors, seulement la voix stridente de l’autre monstre. Je sens mon cadet bondir à mes côtés, alors que ma propre main se referme sur le pan de sa veste sous le coup de la surprise. Reprenant mon souffle, je me laisse docilement guider à l’aveuglette. J’essaie de ne pas faire attention au fait que mes mollets sont terriblement maltraités aujourd’hui, et me concentre sur mes pas pour ne pas marcher sur une main. Avoir peur, d’accord, blesser, peut-être pas.
Puis tout se passe rapidement.
Je me sens tirer vers un coin sombre alors que des cris résonnent autour de nous, suivit d’une chanson qui a le don de m’hérisser les poils des bras. Une comptine pour endormir les enfants, vraiment ? Il faudrait revoir leur conception. Mais je n’ai pas le temps de plus m’y intéresser puisque je me sens attiré de force contre un mur. La respiration coupée, je me retrouve plaqué entre la paroi froide et le corps de mon cadet qui lui, bouillonne presque. Il se rapproche d’avantage alors que la fille de notre groupe passe devant nous en hurlant, rapidement suivi par l’un des acteurs les plus réalistes et effrayants jamais trouvé dans une maison hantée. Je cligne des yeux, m’apercevant que Kyu a entouré mon corps de ses bras. Bien loin d’être gêné par cette soudaine proximité, je ne peux m’empêcher de reposer ma tête sur son épaule, profitant de l’avoir à ma hauteur. J’ai toujours été à l’aise lorsque je me trouve en sa présence, or les années n’ont rien changé à ce fait. J’inspire profondément, retrouvant l’odeur qui a partagé mes nuits durant la plupart de mon adolescence. Seulement, aujourd’hui, sentir son souffle s’écraser doucement sur mon front développe en moi une nuée de frissons incontrôlés. Et ça, ça n’a rien de rassurant.
Je lève les yeux vers lui, à l’instant même où sa main vient se poser délicatement sur ma bouche. D’un regard à peine échangé, j’hoche la tête pour lui faire comprendre que j’ai compris. S’il m’incite à me taire, c’est qu’il y a une bonne raison. Les monstres rodent autour de nous, tels de vautours prêts à fondre sur leur proie dès que l’occasion se présentera. Nous ne devons pas la leur donner. Si c’est le cas, ils nous sépareront. C’est dans les règles du manoir après tout, ça les amuse. Mais pas moi.
Etre loin de Kyu Jung, c’est une épreuve bien trop difficile à endurer. Même pour jouer.
Alors je garde le silence, me contentant d’observer les traits inquiets de mon meilleur ami, au fur et à mesure que mes yeux s’accoutument à l’obscurité ambiante. Même avec cet air légèrement crispé, il arrive à avoir cette lueur particulière qui habille son regard. Est-ce qu’il sait combien de fois j’ai cru me perdre à cause de cette douce flamme qui crépite au fond de ses iris ? Elle a l’air tellement chaleureuse, tellement belle… Comment y résister, alors que la seule envie qui m’étreint est de m’en approcher toujours un peu plus afin de me laisser réchauffer par ses éclats. Doucement, je sens ses doigts glisser le long de mes lèvres, y laissant un faible sourire sur leur commissure. Le silence reprend sa place alors qu’autour de nous, ni les cris, ni les bruits de pas pressés ne semblent nous atteindre. Je pourrais bien faire une remarque sur le fait que nous nous trouvons l’un contre l’autre, dans une intimité très particulière, mais ce serait prendre le risque de faire éclater la bulle de calme dans lequel s’est enfermé mon cœur. Est-ce que plus rien ne peut nous atteindre ? Où sommes-nous déjà ? C’est à peine si je parviens à m’en souvenir alors que je m’abandonne complètement à la contemplation de chacune des expressions qui passent sur son visage. Je suis docilement ses yeux sombres alors qu’ils descendent vers ma bouche, où était disposée sa main quelque seconde auparavant. A quoi pense-t-il pour avoir mis un voile devant son regard ? Inévitablement, je l’imite, tombant sur la pulpe ronde de ses lèvres. Il ne me faut pas faire de grands efforts pour parvenir à me rappeler de leur sensation lorsqu’elles se posaient sur les miennes, passant d’une douceur insolente à une passion dévorante…
« C’était le dernier. » Pourquoi est-ce que cette simple phrase continue de me hanter, accompagnée du souvenir amer de son baiser. Je me sens tellement frustré, tellement en colère lorsque je pense que je n’ai pas pu en profiter. C’est vrai… Si l’on sait que l’on va partager le dernier baiser offert par une personne aimée, on voudrait pouvoir le rendre unique. De sorte à s’en souvenir pour l’éternité, l’un comme l’autre. Chaque détail devrait compter. De la façon dont mes mains se poseraient de chaque côté de sa nuque pour mieux le rapprocher, à celle qu’utiliserait ma langue pour le rendre fou et l’inciter à ne jamais me quitter. Ce devrait être l’échange de la dernière chance, celui qui laisserait un goût perpétuel sur le coin de ses lèvres. De sorte à ce qu’à chaque fois qu’il les poserait sur une autre personne, il ne puisse penser qu’à celui que je lui ai dédié. Un ultime contact emplie de sentiments qui voudrait dire bien plus que ce que l’on serait capable de prononcer avec des mots futiles et inutiles. C’est le baiser que j’aurais voulu partager avec Kyu Jung, si seulement j’avais su qu’il pensait me donner le dernier.
Mais après tout… Qui suis-je pour réclamer ? Je n’ai aucun droit de penser de cette façon.
C’est seulement lorsque le bout de son nez vient frôler le mien, que j’ouvre de grands yeux, reprenant conscience de la situation. Un pincement au cœur, je le laisse se reculer doucement, sachant parfaitement que c’est la meilleure chose à faire. Pour l’instant. Puis, c’est sans ajouter un mot qu’il s’empare de ma main, tournant la tête à l’opposé.
« Ils se sont éloignés, on va pouvoir sortir de là cette fois. »
Je fronce les sourcils, conscient qu’il évite de me regarder. Je ne suis même pas surpris de sa réaction finalement. C’est ce qu’il a toujours fait. Dès qu’il est gêné, ou qu’il sait qu’il a fait quelque chose qui pourrait éventuellement me faire du mal, il détourne les yeux. Alors, ce n’est pas que moi ? Je ressers ses doigts entre les miens, le tirant un peu pour que nos épaules se touchent alors que nous avançons à l’aveuglette. Qu’il sache… Que tout va bien.
Je suis là. Je ne te lâcherais pas.
~~
« Il était temps ! J’ai cru qu’on ne parviendrait jamais à sortir... » ajoute-je dans un soupir soulagé.
Le soleil agresse ma vue alors que je fais un premier pas à l’extérieur, mes yeux s’étant habitués aux ténèbres. Mais ça ne m’empêche pas de m’étirer longuement afin de faire passer les nombreux frissons que j’ai eu l’honneur de rencontrer dans l’enceinte de l’attraction. Que ce soit de peur, ou…Autre chose. Je ne peux retenir les regards en coins destinés à mon meilleur ami alors qu’il dévore son sandwich en me parlant de sa dernière affaire. A le voir ainsi, il pourrait presque paraitre insouciant. Comme si rien ne pouvait l’atteindre. Cette idée me plait, énormément.
« J'ai choisi le tir et la maison des horreurs, alors cette fois, c'est ton tour. Prends ce que tu veux. »
J’acquiesce avec un grand sourire avant de me faire un tour sur moi-même afin d’observer ce qui se trouve autour de nous, qui pourrait nous intéresser.
« Mmmh… » Après un dernier regard vers la carte, je relève la tête vers mon ami, souriant de toutes mes dents. « J’ai trouvé ! »
Il suit mon doigt alors que montre un endroit précis sur la carte, et sourit à son tour en hochant doucement la tête. De toute façon, il est clair qu’il ne saura pas me dire non. Après tout, il m’a dit de choisir, c’est ce que j’ai fait.
«Ah oui, c'est le truc des bûches ça, non ? On monte, monte, puis y'a une grande descente avec plein d'eau ? Exactement ! Ca te dit ?»
Après sa réponse positive, nous nous dirigeons vers la file d’attente qui est plutôt courte pour une attraction que je pensais plus populaire. Après tout, avec la chaleur d’aujourd’hui, les manèges à eau devraient être privilégiés. Peu importe, je ne vais pas m’en plaindre. La patience n’est pas ce qui caractérise le plus mon meilleur ami. Finalement, c’est après quelques minutes non comptées que l’homme en charge nous indique une buche afin d’y prendre place. Je laisse Kyu s’installer en premier, avant de m’y hisser à mon tour, m’asseyant entre ses longues jambes. C’est de la pure provocation, quand on sait que j’ai passé les dix dernières années à envier ces membres fins et musclés. Par simple esprit de vengeance, je ne peux empêcher une légère tape sur sa cuisse avant que l’ascension ne commence.
Aussitôt, je me sens attiré vers le fond et j’atterris le dos plaqué au torse de mon cadet. De telle sorte que je pourrais pratiquement sentir son cœur bondir contre mon échine. Un sourire prend place sur mes lèvres alors que je vais chercher ses mains afin qu’il puisse entourer ma taille avec force. Nullement dérangé par cette nouvelle position, je m’accroche d’avantage à ses bras, appréciant l’enlacement quelque peu forcé. Innocemment, je vais jusqu’à poser l’arrière de mon crâne dans le creux de son épaule. Son souffle quelque peu saccadé s’écrase sur le haut de mes cheveux, me chatouillant légèrement lorsque les mèches sur mon front remuent. Dire que je profite un peu trop de la situation, pourrait bien se révéler être la vérité. J’en viens presque à souhaiter que cette montée ne cesse jamais. Pourquoi ? Alors qu’il me prend enfin dans ses bras comme si plus rien ne pouvait l’en retenir ? J’en ai assez des barrières qu’il ne cesse d’hisser de plus en plus haut. Bientôt, il ne sera même plus capable de me trouver, derrière sa muraille…
Surement est-ce la solution, après tout.
Pourtant, lorsque nous arrivons au sommet, ce n’est plus moi qui retiens son emprise sur mes hanches. Il est de lui-même en train de les enserrer pour m’empêcher de glisser. Ou de m’éloigner. Comme si j’y pensais une seconde, alors que le vide me tend ses bras. Les yeux écarquillés, je sens notre wagon commencer à basculer bien trop lentement alors que l’excitation face au grand saut se fait ressentir jusqu’au bout de mes doigts. Néanmoins, c’est un tout autre frémissement qui se fait sentir dans mon cou. A l’endroit exact où Kyu a posé ses lèvres, une infime seconde. Or, je ne m’y attendais absolument pas. Le souffle coupé, non pas seulement à cause de la vitesse, j’en oublie de profiter pleinement de la descente. Ce n’est qu’une fois qu’une vague d’eau n’atterrisse brusquement sur nous que je redescends à mon tour. Eh bien, finalement, nous finissons bien plus trempés que ce que j’imaginais. Je lève les yeux, me tordant légèrement le cou pour observer le visage surpris de mon meilleur ami. Il semble s’être figé à l’instant où les retombées l’ont éclaboussé, et cette vision est juste hilarante. Aussi, sans attendre, je pars dans un fou rire qui a le don de le réanimer un peu. Il me pousse doucement afin de me faire sortir de la bûche et alors que je ris toujours en me tenant les côtes, il lève les yeux au ciel, sans pouvoir retenir son rictus en coin pour autant.
Et c'est alors que je me tourne vers lui que je remarque son air détaché, les yeux perdus dans le vide. J'hausse un sourcil, perdant l'éclat de mon fou rire pour n'y laisser que l'ombre effacée d'un sourire. Je n'apprécie pas tellement le voile qui masque son regard d'ordinaire animé par des éclats pétillants.
J'ignore ce à quoi il pense alors que dans ses iris, mais la pensée qui me frappe de plein fouet, alors que j'admire son visage égaré, elle, me laisse comme un goût amer qui s'écoule lentement dans ma gorge. Il ne me regarde pas, et pour une fois, je m'en sens plus rassuré qu'autre chose. Que dirait-il s'il voyait que j'ai moi aussi pris une expression crispée, alors que dans ma poitrine mon cœur semble s'être élancé dans une chute libre, sans la moindre chance d'atterrir intact.
Est-ce qu'il le sait, lui aussi ?
J’ai fait une erreur.
Il y a six ans, sur cette plage. J'ai fait la plus belle erreur de toute ma vie. J'ai beau essayer de le nier chaque jour depuis, il vient un moment où je ne pourrais qu'avouer. J'ai passé tant d'années à rejeter cette réalité, alors qu'elle est là, juste sous mes yeux. Je n'aurais pas dû partir à l'autre bout du monde dans l'espoir de trouver ce que j'avais d'ores et déjà sous le regard, ce depuis ma plus tendre enfance. Je le sais. C'est inscrit jusqu'au plus profond de mon être, à l'encre sombre et indélébile.
Pourquoi ce n'est pas toi ? Ca aurait dû être toi.
Comment suis-je censé agir, en sachant pertinemment que cette pensée ne me quittera pas ?
Et alors que nous nous éloignons tranquillement de l'attraction, je tente tant bien que mal de me changer les idées en parlant. De tout. De rien. De n'importe quoi. Tant que le silence ne revient pas oppresser mon esprit dans une boite trop serrée, trop sombre. Je secoue vivement la tête, chassant par la même occasion les gouttes d'eau qui se sont glissées dans mes cheveux bordeaux. Je vais même jusqu'à passer une main dans les mèches trempées afin de les séparer de mon visage où l'humidité les avait fait s'y installer. Clignant des yeux pour ôter les perles de mes cils, je me tourne vers mon meilleur ami qui ne répond pas à mes moqueries. Pourquoi ne dit-il rien alors qu'il doit bien sentir que j'ai besoin qu'il dise quelque chose, n'importe quoi, tant qu'il parvient à m'enlever cette idée de la tête. Avant que je ne m'y accroche totalement.
Seulement, mon regard se perd dans le sien. Comme hypnotisé, il m'admire avec une lueur que je ne lui avais encore jamais aperçu. Je fronce les sourcils, voyant parfaitement les gouttes d'eau rebelles qui se sont infiltrées dans sa chevelure d'argent. Ces pauvres gouttes d'eau qui n'ont rien demandé mais qui se retrouvent prisonnières de ma vue, sans que je puisse me résoudre à m'en détacher. Cette vision seule suffit à me frapper de plein fouet. Depuis quand, bon dieu, depuis quand est-il aussi beau ? Est-il seulement réel, juste devant moi ? Je n'aurais qu'à tendre le bras pour m'en assurer, et pourtant, mes membres semblent engourdis à la simple idée de le bouger.
Ce qui ne paraît pas être son cas.
Je sursaute légèrement en sentant le dos de son index venir caresser ma joue avec une douceur qui m'arrache un battement de cœur. Des frissons incontrôlés se développent le long de mon visage alors que je peine à ne pas pencher la tête pour approfondir d'avantage ce simple contact. Pourquoi... Pourquoi j'ai soudainement besoin de plus. Alors que je relève le regard, nos yeux se croisent aussitôt, et s'accrochent. Cette fois, j'en ai même le souffle coupé. Je ne crois pas me souvenir avoir déjà été regardé de cette façon. Une telle lueur dans le regard, capable de me priver d'air, c'est bien trop grisant. Je pourrais bien faire un pas en arrière, tant la peur de me brûler les ailes avec l'étincelle qui brille au fond de ses iris paraît être aussi puissante qu'emplie de chaleur. Mais je ne bouge pas, pas d'un seul infime millimètre.
Je me souviens avoir pensé, un jour, que quelqu'un pourrait m'admirer ainsi... Ce jour-là, je me suis promis de ne jamais quitter la personne qui serait capable de poser ses yeux sur moi de cette façon, pourvu d'un tel éclat... Car, c'est le reflet parfait de l'amour.
Je ne serais jamais pleinement heureux.
Pas sans toi.
C’est une certitude qui m’effraie, me donnant jusqu’à l’envie de m’isoler, recroqueviller au fond de ma couette. Que vais-je devenir, s'il n'est plus là ? Si je cède réellement à quelqu'un d'autre sa place... Non. Ca. Ça n'arrivera jamais. Jamais. Je ressens soudainement l'envie de m'accrocher à lui, de le supplier de ne surtout pas me lâcher car sans lui, la chute serait bien trop rude et violente pour que je pense à y survivre. Sans lui, je ne suis plus rien. Est-ce qu'il en a seulement conscience? J'ai besoin de son souffle contre mon cou, de le sentir derrière moi quoiqu'il arrive, de savoir qu'il m'observe même de loin, qu'il sera toujours là pour veiller à ce que tout aille pour le mieux, de son rire qui me donne toujours un peu plus de courage, de tout ces petits détails qui font qu'il est exceptionnel.
Unique.
Ahn Ryu Jeong ne peut exister qu'aux côtés de Choi Kyu Jung.
Ne me laisse pas.
Il rompt enfin le contact visuel, me rendant par la même occasion le souffle qui commençait à me manquer. Je le vois secouer la tête, alors que de mon côté, je ne peux empêcher ma main d’aller frôler l’emplacement douloureux sous lequel se trouve mon cœur. A mon tour, je détourne les yeux, préférant me concentrer sur les foules alentours dans l’espoir de récupérer un peu d’esprit pour tenir la fin de la journée. Ce n’est que lorsque sa voix me rappelle à l’ordre, que je tourne de nouveau mon attention vers lui, observant ce qu’il désigne avec un doux sourire.
« On essaie ? Le soleil va se coucher, on aura une super vue comme ça. »
Au loin se dessine la silhouette majestueuse d’une grande roue. Haute et imposante, elle se détache de toutes les autres attractions comme si elle nous appelait d’ores et déjà à la rejoindre.
« Avec plaisir. » souffle-je avant de sourire.
A mon côté, Kyu s’étire longuement, dévoilant un bout de peau blanche. Je lève les yeux au ciel, me retenant péniblement de ne pas l’observer avec plus d’attention. Il le fait exprès ? Comme si sa tenue n’était pas assez provocante à mes yeux. Et le voilà qui hôte sa veste en la secouant légèrement…
« Si tu tenais tant que ça à te déshabiller, suffisait de demander. » marmonne-je.
Il m’adresse un petit sourire avant de commencer à marcher en direction de la grande roue.
« On se séchera un peu en chemin. »
~~
Je pose un pied dans l'habitacle de verre, la sentant tanguer légèrement alors que je me glisse jusqu'à la petite banquette. A peine installé, je sens Kyu s'installer à mes côtés, refermant la porte derrière lui. Impatient à l'idée de voir l'ensemble du parc s'étaler sous mes yeux, je trépigne doucement sur place, sautillant alors que ma main rencontre celle de mon meilleur ami. Inconsciemment, j'entremêle nos doigts alors que mon regard s'élance vers les nombreux manèges qui nous entoure. D'ici quelques minutes, nous serons tout là-haut, à les admirer alors qu'ils deviendront bien plus petits.
Alors que la roue se remet doucement en marche, commençant sa longue montée, je m'approche un peu plus de la vitre jusqu'à y coller mon front. Avec de grands yeux, je regarde le sol s'éloigner délicatement au fur et à mesure que nous prenons de la hauteur. J'observe les personnes qui attendent patiemment dans la file au pied de l'attraction devenir de plus en plus petites, jusqu'à ressembler à une masse sombre et mouvante. D'un coup, je me sens devenir aussi ridicule que ces silhouettes que j'aperçois au bas. Le monde est vaste, impressionnant, et je ne suis qu'un grain parmi un ensemble de choses qui le constelle. J'ai souvent eu cette impression durant mes voyages, mais elle ne devient que plus forte lorsque je prends de la hauteur et que je me rends compte que tout est bien plus immense que ce que l'on imagine. C'est comme lorsqu'on nous dit de prendre du recul pour avoir une vue plus claire et moins obstruée par nos pensées.
Je me tourne vers le décoloré décidément bien silencieux depuis la sortie de notre précédent manège. Pourtant, ce n'est pas comme s'il était en train de faire la tête de son côté, déjà parce qu'il en est incapable, ensuite parce qu'il a le regard dirigé vers moi. Je voulais lui faire part de ma sensation en lui montrant ce que je vois, mais finalement, les mots s'effacent lentement alors que je me perds dans l'éclat qu'a pris ses pupilles. Si le fait de prendre de la hauteur me fait me sentir insignifiant, me retrouver sous les yeux sombres mais étincelants de Choi Kyu Jung, me fait me sentir bien plus vivant. Je peux presque sentir couler le sang dans mes veines, jusqu'à aller colorer mes joues d'un rouge pâle. Rares sont les fois où je me mets à rougir, mais aujourd'hui... Aujourd'hui, quelque chose est différent. Dans l'atmosphère qui règne entre nous, rendant l'air plus palpable, plus lourd sans pour autant devenir gênant. Dans sa façon de me toucher, de me parler ou même de me regarder, qui n'a rien d'habituelle.
« Tu crois que c'est en m'observant, moi, que tu vas profiter de la vue? » demande-je avec un sourire en coin.
Tirant lentement sur sa main, je le ramène vers moi, attrapant son menton de mes doigts libres. Avec douceur, je lui tourne la tête de sorte à ce que son regard ne se dirige plus vers moi, mais vers la vue exceptionnelle que nous avons d'ores et déjà sur le parc.
« Regarde Kyun'ah... » souffle-je en lui montrant le ciel qui commence déjà à prendre une jolie teinte chaude. « Ce serait dommage de rater un tel spectacle, non? »
Alors que nous atteignons enfin le sommet de la roue, et que le soleil fait son timide en rougissant derrière l'horizon, je me laisse quelques secondes pour inspirer et profiter de cet instant. Si rare, si calme. Il n'y a qu'en sa compagnie que je garde cette impression que plus rien ne peut m'atteindre. Est-ce que le monde existe réellement en bas? Si c'est ça, je suis pour l'idée de passer le rester de ma vie dans cette bulle de verre, avec lui.
«Tu sais... Je suis vraiment content que tu m'aies emmené ici, aujourd'hui. » souris-je en lui serrant les doigts entre les miens. «Merci. »
Pourtant, lorsque ce sont mes yeux qui quittent les couleurs orangées qui s'étalent au-dessus des formes ombrées pour se tourner vers le visage de mon meilleur ami, j'en oublie un instant l'endroit où nous nous trouvons. Mon regard tombe lentement sur son profil, alors qu'il se perd dans la contemplation de ce qu'il y a à nos pieds. Les nuages aux teintes d'été se reflètent dans ses pupilles, les éclaircissant d'avantage et leur donnant un aspect doré que je ne lui avais encore jamais vu. Je devine son sourire rien qu'en apercevant les marques discrètes qui ornent le coin de ses yeux, ce qui ne manque pas de me faire sourire à mon tour. Mais, un tout autre rictus. Si lui est captivé par la vue d'ensemble qui s'étale face à notre cabine, je ne peux me résoudre à me détacher de ce visage aux traits bien loin d'être aussi enfantins que ce que je garde dans mon souvenir. Ce n'est pas faute d'essayer de me faire à l'idée pourtant. Il a grandit. Nous avons grandit. Il y a quelques années, ce jour-même où nos corps n'ont plus fait qu'un dans une liaison parfaite, il me semblait si différent. Le temps a laissé des traces sur sa peau blanche, la durcissant légèrement pour lui laisser la chance d'avoir l'air un peu plus adulte et mature. Ce qui est plutôt réussi dans le cas de Choi Kyu Jung. Il est beau. Est-ce que quelqu'un lui a déjà avouer à quel point il peut être beau ? Même l'ossature de son visage, auparavant si lisse et douce, a pris la forme d'un homme. Sa mâchoire est d'autant plus prononcée, ne demandant presque qu'à être dévorée de baisers. Elle suit une ligne idéal, jusqu'à ce menton qui pourrait tout aussi bien être malmené si seulement on m'en laissait le soin. Cette chair saurait appréciée d'être rougie sous les douces morsures que je lui affligerais. Je me souviens de cette goutte, qui parcourait sa peau quelques instants auparavant, partant de sa tempe puis glissant le long de sa mâchoire, jusqu'à venir narguer sa pomme d'Adam. Pendant une seconde, je me laisse imaginer l'effet que cela lui ferait, si ma langue avait été à la place de cette perle d'eau.
Si seulement.
Lentement, sans même m'en rendre compte, je me suis rapproché de lui. A tel point que mon souffle ricoche contre sa peau, me rappelant à l'ordre. Trop obnubilé par la sensation que pourrait avoir sa peau contre mes lèvres, j'en oublie toutes les règles de distance que sont censés respecter des meilleurs amis. Mais à quoi bon nier l'évidence? Nous sommes bel et bien atypiques. Puis c'est lui qui a commencé, à me dévorer du regard comme il le fait... C'est bien trop tentant. Ce n'est que lorsque mon nez frôle cette mâchoire qui quelques secondes plus tôt me faisait doucement rêver, que je comprends ce que je suis en train de faire. Je cligne des yeux, soudainement conscient du corps plus tendu de mon cadet, puis lentement, je les relève vers son regard qui n'est plus perdu vers l'horizon.
«Désolé... » chuchote-je avant de me redresser. «Je dirais bien que tu avais une poussière sur l'épaule, mais j'y perdrais ma crédibilité. »
Ce n'est pas la gêne d'avoir été surpris en train de me pencher vers mon cadet qui me fait détourner obstinément le regard, c'est l'impression d'avoir dépassé une limite que je n'aurais pas dû franchir. Pourtant... Pourtant, je n'en suis que plus frustré.
Les dix bonnes minutes restantes de l'attraction se déroule dans le silence. Ni lui, ni moi, n'osons prendre la parole. Parfois, les mots sont inutiles. Seuls les regards que nous échangions en coin ont réellement leur importance, après tout. Que dire de plus? S'il y avait des termes appropriés pour décrire la situation dans laquelle nous nous retrouvons, je ne suis pas certain que l'un de nous aurait le courage de les prononcer.
Ca vaut peut-être mieux ainsi, après tout.
Cependant, jusqu'à la fin alors que nous descendons péniblement de la cabine de verre, je garde ses doigts emmêlés aux miens, priant doucement pour qu'ils ne s'en écarte pas. Cette chaleur contre ma paume, j'en suis devenu dépendant.
~~
Laissant Kyu Jung se débrouiller avec la carte afin de trouver où il pourrait bien se faire offrir une gaufre au chocolat avec un énorme supplément de chantilly, je déambule doucement autour de lui tout en observant ce qui nous entoure. Dire qu'il y a quelques heures, la situation était inversée et il se moquait de mon incapacité à lire cette carte. Mon regard s'arrête un instant sur son visage concentré, les sourcils légèrement froncés alors qu'il cligne des yeux à plusieurs reprises. Cette expression me rappelle vaguement la façon qu'il avait de réfléchir sur les équations lorsque nous étions au lycée, avec son stylo qui voltigeait doucement entre ses doigts, que je ne pouvait décidément pas quitter des yeux, comme l'un de ses pendules hypnotisant. Puis je m'en détache, tant bien que mal, continuant ma découverte visuelle.
Jusqu'à ce que je ne tombe sur cette tente aux couleurs nocturnes. Penchant la tête, j'aperçois le petit écriteau qui m'arrache un immense sourire.
Une voyante.
« S’il te plait ! » Je m’accroche un peu plus au bras de mon meilleur ami, l’entrainant presque de force jusqu’à la petite tente. « Kyun’ah ! S’il te plait ! »
Il secoue la tête, assurant que ce ne sont que des bêtises et que ça ne sert strictement à rien de perdre son temps avec ça. Je souffle, serrant d’avantage ma prise dans l’espoir de lui faire entendre raison. Je sais parfaitement qu’il est trop cartésien pour croire à de telles sornettes. Il sera même le premier à rire devant la boule de cristal, ce qui risquerait de gâcher tout l’effet de la diseuse de bonne aventure. C’est l’une de nos différences flagrantes. Si je suis le premier à croire en des choses aussi futiles qu’un horoscope, lui ne verra que des balivernes racontées pour les naïfs. Après tout, il est ma part de réalité. Celui qui me remet les pieds sur terre et m’empêche de m’envoler un peu trop loin dans les étoiles.
« Fais le pour moi… S’il te plaaaaaait… » lance-je dans un dernier espoir en faisant la moue.
Son expression se modifie instantanément en une moue que je juge particulièrement adorable. Doucement, il se mord la lèvre alors que ses yeux se mettent à briller d'une lueur impitoyable. Il plisse les paupières, grimaçant légèrement. S’il fait cette tête là, c’est qu’il va craquer. Je le connais par cœur.
Puis il détourne le regard, levant les yeux au ciel avant de lâcher un soupir qui lui vient du fond du cœur.
J’ai gagné. Je le sais déjà.
Et c'est sautillant, tirant la main de mon meilleur ami derrière moi que je l’entraîne vers la petite tente violacée.
« Soyez-les bienvenus mes enfants… »
Je la salue à mon tour, donnant un coup à mon cadet pour qu’il fasse au moins l’effort de la saluer. L’intérieur de la tente est toute aussi étroite que laissait supposer l’extérieur. Pourtant l’atmosphère qui y règne me semble particulièrement agréable. Dans des teintes mauves, avec la lumière du soleil tamisée par la toile, je n’ai aucun mal à me trouver dans l’ambiance de liseur d’avenir. Evidemment, un boule de cristal est installée au coin de l’unique petite table, mais elle ne semble pas s’en préoccuper, puisqu’en nous voyant entrer, elle a aussitôt pris un jeu de carte.
La voyante a un âge incertain, mais très certainement avancé. De nombreuses rides décorent sa peau blanche, à l’image de sa chevelure d’argent attachée en une longue natte sur le côté. Elle devait être vraiment jolie dans sa jeunesse. Elle dégage même un sentiment assez intrigant, autant que puissant lorsque ses grands yeux ténébreux se posent sur nous, déclenchant des frissons le long de mon échine.
« Tais-toi… » chuchote-je à l’encontre de mon meilleur ami qui ne peut s’empêcher de glisser des remarques alors que la vieille dame tire son jeu de carte de son sachet en nous observant.
Je lui souris doucement, souhaitant faire pardonner l’attitude de Kyu Jung. En vue du léger rictus au coin de ses lèvres ridées, elle en a l’habitude.
« Ce tatouage que vous avez jeune homme… Il a une grande signification, n’est-ce pas ? »
J’écarquille les yeux, suivant ceux de la voyante pour tomber sur le visage étonné de mon cadet. Il ne faut que quelques secondes pour que ses joues ne prennent une jolie couleur rouge. Il me lance un coup d’œil rapide, avant de détourner la tête comme si me voir risquait de le brûler. J’arque un sourcil en l’observant malgré le fait évident que lui cherche à éviter mon regard perçant. Depuis quand exactement a-t-il un tatouage ? Je n’en ai pas vu l’ombre depuis que je le connais. D’aussi loin que je me souvienne, sa peau était lisse et blanche sous mes doigts.
« … Quel tatouage ? Tu as un tatouage, toi ? » demande-je finalement au bout d’un moment de silence.
Il hausse les épaules, marmonnant une réponse qui ne me satisfait pas tellement. Très bien Choi, fait des cachoteries à ton meilleur ami si ça t’amuse, tu sais très bien que je finirais par découvrir la vérité. Au moins, la remarque de la diseuse de bonne aventure a eu le don de le calmer sur ses remarques acerbes, et désormais, il se tient droit devant elle, plus enclin à écouter ses prévisions.
Elle a donc vu juste.
« Si je peux me permettre, » continua-t-elle en direction de mon ami, tout en continuant de mélanger les cartes entre ses longs doigts. «Vous ne devriez pas garder autant de mots en vous. Vous n’avez jamais pensé à les dire à voix haute ? Peut-être que le résultat ne sera pas celui auquel vous vous attendez ? »
Elle étala le paquet devant elle, l’étirant le long de la table afin que nous puissions en tirer des cartes sans encombre. De son côté, Kyu Jung ne fait pas vraiment le fier, continuant de nier en murmurant qu’il ne voit pas du tout de quoi elle peut bien parler. Il ment. Je sais toujours quand il ment. Il a une multitude de tics en tout genre pour le prouver, il ne s’en rend même pas compte. Le léger soulèvement de son sourcil gauche, le plissement de son nez, la morsure de sa lèvre inférieure par exemple. Ou la façon qu'il a d'obstinément éviter mon regard, comme si le mur de toile était plus intéressant. Que de preuves sur le mensonge de Choi Kyu Jung. De le connaître aussi bien, de le savoir... C’est frustrant.
« De quoi avez vous peur, jeune homme ? La seule erreur que vous pourriez faire, est de passer à côté du grand amour. » finit-elle, observant mon meilleur ami par-dessus ses lunettes. « Votre grand amour. »
Son grand amour? De nouveau, je me tourne vers lui, essayant de paraître le plus impassible possible alors qu'intérieurement, mon coeur a recommencé sa course folle dans ma poitrine. Quel est donc ce grand amour dont parle une parfaite inconnue et dont j'ignore l'existence? Une intense brûlure commence doucement à ronger mon estomac alors que mes poings se serrent sur mes hanches. Décidément, je ne me reconnais pas. N'étais-je pas en train de lui souhaiter bonne chance, il y a quelques semaines alors qu'il me racontait son histoire avec cette lycéenne qui était parvenue à le charmer suffisamment pour qu'il en vienne à douter de cette sexualité dont il est était pourtant fier? Et voilà qu'aujourd'hui, je fronce les sourcils devant une voyante qui parle d'un grand amour à l'intention de mon ami.
Ca ne me plaît pas.
« Et qui est donc, ton grand amour Kyun'ah? »
Ca devrait être moi.
Choqué par ma propre pensée, je secoue la tête, faisant automatiquement un pas en arrière. N'importe quoi Ahn Ryu Jeong. Tu racontes, vraiment, n'importe quoi.
Puis devant le silence obstiné de mon cadet, elle affiche un faible rictus amusé. Apparemment, il ne faut pas chercher des problèmes à cette voyante, elle a largement de quoi répliquer. Ce à quoi ne s'attendait certainement pas mon ami en entrant ici. Il pensait sûrement pouvoir se moquer ouvertement des devinettes de la vieille dame, mais ne s'attendait pas à se retrouver face à des prédictions qui lui glacent le sang. Cela pourrait bien me faire rire, si seulement je n'avais pas en tête cette étrange discussion qui ne semblait pas avoir de sens. Je me contente de rouler des yeux avant de me tourner vers la voyante qui m'observe de ses grands yeux bruns.
Doucement, elle me montre les cartes étalées face à elle.
« Tirez cinq cartes, je vous prie. »
« Invité »Invité
Sujet: Re: Just for today, forget everything else. Mer 4 Juin - 0:56
~~
J'inspire, alors que nous nous trouvons enfin dans la bulle de verre qui commence déjà à monter. Je mentirais en disant que je ne suis pas nerveux. Non pas à cause de la hauteur ou de l'altitude, je n'ai aucun malaise avec ce genre de chose. Mais le fait de me savoir enfermé dans un tel espace, seul avec celui qui occupe chacune de mes pensées, nuit et jours...Ça me rend légèrement nerveux.
Pourtant, cette impression est rapidement balayée par l'attitude de mon meilleur ami. Il est tellement joyeux et insouciant, sautillant presque sur place à l'idée de voir tout le parc vu d'en haut, que je me détends.
Il est vraiment adorable.
Mes doigts serrent tendrement les siens, alors que je lui rends son sourire, ravi de le voir si heureux. La roue commence doucement à tourner, et nous montons, lentement mais sûrement pour nous offrir une vue bien plus exceptionnelle que celle dont nous avons l'habitude, les pieds ancrés sur le sol. Ryu dévore le monde de ses yeux pétillants, tout guilleret de voir les gens d'en bas devenir aussi petits que des grains de riz, au fur et à mesure. Pour ma part, j'ai bien du mal à regarder ailleurs que son visage, si expressif. J'ignore ce à quoi il peut bien penser, mais il a l'air si heureux, en cet instant, que je me mets à souhaiter que ce moment dure le plus longtemps possible, afin de le voir sourire de cette manière indéfiniment. Malheureusement, ma douce contemplation prend fin, quand Ryu se tourne enfin vers moi. Il semblait sur le point de prendre la parole, mais les mots de meurent peu à peu dans sa gorge, comme surpris de me découvrir.
Je crois que je suis grillé.
J'essaie de reprendre contenance, faire semblant que non, je n'étais pas en train de le dévorer littéralement des yeux...Mais ces derniers s'écarquillent de surprise, face à l'expression de Ryu. Et des ses joues, ayant prit une couleur adorablement rose.
Ahn Ryu Jeong ne rougit pourtant jamais.
Mon coeur tressaute joliment, comme en proie à de nouvelles étincelles encore inconnues jusqu'à lors. C'est moi...Qui le fait rougir comme ça ? Qui lui fait...Un tel effet ? Je serre les poings contre mes genoux, luttant férocement avec moi-même pour ne pas me saisir de ses lèvres dans la seconde suivante. Trop tentant. Il est beaucoup trop tentant, trop adorable pour son propre bien... Il doit le sentir, n'est-ce pas ? Que je ne le dévisage pas de la même manière que d’habitude.
« Tu crois que c'est en m'observant, moi, que tu vas profiter de la vue? - ...C'est le seul spectacle qui en vaut la peine... » marmonne-je entre mes dents.
Qu'est-ce que ce que disais.
Je n'ai pas le temps d'en dire plus, que les doigts de mon meilleur ami se saisissent de mon visage pour le tourner avec délicatesse vers la vue devant nous.
« Regarde Kyun'ah... » Mon coeur se tort douloureusement une nouvelle fois, sensible rien qu'à l'entente de ce surnom dont j'ai pourtant l'habitude depuis l'enfance « Ce serait dommage de rater un tel spectacle, non? »
Alors que nous arrivons au sommet de la roue, et que celle-ci s’immobilise un instant pour nous laisser le temps de profiter de la vue, je remarque que le soleil commence doucement à se coucher, rendant le ciel bleu plus orangé et chaleureux. Tout est si calme et agréable...Sommes-nous obligé de redescendre de ce nuage ? J'ai pourtant tout ce qu'il me faut, ici, en cet instant.
«Tu sais... Je suis vraiment content que tu m'aies emmené ici, aujourd'hui. Merci. »
Je ne peux que sourire, en entendant ses mots s'adressant à moi de façon si douce, comme une caresse contre ma peau. Le plus heureux de nous deux, actuellement, c'est sans doute moi...
« Je te l'avais promis. Je tiens toujours mes promesses. »
Surtout, quand elles sont pour toi. Je recommence doucement à tourner la tête, observant le paysage au travers de la vitre transparente. La faible lumière du soleil caresse gentiment mon visage, et pour la première fois depuis longtemps, je me sens totalement apaisé. Comme si le temps s'était arrêté pour nous, nous laissant un peu de répit, à l'un comme à l'autre. Ensemble, dans cette bulle de verre qui me donne l'agréable impression d'être inatteignable. Un petit sourire maquille le coin de mes lèvres, alors que mes yeux redessinent les contours des attractions, un peu plus bas. La vue est en effet exceptionnelle, et je ne regrette pas ce petit tour. Pourtant, au fur et à mesure, je sens peu à peu le regard de Ryu me brûler, suivant la ligne de ma mâchoire en remontant lentement. Ma température corporelle grimpe doucement, animé par une douce chaleur qui m'envahit comme à chaque fois que Ryu me touche. C'est lorsque son souffle brûlant contre ma peau m'arrache un frisson des plus agréable, que je parviens à trouver le courage d'oser tourner la tête pour croiser son regard.
Proche.
Si proche qu'il me suffirait d'inspirer, pour que nos lèvres se frôlent. Est-ce pour cette raison, que j'ai cessé de respirer ? Ses yeux de velours sombres plonge dans les miens, et mon coeur manque de chuter violemment lorsque le bout de son nez effleure ma mâchoire. Il cligne des yeux, de la même façon dont j'ai l'habitude de le faire, comme s'il venait de se reconnecter à la réalité, tout d'un coup. Il se redresse, mettant alors une soudaine distance qui ne me plait plus. Je me retiens à grand peine de l’attraper pour le serrer contre moi, préférant l'interroger silencieusement du regard quant à son attitude un peu étrange.
«Désolé... »
Je souffle faiblement, tentant de calmer le rythme saccadé de mon coeur en proie à un arrêt cardiaque précoce :
«Je dirais bien que tu avais une poussière sur l'épaule, mais j'y perdrais ma crédibilité. »
Je ne te le fais pas dire.
Je lève néanmoins mes yeux interrogateurs vers Ryu, alors que celui-ci détourne les yeux, observant à nouveau au dehors sans un mot de plus. En me laissant une nouvelle fois dans une marre d'interrogations qui ne trouveront pas de réponses.
C'est en silence que l'attraction se termine, uniquement ponctuée par nos regards en coin. J'ignore totalement pourquoi l'ambiance est si...Différente, entre nous, tout d'un coup. Mais ce que je sais, c'est que je ne veux pas y réfléchir trop longtemps. Sans doute parce qu'une fois encore, je suis effrayé par la tournure des évènements. Malgré ça, pas une fois, je ne desserre mes doigts de ceux de Ryu, alors que nous quittons enfin l'habitacle de verre.
~~
« Je finirais bien par le trouver... »
Dix minutes. Ça fait dix minutes que Ryu m'a promis cette gaufre avec plein de chantilly, si je trouvais un stand qui en vendait. Mais, mon dieu, cette carte est vraiment mal faite ! Impossible de se repérer là-dessus. Le problème ne vient clairement par de moi. Je fronce les sourcils en observant les traits que compose le papier que je tiens, tout en tentant de situer l'endroit où nous nous trouvons. Cependant, avant même de pouvoir continuer mon avancer, Ryu me stoppe, tout en me lançant un regard de chiot, que je juge absolument craquant :
« S’il te plait ! »
Je cligne des yeux, surpris de trouver la voix de Ryu terriblement mignonne, en cet instant. Qu'est-ce qu'il me fait, là ? J'hausse un sourcil en le voyant s'accrocher désespérément à moi, tout en me tirant vers une grand tente sombre qui ressemble ni plus ni moins à l'antre d'une diseuse de bonne aventure.
« Kyun’ah ! S’il te plait ! »
Ne sois pas si mignon en me demandant une chose pareille.
« Ryu, ce sont des bêtises, il ne faut pas croire tout ce qu'on raconte. Ce ne sera qu'une perte de temps, et tu vas ressortir de là très déçu, crois-moi. »
Pourtant, Ryu refuse d'entendre raison, et continue de s'agripper à moi. Personnellement, je ne crois pas en ce genre de chose. Je sais bien que certaines choses dépasse la raison, il suffit de savoir que mon meilleur ami ne peut survivre qu'en recevant le baiser d'un de ses semblables toutes les 18h en moyenne. Mais les voyantes...Non. Ce sont des sornettes, un monceau d’âneries montées de toutes pièces par des jeux d'acteurs bien rodés et des clients naïfs, voilà tout. Pas question de faire partie de ceux-là, d'ailleurs. Du moins, c'était là mon idée. C'était sans compter l'insistance de Ryu Jeong :
« Fais le pour moi… S’il te plaaaaaait… »
Fourbe.
Ahn Ryu Jeong à toujours su me manipuler à la perfection. Il est tellement adorable, comment suis-je censé pouvoir résister à ça, moi ? A cet instant, il a gagné, et nous le savons tous les deux. Je me mords la lèvre, torturé entre mon envie de m'éloigner de cet endroit et le désir de lui faire plaisir, et de le voir avec son sourire éblouissant. Je grimace, avant de soupirer en levant les yeux au ciel :
« Faut vraiment avoir du temps à perdre...Hm. 'Te suis... »
Automatiquement, un sourire lumineux accueille mes mots, si bien que mon coeur en sursaute. Dieu. Comment peut-il posséder un sourire aussi beau... Sautillant, le grand gamin qui m'accompagne tire sur ma main pour me forcer à la suivre, munie de la meilleure volonté du monde. Pourquoi suis-je aussi faible, bon sang...
« Soyez-les bienvenus mes enfants… - Trop aimable... »
Je grommelle un peu, me demandant pour la quatrième fois ce que je fiche ici, avant de grogner en sentant le coup de coude de Ryu contre mes côtes. e lance un sourire forcé, et je dois l'admettre, un peu moqueur à l'encontre de notre hôte, persuadé d'avoir un charlatan en face de moi. Si les voyantes avaient de véritables pouvoirs, ça se saurait. Mes yeux s'attardent un peu sur l'intérieur, observant les décors tirant sur des violets un peu mystiques. Je retiens un rictus en remarquant la petite boule de cristal sur la table. Elle voit des images de l'avenir avec ça ? Ridicule... Pourtant, à mon grand étonnement, ses doigts s'intéressent plutôt à une jeu de cartes, qu'elle mélange aussitôt d'un geste sûr. Je ne peux m'empêcher d'essayer de deviner l'âge de cette femme, sans y parvenir. Impossible à dire, avec ses cheveux argentés noués, et ses lunettes. Mais ce qui est certain, c'est qu'elle a de la prestance. Pourtant, en la voyant avec ses accessoires, je ne peux m'empêcher de souffler à l'intention de mon meilleur ami :
« C'est idiot, ces trucs-là, c'est toujours du pur hasard... - Tais-toi… »
Je lève les yeux au ciel, au chuchotement de mon ami, et me force à me taire alors qu'il tente de faire pardonner mon attitude, d'un joli sourire envers la vieille dame devant nous. Étrangement, je ne présage rien de bon en apercevant son petit rictus du coin des lèvres. Et effectivement, c'est moi qu'elle observe en premier, avant de souffler d'un ton sans égal :
« Ce tatouage que vous avez jeune homme… Il a une grande signification, n’est-ce pas ? »
J’écarquille les yeux, les plongeant dans ceux, calmes, de la voyante. Mon...Mon tatouage ? Comment s'est-elle que j'en ai un, de tatouage ? Il n'y a que deux personnes, qui l'ont vus. Deux personnes, qui savent qu'il est là, présent sur ma peau. Même mes propres parents ignorent son existence. Et personne ne sait quelle signification, quelle importance il a pour moi. Personne. Et elle...Cette femme sortie de nulle part...? Je souffle faiblement, baissant les paupières un instant. Mes joues chauffent doucement mais sûrement, ayant l'impression que mon meilleur ami peut comprendre à tout instant, de quoi il en retourne. ose à peine le regarder, tournant immédiatement la tête. Je devine sans difficulté les pesées qui doivent l'assaillir en cet instant. "Depuis quand a-t-il un tatouage, cet idiot ?"
« … Quel tatouage ? Tu as un tatouage, toi ? »
Je déglutit faiblement, en entendant sa question. Mon tatouage ? Si je ne lui en ai pas parlé, c'est que j'ai mes raisons. Ce tatouage, est un symbole pour moi. Celui des sentiments sur lesquels j'ai pu mettre un nom, le jour où il a quitté Busan. Sur cette même plage, j'ai pris cette décision, comme si, dans un coin de ma tête, j'y avais toujours pensé. Mais je me voyais très mal débarquer en lui disant "Hey, tu sais quoi ? Je me suis tatoué ton prénom !" Écrire "je suis totalement fou de toi, Ryu Jeong" sur mon front aurait été moins efficace. Je me mords les lèvres, et hausse faiblement les épaules :
« Ouais...Mais j'avais pas trop l'occasion d'en parler, c'est tout. »
Je devine au regard de Ryu, que ma réponse ne lui plait pas du tout. Son expression de défie me souffle qu'il finira, d'une manière ou d'une autre, par le voir. Ce jour-là, je disparaitrais immédiatement dans un trou de souris, autant que ma taille de girafe puisse me le permettre. Rapidement, je me reconcentre sur la diseuse de bonne aventure, -quand bien même l'aventure soit bonne parce que là, c'est mal parti- alors qu'elle reprend à mon attention :
« Si je peux me permettre, vous ne devriez pas garder autant de mots en vous. Vous n’avez jamais pensé à les dire à voix haute ? Peut-être que le résultat ne sera pas celui auquel vous vous attendez ? »
Pardon ?
J'arque un sourcil, sans quitter des yeux cette femme dont je suis incapable de donner un âge. Garder autant de mots en moi ? Les dire à voix haute ? Comment peut-elle oser me conseiller de telles choses ? Elle ne sait pas. Elle ne sait rien de moi. Elle ignore totalement de quoi elle parle. Les dire à voix haute, et tout détruire ? Hors de question. Le résultat ? Je ne m'attends pas à grand-chose, de toute façon. Elle se permet trop de libertés.
« Vous n’avez jamais pensé à les dire à voix haute ? »
Je serre doucement les poings, me remémorant ses mots dans mon esprit. Si j'y ai pensé ? Oui. Lui dire à voix haute, un nombre incalculable de fois. J'ai voulu le faire, à chaque fois que nos regards se sont croisés. Parce que je le sais, que ça me soulagerait de le faire. De ne plus avoir à sentir, ce poids écrasant mon pauvre coeur à chaque fois qu'il me sourit, et qu'il m'effleure. Je mure mes sentiments dans mon silence, à chaque fois qu'il susurre mon prénom. « Kyun'ah... » Je m'arracherais un bras pour lui dire tous les mots qui sont en moi, qui me brûle les lèvres et écorche ma peau. Son simple toucher me suffit à perdre la raison, me poussant contre les murailles qui retienne ma folie. Je l'aime de toutes mes forces, et plus de fois qu'il n'y ait d'étoiles dans le ciel, j'ai rêvé de hurler ces mots au monde entier.
Choi Kyu Jung n'existe qu'aux côtés d'Ahn Ryu Jeong. Parce qu'il en est tout simplement fou amoureux. Il n'existe pas d'autres vérités que celle-ci.
Lentement, je grogne un peu pour moi-même, et me mords faiblement la lèvre, loin de faire autant le fier qu'il y a cinq minutes :
« Je ne vois pas du tout à quoi vous faites allusion... »
Je continue de serrer les poings, en fixant un point dans le vide, devant moi. Je sens le regard de mon meilleur ami sur moi. Il sait déjà que je mens, n'est-ce pas ? Il l'a, de toute façon, toujours su, avant même que je ne prononce le moindre mot. Mais je ne rajoute rien, observant la femme face à moi, qui n'hésite pas à reprendre :
« De quoi avez vous peur, jeune homme ? La seule erreur que vous pourriez faire, est de passer à côté du grand amour. »
Ma respiration se coupe, si bien que je me force à inspirer grandement pour pouvoir retrouver un souffle d'air. Est-elle...Sérieuse ? Penchant légèrement la tête, elle baisse es lunettes et me fixe d'un regard intense, sans même ciller une seconde, avant de lâcher la phrase fatale qui manque de me faire défaillir.
« Votre grand amour. »
Achevez-moi, ce sera plus rapide.
Mon corps se tend, et je n'ose même plus cligner des cils. A mes côtés, je sens justement ledit grand amour de ma vie se tourner vers moi pour me dévisager, je le devine, de ses yeux ronds, effarés par la stupeur. Il y a de quoi. Voilà un sujet, que je n'ai jamais vraiment su aborder avec lui. A part une fois, très rapidement, en employant le passé. Peut-être parce qu'au fond, j'avais peur. Peur du rejet. Évidemment que le sujet du gêne twao m'intriguait énormément. Mais ce volontaire passage rapide sur mes sentiments pour lui, n'était pas totalement innocent. J'ai toujours eu, finalement...Une trouille bleue de ce qu'il pouvait me répondre. Parce que je l'aime plus qu'il ne m'est permit de le faire.
Parce qu'il est promis à quelqu'un d'autre.
Il l'a regardé dans les yeux, et lui a demandé de passer le restant de ses jours à ses côtés. Il voulait la garder à ses côtés jusqu'à la fin. C'est elle, qui lui offrirait son dernier baiser, n'est-ce pas ? C'est à elle, qu'il veut passer la bague au doigt. A elle, qu'il ferait la promesse éternelle de l'aimer, et de la chérir jusqu'à ce que son dernier souffle ne s'échappe de ses lèvres. Et c'est avec elle, qu'il veut vieillir, et rire, chaque jour à ses côtés. Elle serait sa dernière vision en s'endormant, et la première en se réveillant. C'est cette vie qu'il a choisit...Et je ne peux rien faire de plus. Et quant bien même ça ne fonctionnerait pas. Il a une âme soeur, quelque part. Quelqu'un pour qui il est né, ce même quelqu'un qui vit pour lui...Et liés de façon inimaginable.
Je suis son meilleur ami.
Je dois le soutenir. Le regarder de loin en veillant à le rattraper, si ses jambes fléchissent sous le poids de la vie.
Rien de plus.
Et lui ? A quoi pense-t-il, en ayant entendu les mots de cet inconnue ? Quel sentiment étreint son coeur en contrecoup des phrases de la voyante, en ce moment même ?
« Et qui est donc, ton grand amour Kyun'ah? »
Mon coeur tressaute violemment, alors que la question de Ryu me percute de plein fouet. Si je m'attendais, si je m'attendais seulement qu'un jour, il me pose une telle interrogation... Mon grand amour ? Mais ouvre donc les yeux, Ahn Ryu Jeong. Il n'y a jamais eu personne d'autre que toi. J'ai sans doute eu un instant de faiblesse, le jour où j'ai cru qu'Ha Neul parviendrait à le remplacer. Parce que j'ai aimé cette fille...Mais je n'en étais pas amoureux, comme je le suis de Ryu Jeong, depuis le jour où nos regards se sont croisés pour la première fois. Du haut de mes huit ans, dans la cour de l'école.
« Je m'appelle Ryu Jeong. Et toi ? »
Le souvenir qui prend place dans mon esprit transforme mon rythme cardiaque en des battements de coeur furieux. Mon grand amour ? Ça ne peut être que lui. S'imagine-t'il que quelqu'un d'autre mérite une telle place dans ma vie, alors que son image est gravée au plus profond de mon coeur ? Son prénom même est inscrit sur ma peau. Ma vie est faite de regards que me donne ses yeux, chacun de ses battements de paupières. Le parfum particulier de sa nuque est la seule odeur que je recherche, la seule qui fait que je puisse me sentir à ma place. Ses doigts, je les veux sur mon corps jusqu'à la fin de mes jours. Se doute-t-il que le moindre de ses regards fait violemment frissonner chacun des pores de ma peau ? Est-ce qu'il peut seulement se rendre compte que chacun de mes rêves dessinent son visage, toutes les nuits ? Et que chaque matin, au réveil, je dois enfoncer ma tête contre mon oreiller pour ne pas hurler les mots d'amour que je rêve de lui dire, et qui se tassent dans le creux de ma gorge ? Mon coeur hurle dans le vide, alors que mes lèvres restent résolument fermées, refusant d'avouer cette vérité qui nous ferait sans doute bien trop de mal. A tous les deux.
Toujours aussi lâche qu'il y a six ans, Kyu Jung. Tu abandonnes, avant même de t'être battu.
Ryu, à mes côtés, semble renoncer à son tour à l'idée de me questionner. Je le sens secouer la tête, mais n'ose pas le regarder, tournant mon attention vers cette femme, qui je l'admets, n'est peut-être pas tant que ça un imposteur. Pour connaître parfaitement des vérités que je tenais à garder au fond de moi...Son rictus amusé ne me plait pas plus que ça, mais je suis plus que disposé à l'écouter, désormais. Cette voyante, ce n'est pas n'importe qui. Moi qui espérait déjouer chacune de ses combines, je me retrouve bien faible et ridicule, les bras allants devant cette femme au regard si puissant qu'il ne dévie devant rien. Pas même devant la dureté de mes propres yeux.
Finalement, elle se désintéresse rapidement de moi, posant ses pupilles sombres sur mon meilleur ami, tout en lui tendant des cartes :
« Tirez cinq cartes, je vous prie. »
J'observe d'un oeil discret la scène, alors que les doigts de Ryu saisissent tour à tour cinq cartes différentes. La voyante les places alors de façon ordonnées et précise sur la table devant elle, faces cachées. Jetant un dernier regard à mon meilleur ami, elle retourne doucement la première carte, au centre des trois qui sont alignés.
« Présent. La lune à l'envers. » Elle relève ses deux yeux sombres sur Ryu, semblables à des orbes ténébreuses, tout en murmurant d'une voix neutre « La carte du secret. Jeune homme...Votre attitude est dangereuse pour vous-même. Vous êtes en train de vous laisser dévorer par ce que vous gardez au fond de votre âme. »
Je cligne des yeux, assez surpris de cette révélation. Et en même temps, je ne peux m'empêcher de jeter un coup d'oeil à Ryu, toujours debout à côté de moi. C'est mon meilleur ami, et il n'a jamais eut de secret pour moi, hormis celui de ses gênes. Mais cette voyante à le don de me mettre le doute, et je ne peux m'empêcher de détailler celui aux côtés duquel j'ai grandi, tout au long de ma vie.
« Passé. Les astres à l'endroit. Vous aviez un manque affectif qui a rapidement été comblé par une étoile....N'est-ce pas ? Vous avez eu la chance d'hériter d'un astre lumineux sur lequel vous pouviez compter pour avancer dans la vie. Les cartes jugent, de ce fait, que votre enfance est considérée comme une enfance...Heureuse. »
Qu'es-ce que c'est que ce charabia ? Une étoile ? Surtout que bon, l'enfance de Ryu n'était pas joyeuse quand il était seul chez lui. Quoique, avec Jong In, ça se passait relativement bien. Ensuite, il y a eu l'arrivée de la fratrie Tae. Me manque pas ceux-là d'ailleurs.
« ...Futur. Les amants à l'envers. »
Immédiatement, son ton devient plus froid, et plus sérieux. D'abord, la vieille femme garde le silence, scrutant la carte en plissant des yeux, comme si elles étaient en pleine discussion. C'est aussi surprenant que déstabilisant, et l’atmosphère devint si pesante que ni moi, ni Ryu n'osons rompre un tel silence. Finalement, la voyante relève les yeux, percutant de pleins fouet ceux de son interlocuteur :
« Votre vie amoureuse est vouée à l'échec, si vous persistez à écouter votre raison plutôt que de suivre votre coeur. Vous avez beau faire semblant de ne pas l'entendre, il est bien là, blotti en votre creux, et continuera d'hurler jusqu'à ce que vous écoutiez ce qu'il a à vous dire... »
Je cligne des yeux, sans voix. Elle a soudainement un air si sérieux que j'ai l'impression que chacun de ses mots ont actuellement une importance des plus capitales. A aucun moment, elle ne rompt l'échange visuel qu'elle a avec Ryu Jeong. Quant à moi, je ne peux m'empêcher de dévisager son profil, soucieux. Suivre sa raison, plutôt que son coeur ? J'en ai assez qu'elle ne parle que par énigme, et soudainement, mon meilleur ami me parait bien plus indéchiffrable qu'il ne l'a jamais été. Me cache-t-il quelque chose, lui aussi ? Votre vie amoureuse est vouée à l'échec, si vous persistez à écouter votre raison plutôt que de suivre votre coeur.
Elle soupire doucement, avant de reprendre les cartes. Elle tire les deux dernières cartes, celle "du conseil" d'après ses dires.
« Vos tourments ne pourrons disparaître, que si vous décidez de vous laisser guider vers la personne que vos sentiments ont choisit, celle pour qui vous ne connaîtrez aucun regret. Votre coeur est complexe, obstrué par les questionnements et les hésitations qui envahissent votre esprit. Il vient un moment ou il faut se décider à faire un choix, Ahn Ryu Jeong. Mais ça... »
Elle souffle doucement, avec un regard malicieux :
« ....Vous le savez déjà, n'est-ce pas ? »
~~
« Avoue-le, tu lui as donné ton prénom à un moment où je ne faisais pas attention, n'est-ce pas ? Quand on est entrés à l'intérieur ! »
Alors que nous montons peu à peu les marches du château au centre du parc, la nuit tombant peu à peu, je continue d'assomer mon meilleur ami avec mon insistance. Comment, mais comment a-t-elle deviné son prénom ? Si elle avait de vrais pouvoirs, vraiment, ça se saurait...Bien que je doive admettre, qu'elle a été particulièrement douée avec moi. Bien que les mots qu'elles m'aient adressés m'ont rendus fébriles, le tirage de Ryu est ce qui me perturbes le plus. Tourments...Hésitations...Échec....Écouter son coeur.
Je jette un regard en coin à Ryu, tout en tentant de saisir l'une de ses pensées au vol, sans y parvenir une seule fois. A quoi pense-t-il, en ce moment ? Je ne lui ai pas posé la moindre question, lorsque nous sommes ressortis de la tante. Je n'en ai pas le courage, honnêtement. Parce que les mots de la voyante me perturbent beaucoup trop, sans compter que le regard de Ryu Jeong en disait long sur ce qu'il en pensait, à cet instant.
Elle ne mentait pas.
« C'est cool, il y a personne, on va être tranquille. »
J'en oublie la voyante, en observant le dernier étage du château. La grande pièce, accessible au public, est totalement vide et déserte. Vu l'heure avancée, ça ne m'étonne pas du tout, et esquisse un sourire ravi à cette perspective. Rapidement, nous en faisons le tour, et je m'arrête à l'une des grandes vitres qui offrent une vue imparable sur tout le parc, et surtout, sur le magnifique ciel de nuit.
Je m'installe doucement, adossé contre la fenêtre derrière moi, alors que mes jambes cloîtrées dans leur habit de cuir pendent dans le vide, effleurant le sol. Ici, il n'y a plus personne. C'est bientôt l'heure des fermetures, et nous sommes ainsi isolés de la foule. Juste lui, et moi. Dans la nuit. C'est terriblement reposant.
Je pourrais rester des années comme ça. Dans un lieu calme, tranquille, et seul avec lui, à ses côtés.
Mais le destin semble en décider autrement. Je sursaute légèrement, alors qu'un faible bruit d'explosion, au loin, se fait entendre. Je n'ai pas le temps de réagir que mes yeux s'écarquillent, voyant les lumières colorés qui accompagnent ces mêmes bruits. Des feux d'artifices. Immédiatement, je me tourne légèrement, observant le ciel au travers de la vitre. Mes yeux s'illuminent et mon sourire s'étire devant les superbes explosions lumineuses, toutes plus belles les unes que les autres. Les fleurs incandescentes envahissent le ciel de leurs couleurs, et je ne peux m'empêcher d'en être envouté, pendant de longues secondes :
« Regarde Ryu, c'est magnifique ! »
Je me positionne à nouveau face à lui, et lève les yeux vers ce dernier pour voir son expression. Immédiatement, son image me coupe le souffle. La lumière colorés des feux d'artifices explosant derrière moi, se reflètent parfaitement sur son visage. Dans ses pupilles dilatés, des explosions de couleurs plus belles les uns que les autres éclatent, se propageant sur la peau de son visage en de faibles tonalités.
Il est tellement beau, comment est-ce même possible ?
Pendant un instant, je me perds en contemplant son visage, les battements de mon coeur appuyés n'arrangeant pas mon état. Incapable de détacher mon regard du sien, je le dévore des yeux, alors qu'il est à quelques mètres de moi. Son souffle, je n'entends que son souffle, qui me parait bien trop éloigné du mien. Tout comme sa chaleur. Je résiste à l'envie de tendre les bras pour l'inviter à venir contre moi, décider de ne pas faire de faux pas, jusqu'à la fin de la journée, jusqu'à ce qu'on se sépare pour rentrer chez nos chez nous respectifs.
Pourtant, je pourrais presque oublier chacune de mes résolutions en croisant son regard étincelant, dans la pénombre du lieu, uniquement éclairés par les lumières vives des explosions derrière moi.
Je t'aime tellement...
« Contenu sponsorisé »
Sujet: Re: Just for today, forget everything else.