Game over
Hwang Hyun Hee & Goo Na Ya
Le 11 octobre 2013 à 2h00Na Ya était contrariée. Cette nuit-là, elle aurait voulu la passer avec son mari. Ils avaient prévu de se faire livrer par un traiteur. Ils avaient même choisi un bon vin ensemble. Au lieu de cela, elle avait été obligée de partir en mission d’infiltration. Personne ne lui avait rien demandé, simplement, elle avait reçu un appel il y avait quelques jours l’informant d’un potentiel danger pour une jeune adolescente. Les premiers temps, elle s’était contentée d’observer de loin et n’avait rien trouvé d’anormal. Mais la veille, elle avait suivi l’adolescente et son tuteur légal jusque dans un club peu fréquentable et surtout interdit aux mineurs. La gamine n’en était sortie qu’après de très longues heures, et sa tenue ne prêtait pas à confusion. L’éducatrice connaissant les juges, elle savait qu’il lui fallait plus de preuve pour réussir à soustraire l’adolescente à l’autorité de son tuteur, aussi avait-elle été forcée d’abandonner sa soirée romantique pour une mission nettement moins romantique mais sans doute plus importante. Une adolescente de quatorze ans était bien plus importante que sa soirée en amoureux.
Elle se retrouva donc devant l’établissement de luxe dès le lendemain, au soir. Elle connaissait parfaitement ce milieu pour y avoir travaillé un moment, aussi savait-elle comment elle devait y paraître et à quelle heure. Elle avait choisi de se faire passer pour une nouvelle cliente. Elle n’avait aucun mal à prendre les attitudes qu’il fallait. Vêtue d’une sobre petite robe noire, d’un chandail assorti et d’un chapeau purement décoratif vue l’heure avancée de la nuit, elle pénétra dans le club avec cet air exigeant inhérent aux dames à qui elle empruntait le rôle. Alors que peu de choses parvenaient à l’atteindre, elle ne se sentait pas très bien en s’installant à l’une des tables. En faisant mine de siroter son verre de Sauternes, elle ne pouvait s’empêcher de se demander combien de ses danseuses et danseurs étaient là par obligation. D’autant plus que certains avaient l’air particulièrement jeune. Elle sentait la rage monter en elle mais s’abstint d’en montrer quoique ce soit. Elle se contentait d’observer, jusqu’à ce qu’un serveur en petite tenue ne vienne lui proposer ses services. Elle lui adressa un sourire avant de refuser, prétextant préférer la compagnie féminine. Et elle ne tarda pas à être rejointe par une serveuse topless qu’elle eut du mal à reconnaître sous l’épaisse couche de maquillage qui couvrait son visage encore enfantin.
Le cœur serré, elle l’invita à se joindre à elle, payant bien évidemment pour ce service. Elle l’interrogea discrètement, feintant le flirt, sur ses activités au sein du club. Très rapidement, elle eut les réponses dont elle avait besoin. Il ne lui serait pas difficile de demander l’inspection de cet établissement, et d’en faire sortir cette demoiselle, ainsi que les autres mineurs. Alors qu’elle pensait sa mission accomplie et qu’elle demandait, pour la forme, combien lui coûterait une heure en privée avec cette demoiselle, elle se heurta à une difficulté de taille, une difficulté comme elle n’en avait jamais connues. Une difficulté telle qu’elle en blêmit instantanément. Elle demanda à la serveuse de partir, ce qu’elle fit. Elle ne voulait pas l’impliquer là dedans. Elle craignait bien trop les représailles de l’homme sur qui son regard venait de se poser. Qui était cet homme ? Son ancien patron. Celui qui avait failli envoyer sa moitié en prison. Celui qui avait fait d’elle un jouet le temps d’une nuit, comme si elle était sa propriété. Cet homme, elle le détestait plus que son propre père. Si elle le pouvait, elle le tuerait volontiers de ses propres mains. Et surtout, elle aurait souhaité ne jamais le revoir.
Elle acheva son verre de vin pour se donner une contenance avant de réfléchir à un moyen de ne surtout pas se faire repérer. Si elle haïssait ce type, elle savait que c’était réciproque. A cause d’elle, il s’était fait battre par Hyun Joong et une enquête avait été ouverte sur ses clubs. Elle n’avait jamais appris l’impact de ces enquêtes sur le business de cet homme mais elle savait qu’il ne lui pardonnerait jamais d’avoir attiré l’attention sur lui. Il devait d’ailleurs savoir qu’elle avait été de mèche avec la police pendant un temps et ça, ce n’était pas bon pour elle. Elle n’était pas sans savoir ce dont il était capable. Elle devait donc trouver un moyen de sortir de là discrètement. Elle attendit un moment propice pour s’éclipser et, lorsqu’il arriva, elle rejoignit la sortie.
Elle pensait être tirée d’affaire lorsque l’un des vigile l’interpela. Elle choisit de l’ignorer et de continuer son chemin mais il en avait décidé autrement. Un air outré sur son visage pâle, Na Ya tenta dégager son bras de la poigne de l’agent.
« Lâchez-moi, » s’insurgea-t-elle.
« J’ai payé les services que j’ai consommé. » Elle tentait de paraître très calme alors qu’elle ne l’était pas du tout. Si cela continuait, ils allaient attirer l’attention, et elle ne doutait pas le moins du monde que la personne qu’elle souhaitait à tout prix éviter ne tarderait pas à revenir. Sans un mot, le vigile la tira en direction d’une ruelle adjacente, d’un genre que nulle personne sensée n’apprécierait. Elle avait beau être douée pour se défiler et se faire passer pour ce qu’elle n’était pas, elle n’était pas de taille à lutter contre ce gorille. Et surtout, elle ne voulait pas trop attirer l’attention. Elle se laissa donc un peu faire, jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’une silhouette l’attendait plus loin dans la ruelle sombre. Le rayon de lumière d’un réverbère confirma ses craintes et elle se débattit alors, jouant des poings et des pieds pour tenter de s’enfuir. Elle ne put s’empêcher de lever la voix et se retrouva alors avec l’énorme main du vigile plaquée fermement contre sa bouche. Tout ce qu’elle arrivait à faire, c’était se blesser. Elle était prise au piège, totalement. A côté, la fois où elle avait failli finir poignardée à la sortie d’un club était une vraie partie de rigolade. Elle doutait de pouvoir s’en sortir indemne cette fois. Et encore, si elle s’en sortait, ce serait déjà bien.
Le vigile la plaqua contre un mur et appuya son avant-bras contre sa gorge pour qu’elle cesse de se débattre. Elle reçut rapidement un coup au ventre qui lui coupa le souffle. Ses oreilles bourdonnaient et elle tomba à genoux en se tenant le ventre tandis qu’on la relâchait. Elle toussa et chercha son air mais très vite, on la releva. Son visage se retrouva au niveau de celui de son ancien patron. Comme si elle venait de prendre une douche froide, elle retrouva son souffle. L’air fier, elle le toisa. Si son regard avait pu tuer, il serait mort et son impeccable costard écru se serait teinté de rouge en de multiples endroits. Au lieu de cela, elle ne pouvait qu’observer son air supérieur et son sourire. Il congédia le vigile et, alors qu’il semblait savourer sa supériorité, elle ne trouva rien de mieux à faire que lui cracher à la figure. Bien évidemment, cela lui valut une droite en pleine mâchoire qui lui fit échapper un petit cri de douleur, immédiatement suivi d’un rire amusé tandis qu’il agitait son poing comme il semblait s’être fait mal.
« Ca t’apprendra à frapper une femme, » provoqua-t-elle avant qu’il ne lui attrape brutalement les cheveux.
Il plaqua sur ses lèvres un baiser violent. Même s’il n’était pas bien grand, il restait plus fort qu’elle et elle eut du mal à le repousser. Quand elle y parvint enfin, tremblante de rage, elle voulut le frapper mais loupa sa cible comme elle tirait plus fort sur ses cheveux. Elle se retrouva à terre et, lorsque son corps heurta entièrement le sol et fut pressé sous le poids de l’homme qui venait de s’asseoir sur son bassin, elle panique et fit la seule chose sensée dans une telle situation : elle se mit à hurler, tout en se débattant avec toute la fureur dont elle était capable, jusqu’à ce qu’il presse ses mains autour de son cou fin.