Sang Ook n'est pas très grand, ce n'est pas un canon et encore moins un sportif. Et pourtant, il ne ressemble à personne. C'est le genre d'homme à avoir un visage qu'on n'oublie pas facilement. Non pas parce qu'il est beau, mais parce qu'il est unique. Les traits de son visage sont durs. Lorsqu'il perd un peu de poids, ses pommettes sont creuses et lui donnent l'impression d'être quelqu'un de malade. Son teint blafard n'arrange pas les choses, car Sang Ook ne s'expose jamais directement à la lumière du soleil. Il a lu quelque part que les rayons UV abîment la peau et accélèrent l'apparition des rides. Ses yeux, c'est ce qu'on remarque le plus chez lui. Il les a bridés, comme tous les asiatiques et ils sont foncés. Mais ce n'est pas ça le plus important. C'est son regard. Sang Ook a dû faire face à des situations bien étranges à cause de son regard perçant. Ce n'est pas de sa faute, il est né avec un regard de tueur. De plus, les cernes qui ont définitivement fait placent sous ses yeux n'aident pas vraiment à cette réputation de psychopathe. Heureusement, Sang Ook est quelqu'un qui sourit souvent ce qui adoucit légèrement ses traits durs.

En ce qui concerne le corps du jeune homme, on ne peut pas dire grand-chose. Il est ni grand, ni petit. Il n'est pas musclé, mais il n'est pas sec non plus. Sang Ook n'est pas un adepte des salles de sport ou du footing. Le seul sport qu'il pratique, c'est le vélo, car il refuse d'avoir une voiture et il a du mal avec les transports en commun. Du coup, ces jambes sont bien plus musclées que le reste de son corps. Autrement, Sang Ook ne s'est jamais fait tatoué et ne porte pas de boucle d'oreille. Son père et ses frères lui feraient des réflexions si c'était le cas. Il ne trouve pas ça particulièrement beau au final, et il pense que c'est de l'argent dépensé pour rien.

Pour son style vestimentaire, il est relativement simple. Sang Ook ne gagne pas énormément d'argent et il est plutôt économe donc il ne mettrait jamais plus de 50$ dans des vêtements. De plus, il achète que des vêtements écologiques. Dès qu'il met des vêtements "normaux", il a mauvaise conscience et il a l'impression de détruire la planète. Autrement dit, vous ne verrez jamais Sang Ook porter des vêtements de marque ou en peau d'un quelconque animal.

Sang Ook est quelqu'un de naturel qui ne se fait jamais passer pour ce qu'il n'est pas. Il est fier de ses origines, de ses parents et de ce qu'il est. Alors, pourquoi faire croire aux autres qu'il est quelqu'un de différent. Oui, c'est un mec de la campagne qui n'a pas de télé, qui mange bio et qui est un peu bizarre. Et alors ? En réalité, Sang Ook est quelqu'un de très facile à vivre, car il est discret et très poli. Sang Ook n'arrive pas à parler de façon informelle, même avec ses amis. C'est quelque chose de très difficile pour lui, voir même impossible. Cette habitude est d'ailleurs ce qui plait le plus à ses employeurs, car Sang Ook est le genre d'employé idéal. Toujours souriant et poli, il aime parler aux gens et il s'intéresse réellement à eux. De plus, Sang Ook ne se plaint jamais des tâches qu'on lui demande d'accomplir. Au contraire, c'est un homme qui aime travailler et rendre service aux autres, et le faire dans la bonne humeur, c'est quelque chose de naturel chez lui. Il sait à quel point il est difficile de trouver du travail aujourd'hui, avec le chômage et la crise, c'est pour ça qu'il s'interdit de s'apitoyer sur son sort.

Sang Ook est un homme qui s'intéresse à tout ou presque. Le jeune homme voulait faire des études de psychologie pour mettre son "savoir-faire" à l'oeuvre, mais il est le genre de personne à avoir de l'eczéma quand on parle d'étude. Pourtant, il aime apprendre des choses et est curieux. Contrairement aux personnes de son âge qui préfèrent sortir faire la fête ou regarder la télé, lui lit des livres sur le développement personnel. Ce qu'il aime par-dessus tout observer, c'est le comportement des autres. Il est toujours stupéfait de voir à quel point deux personnes peuvent être aussi différente l'une de l'autre. Depuis qu'il est arrivé à Séoul, Sang Ook a commencé à écrire dans un livre ce qu'il voit quotidiennement. Pourquoi ? Parce qu'il s'ennuie tout simplement. Même avec ses petits jobs, il trouve le temps de s'ennuyer. Depuis qu'il est petit, il a pris l'habitude de toujours s'occuper avec quelque chose. Il n'avait jamais un temps de libre et aujourd'hui, il se sent mal quand il ne fait rien.

Sang Ook est quelqu'un de très attaché à sa famille, mais il a parfois du mal à leur faire face pour la simple et bonne raison que ses frères l'envient tous. Sang Ook ne supporte pas d'être le centre d'attention et pourtant, à chaque fois qu'il est avec sa famille, il se sent observé, jugé. Ses frères n'acceptent pas d'être dépendants d'une charge et leur condition de Twaos est plutôt difficile à vivre. C'est pour cela qu'ils veulent tous que Sang Ook soit le plus "normal" possible. Ainsi, ils ne cessent d'épier ses moindres faits et gestes pour qu'il ait une vie parfaite, sans problème. Sang Ook aimerait aimer ses frères. Faire quelque chose d'utile pour aider les Twaos qui ont du mal à vivre leur condition. Mais il a l'impression que tout ce qu'il dit ou fait ne sert à rien. En plus de ça, Sang Ook a l'impression d'être toujours plus bête que les autres. N'ayant pas terminé ses études, il se sous estime constamment et il a du mal à avoir confiance en lui. Le fait qu'il soit naïf n'aide pas vraiment à vrai dire. En effet, Sang Ook a tendance à être un peu bête parfois.

Je suis né il y a maintenant 24 ans à Daegu. Mes parents étaient en ville pour fêter le cinquième anniversaire de mon frère aîné, Min Hyuk qui est né le 10 janvier également. Je suis le troisième fils de la famille Yoon, et je ne suis pas le dernier. Quelques jours après ma naissance, j'ai rencontré mon deuxième frère, Yong Jae qui était resté à la maison avec mes grands-parents à la ferme de mon père. Mon paternel travaillait déjà dans le domaine agricole lorsque je suis né. En réalité, il a hérité de la ferme de son père, et étant son seul fils, il a été "obligé" de reprendre les affaires de son père lorsque ce dernier était trop vieux pour travailler dans les champs.

La vie à la campagne était paisible. Très jeune, j'ai appris à prendre soin de la nature et à la respecter. Mes parents étaient très à cheval sur ce point-là, je ne comprenais pas vraiment pourquoi à l'époque. Aujourd'hui, c'est une tout autre histoire... Mes trois frères et moi-même allions à l'école à Daegu. Mes parents voulaient qu'on ait une bonne éducation pour ne pas que l'étiquette de fils de paysan nous collent à la peau toute notre vie. C'était l'excuse que donnaient mes parents lorsqu'ils discutaient avec leurs amis. En réalité, il était plus facile pour mes frères de recevoir leurs charges dans une grande ville comme Daegu. Ah oui, au fait, mes parents et mes frères sont des Twaos. Pas besoin de vous dire ce que sont les Twaos, vous devez certainement être au courant. J'ai toujours accepté le fait que je ne sois pas comme le reste de ma famille. Je suis né sans le gène Twao ce qui a surpris mes parents, car mes quatre frères le sont, eux. J'ai toujours accepté ma différence, bien que parfois, je me sentais un peu exclu de ce monde étrange. Mes frères m'enviaient, car je n'avais pas besoin des autres pour survivre. J'étais le seul à ne pas tomber malade, à pouvoir faire des choses que mes frères ne pouvaient pas faire pour ne pas se fatiguer. À la ferme, je devais aider mon père, mais je n'aimais pas vraiment ça. En fait, je me sentais seul lorsque j'étais dans les champs. Je faisais toujours en sorte de partir avec ma mère faire les marchés. C'était ce que je préférais d'ailleurs. Ça me permettait de rencontrer des gens et de connaître des nouvelles histoires. Le contact humain était déjà quelque chose de très important pour moi à l'époque. J'ai appris au côté de ma mère ce qu'était un véritable marchand. Car être marchand, ce n'est pas seulement peser des légumes et rendre la monnaie. Non, c'est bien plus que cela. Un véritable marchand, pour moi, c'est être à l'écoute des gens, les conseiller aussi. C'est grâce à ces moments-là que j'ai pris goût à écouter les autres.

À l'école, tout ne se passait pas très bien pour moi. Je n'étais pas un très bon élève. J'étais poli, droit et je faisais toujours mes devoirs, seulement, je n'étais pas vraiment doué pour les études. Les professeurs se tiraient les cheveux pour comprendre d'où venait mon problème. Je n'écoutais pas vraiment les cours, je regardais les autres élèves, ça me passionnait bien plus que les cours de mathématiques. J'aimais voir la fille du troisième rang regarder dans son miroir discrètement pour voir si elle n'était pas décoiffée. Ou alors, mon attention se posait sur le garçon à côté de moi qui bavait sur son bouquin en dormant. Mes parents ne me faisaient jamais de remarques et me laissaient vivre ma vie comme bon me semblait. Enfin, au début, ils me poussaient un peu pour que je me motive un peu plus, mais je n'arrivais tout simplement pas à me concentrer. C'était peine perdu. De plus, ils avaient assez de soucis à se faire avec mes autres frères. Min Hyuk faisait beaucoup de voyage scolaire, ils devaient alors travailler deux fois plus qu'avant pour les payer et ils devaient faire en sorte qu'il parte avec un Donneur. Seung Ri, mon plus jeune frère avait lui aussi des problèmes à l'école. Il mordait les autres enfants, les frappait et insultait ses enseignants. Alors, mes parents avaient d'autres choses plus importantes à faire que de s'occuper de leur fils débile. J'avais une petite bande d'amis ... On était trois en fait, mais je m'entendais vraiment bien avec eux. Je faisais en sorte de les voir le plus souvent possible, mais je n'aimais pas passer ma vie dans le bus à faire des allées retour entre la ferme de mon père et Daegu. Du coup, en grandissant, je les ai un peu délaissés malgré moi.

Au lycée, mes résultats scolaires étaient encore plus lamentables qu'avant. De plus, Tae Hyeon, le génie de la famille se retrouvait dans la même classe que moi. Alors, à chaque fois que j'avais une note vraiment basse, je passais un pacte avec Tae Hyeon pour qu'il ne dise rien à nos parents. Heureusement, mon frère était plutôt compréhensible et passait sous silence ses notes excellentes pour ne pas que j'ai de problèmes. Les week-ends, je passais beaucoup de temps avec ma mère qui s'occupait de vendre les récoltes de mon père sur les marchés de la région. Pendant les trajets, dans le camion, elle me racontait des histoires sur les Twaos que je finissais par connaître par cœur à force de les entendre. Elle aimait se souvenir de la façon dont elle avait rencontré mon père, son âme sœur et de la manière dont ils étaient tombés amoureux l'un de l'autre. Ils ont eu de la chance de tomber amoureux. C'est ce que je me suis dit lorsque Yong Jae a trouvé malencontreusement son âme sœur. Je ne vous dis pas la tête qu'il avait lorsqu'il est rentré à la maison un soir pour nous raconter cette rencontre. C'était lui qui détestait le plus sa condition de Twao. Et apprendre que son âme sœur était ... Un homme n'a pas vraiment arrangé les choses. Lui qui aimait tant les femmes. Il passait le plus clair de son temps en boîte de nuit à Daegu et qui ne rentrait que le lendemain. Il était anéanti d'apprendre que son âme sœur était un homme. Alors, il est simplement parti. Il a décidé de fuir. J'étais le seul à être au courant de ses projets. Il rêvait de partir aux Etats-Unis vivre le rêve Américain depuis des années. Il m'avait fait promettre de ne rien dire à nos parents. Depuis des années, il avait planifié son départ si un jour, il rencontrerait son âme sœur. On avait mis de l'argent de côté pour qu'il puisse se payer un billet d'avion et pour payer un hôtel pendant quelques jours. J'étais le complice de son "évasion". Je le connaissais mieux que personne. Je comprenais sa douleur. Alors, j'ai fait en sorte qu'il parte le cœur léger. Je préférais le voir loin de moi, mais heureux que près de moi et malheureux.

Après le départ d'Yong Jae, j'ai décidé de faire mes valises et de partir moi aussi. J'avais dix-sept ans et je décidais alors d'abandonner mes études. Mes parents n'étaient pas vraiment surpris de voir que je voulais partir et j'ai eu l'impression qu'ils s'en moquaient un peu. Ils étaient bien trop inquiets pour Yong Jae pour se préoccuper de mon cas. J'ai toujours compris leurs choix, et je ne leur en ai jamais voulu, mais il faut avouer que ça fait toujours un pincement au coeur de voir que ses parents s'en foutent de voir l'un de leur fils partir. De plus, mes frères n'étaient pas des plus sympathiques avec moi. Min Hyuk ne me parlait plus depuis le départ de Yong Jae. Il me reprochait de l'avoir aidé à partir et de le conduire tout droit vers la mort. Tae Hyeon lui s'occupait de me rabaisser constamment, soulignait le fait que je sois un imbécile. Et Sung Ri lui, m'enviait tellement d'être une personne "normale" qu'il m'insultait à chaque fois que je passais à côté de lui. Je ne leur en voulais pas vraiment. Je savais pourquoi ils étaient ainsi avec moi et je les comprenais. Seulement, je ne supportais plus d'être l'intrus dans cette grande famille. Alors, j'ai pris le train vers Séoul avec un sac sur le dos et j'ai trouvé quelqu'un pour me loger pendant quelque temps. J'avais peur que mon manque d'assurance joue en ma défaveur pour trouver un travail, mais je réussissais à l'oublier le temps de l'entretien d'embauche. Rapidement, j'ai trouvé quelques petits jobs qui me permettaient de prendre un minuscule studio pour enfin être indépendant.

Je me suis rapidement adapté à la capitale. J'ai trouvé un travail à temps plein qui me permet de vivre paisiblement, sans grande contrainte, bien que je sois obligé parfois de travailler à côté pour arrondir les fins de mois. Mes frères n'ont toujours pas accepté mon départ de la ferme familiale car ils sont désormais obligés d'y rester eux pour s'en occuper. J'estime que j'ai le droit d'être égoïste une fois dans ma vie. Le seul avec qui je garde toujours contact, c'est Yong Jae qui a bien réussi aux Etats-Unis.