7 Mars à 8h54 dans le Café Bene

Tae Hyun était une fois de plus en train de squatter dans le café de sa mère au lieu d’être au travail. Le jeune homme avait le droit de travailler de temps en temps chez lui, et profitait souvent de ça pour passer moins de temps enfermé dans son bureau. Et oui, c’est le premier à rentrer chez lui le soir. Il préfère tout simplement travailler dans le calme et à l’extérieur qu’entre quatre murs. Enfin, quand on lui dit qu’il peut travailler chez lui, il travail partout, sauf dans son appartement. Tae Hyun à une idée assez spéciale sur le travail à la maison. Il a besoin du plein air et il a besoin de voir des gens pour s’inspirer. C’est pour ça que ce jour là, il était au café de Luna, sa mère. Il observait les gens attentivement et s’amusait à imaginer dans quel style de maison ou appartement ils pourraient vivre. C’est sa façon bien particulière de s’inspirer.

Installé confortablement à une table, il commençait un peu à s’ennuyer. Il décidait alors de donner un petit coup de main à sa mère et à ses employés en servant quelques personnes. Au passage, il lançait des petits commentaires acerbes à Ae Woon. Le jeune architecte se faisait un malin plaisir à venir enquiquiner l’étudiant lorsque ce dernier travaillait au Café. Tae Hyun n’aime pas les hommes, et Ae Woon ne déroge pas à la règle. C’est pour cela que le comportement du jeune homme est exécrable lorsqu’il est dans la même pièce que ce dernier. Tae Hyun est vraiment quelqu’un de machiavélique quand il le veut.

[…]

13h57. Tae Hyun s’activait à faire la vaisselle car il avait un rendez vous quelques minutes après. Il avait hâte de se rendre au palais Impérial pour revoir son amie, Eun Mee qu’il n’avait pas vu depuis un moment. Après avoir terminé son ménage, il partait en direction du cabinet dans lequel il travaillait pour y déposer deux trois croquis et donner ses notes à quelques uns de ses collègues. Une fois arrivé dans son bureau et après avoir déposé ses affaires, il observa le dessin qu’Eun Mee lui avait offert il y a plus d’une quinzaine d’années maintenant. Pendant un moment, il restait immobile à contempler se dessin plein de couleurs et plein de gaieté. Lorsqu’il reprit ses esprits, il se dirigeait rapidement vers les escaliers, car l’ascenseur était bien trop lent. Il était tellement pressé ce jour là qu’il oubliait même de saluer ses collègues. Bon, après tout, il le fait rarement, mais quand même …

14h35. Tae Hyun était le genre de personne à toujours arriver en avance à un rendez vous pour la simple et bonne raison qu’il n’aimait pas faire attendre les autres. Le jeune homme aime passer les minutes à attendre ses amis à observer les gens autours de lui et particulièrement à observer l’architecture des lieux qui l’entoure. Déformation professionnel. Là, en l’occurrence, il se trouvait en face d’un lieu rempli d’histoire et un lieu très symbolique et  l’architecture ancienne. Il prit son carnet de dessin et se mis à faire des croquis en attendant son amie. Cependant, au bout de quelques minutes, il s’impatienta. Il connaissait la maladie de son amie, et il avait très peur qu’il lui soit arrivé quelque chose de grave. Certes, elle avait que quelques minutes de retard, mais ce n’était pas son genre. Elle n’avait jamais été en retard jusque là.

Le jeune homme sondait la foule avec inquiétude, priant pour que son amie soit déjà arrivée mais qu’elle ne l’ait pas vu. Il voyait alors au loin une silhouette qu’il connaissait très bien et s’approchait vivement et gaiement vers elle. Prenant le poigné de la jeune femme, il se plaçait en face d’elle pour qu’elle puisse le voir. Tae Hyun abordait alors un large sourire, heureux de l’avoir enfin trouvé.

«Ah ! Je suis contente de te voir !»
« Je suis content de te voir, je me suis inquiété ! Tu as pris le bus où le métro ?

Tae Hyun avait toujours le poignet de la jeune fille dans sa main, il décidait alors de la lâcher, ayant peur de lui faire mal. Très tactile, le jeune homme la prit dans ses bras. Il ne fallait pas être surpris par son accolade, il avait besoin de montrer son affection aux gens qu’il appréciait. Après l’avoir enlacé, Tae Hyun reculait et lui prit la main, direction l’entrée du Palais.

« J’espère que tu es prête à passé une bonne après midi parce que moi, je suis au taquet. »

Avançant au milieu de la foule, le jeune homme souriait bêtement. Il était content de la revoir, cela faisait un moment qu’ils ne s’étaient pas fait une petite sortie tous les deux. Il la savait prise par ses cours, et elle ne voulait certainement pas l’embêter dans son travail. Bref, il était juste content de la revoir.

« Alors, comment tu vas ? Je ne t’ai pas trop manqué ? »

« Euh… Bus ! »

Ne pas lui dire, ne surtout pas lui dire, et sourire.

Je sens les doigts de mon ami glisser sur mon poignet afin de le relâcher. Je m’apprêtais à gonfler les joues, comme pour me plaindre de son geste, mais je me ravise lorsque je sens ses bras entourer mon corps avec douceur. Je ne suis pas très tactile d’ordinaire, préférant garder une petite distance avec les gens qui m’entoure, mais avec Tae Hyun c’est différent. Ca a toujours été différent avec lui de toute façon. Je me sens rassurée, moins sur mes gardes. C’est comme lorsqu’il me prend la main –et il le fait toujours – pour me guider, autant que pour me garder près de lui. C’est surement stupide, mais quand il agit comme ça, je me dis qu’il tient vraiment à moi. Et pas seulement qu’il s’inquiète à l’idée que je puisse me prendre un mur dans un moment d’inattention.

Et voilà, il glisse sa main dans la mienne, m’adressant un grand sourire tout en me guidant vers l’intérieur du palais. Sourire auquel je ne peux que répondre, sautillant à ses côtés.

    « J’espère que tu es prête à passer une bonne après-midi parce que moi, je suis au taquet.»

Je rigole, contente de sentir son enthousiasme. Ça fait longtemps, et j’ai vraiment envie de voir son sourire. Il a un très joli sourire Tae Hyun, surement l’un des plus sincère et étincelant sourire que j’ai pu palper jusqu’à maintenant. Mais je suppose que ça ferait bizarre de prendre son visage entre mes doigts, là au milieu de la foule.

    « Alors, comment tu vas ? Je ne t’ai pas trop manqué ? »

Je suis presque sûre que mes joues se sont mises à rougir. Il faut vraiment qu’il soit aussi honnête à chaque fois ? Evidemment qu’il m’a manqué. Mais je ne l’avouerai jamais, non. Je suis bien trop fière pour ça, et parfois c’est assez gênant. Je pourrais simplement lui dire « Oui Tae Hyunnie, tu m’as manqué ! » mais non. De toute façon, je n’ai pas besoin de prononcer cette phrase qui me brule la langue, il le devine parfaitement.

« Ou alors… Je n’ai rien à faire de ma journée, et je me suis dit que la passer avec toi serait moins ennuyant que rester dans ma chambre. »  Je sers sa paume entre mes doigts pour lui montrer que je me moque de lui. «  Mais je vais bien ! T’es pas fatigué avec le travail ?»

J’aurais aimé entendre sa réponse mais je me retrouve propulsée à l’écart par un coup d’épaule de ce que je prenais pour une forme sans vie. Une forme qui finalement se déplace assez vite pour ne pas faire attention à moi, qui se trouvait sur son passage. Je ferme les yeux par automatisme, ce qui ne change pas grand-chose dans mon cas. Je suis uniquement retenue par la poigne de mon ami qui me ramène rapidement contre lui.

«  Je l’ai pas vu venir celui-là… » marmonne-je en m’écartant doucement. « Je t’ai pas fait mal ? »

J’entends à son ton qu’il est un peu énervé. D’avoir à surveiller où je marche ? Ou de ne pas pouvoir éviter que je me prenne des obstacles dans les pieds ? Dans tous les cas, je lui souris en m’assurant qu’il me regarde. J’ai l’habitude, ce n’est pas la première fois, ni la dernière. Je n’aime pas quand je me sens aussi dépendante de quelqu’un, ou quand je suis obligée de m’accrocher à sa main comme à une bouée.  

Je le secoue un peu pour le ramener sur terre, et quand je suis certaine que ses yeux sont rivés vers moi, je lui lance d’une voix joyeuse :

« Tae Hyun ! Sers-moi d’yeux un peu ! Décris-moi comment c’est ? »

« Ou alors… Je n’ai rien à faire de ma journée, et je me suis dit que la passer avec toi serait moins ennuyant que rester dans ma chambre. »  

Tae Hyun faisait les gros yeux en entendant sa réponse. En clair, il était une roue de secours à son ennuie ? Il savait très bien qu’elle plaisantait, mais il décidait de faire une moue boudeuse pour lui montrer qu’il était triste. Il prenait alors la main libre de Eun Mee et il lui faisait toucher son visage pour lui montrer ce qu’il ressentait.

«  Mais je vais bien ! T’es pas fatigué avec le travail ?»
« Je ne suis jamais fatigué ! Enfin, très rarement … Et toi, tes cours, tu t’en sors ? Les autres ne te donnent pas trop de fil à retordre j’espère ?! Sinon ... bah, tu sais quoi … tu m’appelles et je leur botte le cul. »

Il disait ça d’un ton sûr, mais au fond de lui il savait très bien que si un jour il devait se battre, il devait bien choisir son adversaire. Et oui, Tae Hyun n’était pas très grand et pas très fort physiquement. En fait, sa seule défense, ce sont ses mots avec lesquels il fait plus de mal que de bien. Pendant qu’il répondait à Eun Mee, la jeune femme fut poussée par une autre personne. Heureusement que Tae Hyun la tenait par la main, sinon, il l’aurait perdu de vue et il ne voulait surtout pas qu’elle panique.  Dans sa tête, les insultes fusaient à l’égard du touriste qui venait de pousser son amie. Il avait envie de rattraper cette personne pour lui demander qu’il s’excuse, mais c’était trop tard, il était déjà loin.

« Il a de la chance d’être loin celui là ! »

L’handicape d’Eun Mee était quelque chose dont les deux jeunes amis ne parlaient pas. Il essayait d’éviter le sujet, sachant qu’elle n’aimait pas en parler. Et il l’a comprenait très bien. Il savait à quel point elle détestait être dépendante de quelqu’un, c’est pour ça qu’il faisait son possible pour l’aider, mais discrètement. Mais comment voulez vous qu’il le fasse si des abrutis ne font pas attention où ils marchent ? Tae Hyun avait tout le temps envie de la surveiller, mais il savait très bien que ça ne l’aiderait pas. De plus, il la connaissait forte et indépendante, et il savait très bien qu’elle pouvait se débrouiller toute seule. Il fut sorti de ses pensées par Eun Mee qui le secouait. En entendant sa voix joyeuse, il ne pouvait que sourire.

« Tae Hyun ! Sers-moi d’yeux un peu ! Décris-moi comment c’est ? »
« Tu aimes le son de ma voix avoues ! »

Il faisait un large sourire, pour changer et l’emmenait un peu plus loin, pour éviter la foule. Une fois à l’intérieur du bâtiment, Tae Hyun fut scotché. Il l’avait déjà visité plus d’une fois, et sa mémoire eidétique faisait qu’il s’en souvenait parfaitement bien, mais y aller c’est autre chose qu’essayé de se souvenir à quoi ça ressemble. Il ne pouvait pas s’empêcher de lâcher un « Waou » d’admiration. Les architectes et les décorateurs,  à l’époque étaient de véritables génies.

« C’est une architecture typiquement coréenne… » Il s’arrêtait là, ne voulant pas partir dans des explications trop technique. « Les couleurs te plairaient beaucoup Eun Mee. Il y en a tellement. La façade du palais est rouge, tirant un peu vers le bordeaux. Mais surtout, les fresques. Elles sont sublimes. Elles sont tout en reliefs et très colorées-elles aussi. Vient, je vais te montrer. »

Il l’emmenait vers une fresque qui était à porté de main. Ils ne savaient pas s’ils avaient le droit de toucher ou non, mais Tae Hyun voulait montrer la splendeur des reliefs à Eun Mee. Un peu à l’écart des autres visiteurs, Tae Hyun prenait la main d’Eun Mee et la déposait délicatement sur la fresque. Il regardait alors le visage d’Eun Mee, en essayant de déchiffrer ses émotions.

Puis, une idée vint alors à l’esprit du jeune homme. Faire visiter les jardins du palais. D’après lui, c’est l’endroit le plus beau à voir. Il emmenait alors la jeune fille hors de l’entrée. Ils arrivèrent alors près d’un long pont qui menait juste qu’au pavillon central. Tae Hyun décidait alors de s’assoir sur un banc pour être au calme et pour contempler la beauté du lieu.

« J’aimerais tellement que tu vois ça … »

Il poussait un soupir. Si seulement elle pouvait voir la même chose que lui …

« Tu aimes le son de ma voix avoues ! »

Je soupire, sans en perdre mon sourire. Comment pourrais-je même oublier d’étirer mes lèvres en la présence de Tae Hyun ? C’est vrai. Rien que sa voix me réchauffe le cœur. Elle a ce petit plus, rassurant, apaisant… Un peu comme sa main, qui m’entraine plus loin. Il semble me faire soigneusement éviter la foule, puisque les masses sombres et sans visages disparaissent petit à petit.

Soudainement, l’air se fait plus frais et le voile devant mes yeux s’assombrit. Je devine que nous sommes entrés dans le palais, puisque très vite les bruits de la place s’estompent, nous laissant dans un calme reposant. Je laisse mes pupilles s’habituer un peu à l’obscurité, dans l’espoir d’y voir un peu mieux. Pendant ce temps, mon ami m’entraine un peu à l’écart, les doigts serrés sur les miens. Je l’entends souffler d’admiration, et ça ne fait que gonfler mon cœur un peu plus.

Je ne sais pas exactement ce qu’il voit, mais ça doit forcément être époustouflant pour qu’il soit même impressionné. Levant une main vers son visage pour sentir son expression admirative, je lui murmure doucement :

« Dis-moi ce que je dois voir… »

Il hoche la tête, gardant ma main contre sa joue, avant de se lancer dans la description de l’endroit. J’aime ces moments où il me raconte ce qu’il voit. Il le fait tellement bien que c’est comme si j’étais capable d’observer par son propre regard. Il me parle des couleurs, en sachant que je les adore, et je les imagine autour de moi.

« Viens, je vais te montrer. »

J’écarquille les yeux, sentant mes doigts quitter sa peau pour rejoindre la matière froide et en relief qu’il voulait absolument me faire voir.

« Mais… Ce n’est pas interdit ? Yah ! Tu vas avoir des ennuis si on se fait prendre ! »

Mais d’une pression sur les doigts, je me décide à lui faire confiance. Comme s’il avait quelque chose à faire des règles. Tae Hyun, il n’y a que sa propre loi qu’il accepte de suivre à la lettre. C’est ce qui fait de lui ce qu’il est après tout.

Concentrée, je me penche vers ce qu’il veut absolument me montrer. Une de ces fresques colorées au dessin délicat et assez gros pour me donner une idée de ce que je suis censée apercevoir sous mes mains. Je souris, continuant de parcourir les formes grâce à la douce poigne de mon ainé. Je me doute qu’il n’est pas en train d’admirer la fresque, mais qu’il guette ma réaction.

« C’est vraiment beau ! Je veux en voir plus ! Aller Tae Hyunnie, montre-moi ce que tu dessines quand tu viens ici…»

En un instant, il s’est emparé de ma main et m’entraine plus loin. Je le suis en me guidant de ses pas, observant avec attention les différentes formes qui passent sous mes yeux. Je n’en vois certainement pas les détails, mais je suis certaines que tout doit être magnifiques. Sublimes.

Puis la lumière revient, plus forte, au même instant que le vent qui vient caresser mon visage m’indiquant que nous nous trouvons à l’extérieur. Je plisse les paupières, surprise.

« Où on va ? »

Il s’arrête, et je l’imite, curieuse. Il me guide jusqu’à ce qui me semble être un banc, et me laisse m’y assoir avant de me rejoindre. Je lève les yeux vers le ciel qui me semble bien loin et bien blanc, malgré le soleil qui fait doucement son retour. Puis j’étends mes jambes avant d’essayer de distinguer quelques détails qui pourraient me prouver combien le lieu vaut sa réputation.

« J’aimerais tellement que tu vois ça … »

Je fronce les sourcils, touchée par le ton désolé et déçu qu’a employé mon ami. Nous ne parlons jamais de ma vue qui se faiblit jour après jour, alors je ne sais pas ce qu’il en pense. Je ne lui demanderais surement jamais d’ailleurs.

Résignée, je me lance dans un grand sourire et attrape sa main entre les miennes pour ramener son attention vers moi. Lorsque je perçois le mouvement de sa tête, j’essaie de plonger mes pupilles fatiguées dans ses beaux yeux chocolatés. De ma main libre, je glisse un doigt le long de ses lèvres pour les étirer autant que possible. Satisfaite, j’hoche la tête.

« Je peux très bien voir à travers ton regard à toi, ne t’inquiète pas. »

Puis, tapotant gentiment et maladroitement le haut de son crâne, j’ajoute d’une voix joyeuse :

« Alors fais ton travail que je puisse admirer un peu! Ingrat va !»

Je ne veux pas qu’il s’inquiète. Pas lui…

« C’est vraiment beau ! Je veux en voir plus ! Aller Tae Hyunnie, montre-moi ce que tu dessines quand tu viens ici…»

Lorsqu’Eun Mee lui demandait de lui montrer ses croquis, Tae Hyun ne savait plus ou se mettre. Il était souvent gêné lorsque les autres voyaient ses dessins. La plupart du temps, ce sont des dessins personnels, qui représentent des gens qu’ils aiment, ou bien tout simplement des scènes de la vie quotidienne. Certes, il y  avait de nombreux croquis d’immeubles, mais ce n’était pas ce qu’il y avait dans le carnet qu’il avait ce jour là. C’est alors que le jeune homme, en lui prenant la main, l’entrainait vers l’extérieur.

Tae Hyun était impressionné par le savoir faire des architecte et des paysagistes d’antan. Aujourd’hui, on ne voit pas d’aussi belles choses, et c’est bien dommage. Le jeune architecte rêve parfois qu’il ait le même talent que ses prédécesseurs. Car il était loin d’avoir le même niveau qu’eux. Le jeune homme avait pourtant travaillé si dur pour obtenir son diplôme d’architecture. Enfin, il était le seul à dire qu’il n’avait pas de talent. Tout en ayant ses pensés, le jeune homme posa son regard sur Eun Mee. Il baissait la tête et soupirait une fois de plus. Il avait du mal à accepter le fait que son amie ait cet handicape. Il en voulait aux médecins de ne pas trouver de solution, et demandait souvent à Dieu pourquoi elle et pas une autre. Tae Hyun allait souvent à l’Eglise pour prier pour Eun Mee. Chose, qu’il ne ferait pas pour quelqu’un d’autre.

Le sourire d’Eun Mee le réconfortait beaucoup. Elle avait le don pour lui réchauffer le cœur. Tae Hyun était content et surtout fier d’avoir une amie comme elle. Il avait apprit grâce à elle  de profiter de sa vue et de s’émerveiller devant chaque chose qui lui passait devant les yeux. Lorsqu’elle lui prenait la main, il tournait à nouveau la tête et plongeait son regard dans le sien. Tae Hyun n’était pas le genre de personne à être mal à l’aise lorsque quelqu’un le regardait comme cela. Mais là, il se sentit rougir. Il espérait que Eun Mee ne s’en était pas aperçu, vu qu’ils étaient plutôt proche à ce moment là. Elle le faisait à nouveau sourire d’un geste de la main. Les gens tout autour d’eux auraient pu penser qu’ils étaient ensemble, vu la proximité qu’il y avait entre eux deux. Beaucoup de personne on déjà demandé au jeune homme si il était amoureux d’elle. Et il avait toujours répondu négativement. Tae Hyun n’était jamais tombé amoureux, et ne connaît pas du tout ce sentiment. De plus, il est persuadé que les sentiments qu’il a envers son ami son de simple sentiment d’amitié. Il se jurait alors d’en parler à sa meilleure amie pour voir ce qu’elle en pensait elle, elle a qui il confiait toujours tout.

« Tu peux toujours voir mes dessins ? »

Il venait d’avoir une idée. Si elle ne pouvait pas voir d’elle même le magnifique jardin qu’il avait face à lui, il pouvait très bien le dessiner de façon à ce qu’elle le voit tout de même. D’autres personnes auraient simplement prit une photo, mais il trouvait ça plus personnel si il faisait lui même un dessin de ce qui se dessinait devant lui. Tae Hyun prenait son calepin et tournait rapidement les pages, de peur qu’Eun Mee voit ses anciens dessins. Il prenait son crayon en le sortant de sa poche et s’activait à la tâche. Il levait très rarement la tête pour voir quelques détails car Tae Hyun avait une mémoire idétique et se souvenait donc très bien de chaque détail qu’il y avait à faire. Il souriait de temps en temps et poussait aussi quelques soupirs lorsqu’il n’était pas content de ce qu’il faisait. Il terminait alors, une bonne vingtaine de minutes après avoir commencé son croquis puis, avec un très large sourire, il mettait le calepin devant son propre visage, laissant juste la place à ses yeux de voir la réaction d’Eun Mee.

Il regardait ensuite le ciel, se demandant comment autant de nuage avaient pu apparaître si rapidement. L’air devenait de plus en plus frais et Tae Hyun s’inquiétait de savoir si son amie n’allait pas attraper froid.

« Eun Mee ... Il fait froid … Tu ne veux pas ma veste ? »

Sans attendre une réponse, il se levait et enlevait sa veste. Il était comme ça, il demandait toujours l'avis des autres, mais au final, il ne les écoutait pas.Il déposait alors cette dernière sur les épaules d’Eun Mee puis il se remit à sa place, à côté d’elle. Son regard se posa à nouveau sur son amie et lui fit un large sourire. Pourquoi ? Il ne le savait pas lui même. Tae Hyun prenait alors les mains de son ami entre les siennes pour les réchauffer. Il pouvait rester comme cela pendant des heures, ça ne le dérangeait pas. Le silence l’apaisait. Seul le bruit du vent qui rencontrait l’eau se faisait entendre.

J’attends en balançant mes jambes dans le vide, un sourire inévitable flottant sur mes lèvres. Je sais qu’il ne me regarde pas, car les frissons qui parcourent mon échine quand c’est le cas, ont disparu. J’aimerais savoir ce qui parvient à le captiver comme ça. Le décor doit vraiment être magnifique, je le devine rien qu’aux reflets des couleurs. Alors, il doit se sentir à sa place, dans son univers… En me laissant à l’entrée. Du coup, je tourne ma tête vers lui, la penchant légèrement pour obtenir un peu de son attention. Je cerne son mouvement, et les traits de son visage m’apparaissent plus distinctement. Nous sommes proches, très proches. A tel point que je peux voir ses yeux bruns plonger dans les miens, déclenchant la série de frissons incontrôlés qui arrivent toujours en sa compagnie. Je cligne des yeux, pensant avoir aperçu les joues de mon ami devenir légèrement roses. Mais c’est impossible. Tae Hyun ne rougit pas, du moins pas en ma présence.  D’ailleurs, je ne me souviens pas avoir déjà senti son joli visage se chauffer sous mes doigts…

« Tu peux toujours voir mes dessins ? »

Je sursaute doucement, sentant sa main quitter ma paume. Je n’aime pas le sentiment de vide qui s’empare de moi lorsque je m’en aperçois. Mais il se met à fouiller, et récupère son carnet. Ce carnet qu’il emmène partout où il va, que ce soit dans son sac ou dans ses mains. Je souris. J’adore ce carnet. Il porte ses empreintes, sa marque, tous ses espoirs et ses efforts. Je peux les sentir en laissant mes doigts inquisiteurs danser sur le papier griffonné.

« Evidemment que je le peux ! S’il y a bien une chose que je tiens à voir, ce sont tes dessins Tae Hyunnie ! » Réponds-je doucement alors qu’il fait défiler les pages pour en trouver une blanche.

Mue par un automatisme troublant, je me rapproche un peu, de sorte à ce que ma vue s’habitue à la clarté du papier sans le gêner dans ses mouvements. Nos épaules se frôlent à peine, mais je peux quand même sentir sa chaleur au travers de sa veste à chaque fois qu’il bouge le bras pour le déplacer sur son calepin. Silencieuse, je me penche et tente de discerner les traits qu’il est en train de tracer. Très vite, je vois les grains blancs de la feuille se noircir. Petit à petit, les formes apparaissent et deviennent claires, même sous mon regard voilé. J’arrive à deviner ce qu’il tient à me montrer, et ce n’est plus sous mes mains que je vois les choses mais grâce aux siennes.

Parfois, il lâche un petit soupir agacé, ce qui ramène mon attention sur son visage. Il est vraiment beau Tae Hyun, je m’en rends compte de plus en plus chaque jour, alors que mes yeux ne parviennent pas toujours à le voir distinctement. Mon cœur se serre en pensant que bientôt, peut-être dans un avenir tout proche, je n’arriverai même plus à le voir. Ni lui, ni ses merveilleux dessins qui apportent tant de couleur à mon cœur…

Je me pince les lèvres, m’écartant doucement pour ne pas qu’il remarque que mon expression s’est assombri. Il est tellement mieux, concentré sur son carnet, les sourcils froncés, à des lieux de toute préoccupation autre que ce que son dessin donnera une fois fini.
D’ailleurs, lorsqu’il se redresse, je n’ai aucun mal à reprendre mon sourire joyeux. Il se cache derrière le résultat, attendant probablement le verdict. Et comme d’habitude, alors que je plisse les yeux pour voir son dessin, j’en ai le souffle coupé. J’ouvre la bouche, cherchant les bons mots pour décrire la perfection qu’il vient de créer. Si fin, si beau, si précis…

« C’est magnifique… » souffle-je émerveillée. « C’est vraiment ce qu’il y a autour de nous ? Parce que… Waouh… C’est juste magnifique. »

Je lui prends délicatement des mains afin d’avoir une meilleure vue sur son œuvre. Parfait, tout simplement parfait.

« Tu es vraiment doué Jang Tae Hyun. »

Est-ce qu’il m’écoute au moins ? Je rigole doucement en remarquant qu’il a le nez levé vers le ciel. Qu’y-a-t-il de si intéressant là-haut ?

« Eun Mee ... Il fait froid … Tu ne veux pas ma veste ? »

Je n’ai pas le temps de répondre, que déjà, il s’est redressé et a passé sa veste sur mes épaules. Mon cœur loupe un battement alors que je baisse la tête. Ne pas rougir, ne pas rougir.

« Merci… » souffle-je en resserrant la veste autour de moi.

Il ne dit rien mais sourit, de ce sourire qui manque de me rendre folle. Il récupère mes mains et les emprisonnent contre les siennes les frottant légèrement en sentant leur froideur. Est-ce qu’on ne peut s’empêcher de sourire ? Toujours en sa présence, je souris, apaisée.

« Raconte-moi ce que tu fais en ce moment au travail, dans ta vie, tout ça… » demande-je d’une petite voix, consciente que lui adore écouter le silence.

Seulement, je préfère entendre sa voix me parler de tout et de rien. Pour essayer de capter ne serait-ce qu’un peu de morceaux de sa vie, m’assurer qu’il va bien. Etre plus proche de lui. Alors, je pose ma tête sur son épaule, jouant doucement avec ses doigts pendant qu’il me parle. Je sens sa gorge gronder tout près de mon oreille et ça me fait sourire. Je suis bien, ici, avec lui. Juste avec lui. Comme coupés du temps, comme si l’extérieur ne comptait plus et que désormais il n’y avait que nous deux. C’est une drôle de sensation. Avant, il n’y avait que Hyun Soo. Toujours Hyun Soo, et seulement lui. En quoi est-ce différent à présent ?

Plus loin, j’entends la voix d’une femme murmurer quelque chose qui me fait rire, mais je ne bouge pas pour autant. Je ne pense pas qu’il l’ai entendu, il n’a pas la même attention que moi sur ce qui nous entoure, alors je lui répète d’un air amusée :

« Elle a dit que nous formions un joli couple, et qu’on lui rappelait sa jeunesse insouciante… Je suppose qu’elle doit parler à son mari ? »

Vraiment, je suis bien. Le cœur plus léger.

Lorsqu’Eun Mee avait donné son dessin il y a plus de dix ans maintenant à Tae Hyun et qu’elle lui avait montré avec ses yeux sa vision du monde, il s’était promis de faire pareil pour elle. Beaucoup de personne devait prendre exemple sur elle. Malgré son handicape, elle restait toujours souriante et joyeuse. Et il l’admirait pour cela. Lui qui se plaignait pour le moindre petit truc qui n’allait pas. Lorsqu’il était avec elle, il essayait de ne pas montrer ce côté là, mais c’était plus fort que lui.

« Tu es vraiment doué Jang Tae Hyun. »

Sa remarque lui réchauffait le cœur. Il s’était tellement entraîné à dessiner qu’il était content quand les gens remarquaient son talent. Le jeune homme regardait encore une fois Eun Mee, pourquoi le faisait-il si souvent ses derniers temps ? Il fallait qu’il parle à Ae Cha, elle connaîtrait certainement la raison. Elle qui le connaît par cœur.

« Raconte-moi ce que tu fais en ce moment au travail, dans ta vie, tout ça… »

Lorsqu’elle déposait sa tête sur l’épaule de Tae Hyun, il baissait la tête et la tournait légèrement pour voir à nouveau son visage. Depuis quand étaient-ils si proche ? Il a toujours aimé le contact et ne peut pas s’empêcher d’être tactile avec les femmes. Mais, la plupart du temps, les autres sont gênés par sa proximité. Mais pas Eun Mee. Ca lui faisait bizarre d’être proche de quelqu’un comme ça. Il n’avait pas l’habitude. C’est sûr et certain, il allait appelé sa Noona le soir même pour lui parler de tout ça.

« Mon patron m’a demandé de travailler sur un gros dossier, seul. C’est la première fois qu’on me demande de dessiner un bâtiment seul. Ca me fait bizarre de savoir que dans quelques années, il y aura une de mes créations dans le décor de Séoul. Sinon, il n’y a rien de nouveau … Et toi ? Tes cours se passent bien ? »

Il n’avait pas envie de lui demander si à cause de sa cécité, les autres lui donnaient du fil à retordre. Il savait qu’elle n’aimerait pas sa question. Mais il ne pouvait pas s’empêcher de s’inquiéter constamment pour elle. Il lui faisait confiance, il savait qu’elle pouvait se débrouiller toute seule. Mais il n’avait pas confiance aux autres. Il savait comment sont les gens avec les personnes un peu différente et il savait très bien que tout le monde n’a pas bon fond.

Les murmures des gens autours d’eux le faisait sourire. Tae Hyun savait très bien que certains regards étaient tournés vers eux. Cependant, il ne savait pas ce qu’il disait, et franchement, il s’en fichait un peu. Ce qui l’importait, c’était ce que pensait Eun Mee. Lorsqu’elle lui racontait ce que venait de dire une des femmes, il fut surpris. Non pas par ce qu’elle avait dit, mais par le ton amusé d’Eun Mee.

« Elle a dit que nous formions un joli couple, et qu’on lui rappelait sa jeunesse insouciante… Je suppose qu’elle doit parler à son mari ? »

Ne sachant pas trop quoi répondre, le jeune homme levait une fois de plus la tête vers le ciel, réfléchissant à une réponse. Il était content que les gens pensent qu’ils formaient un beau couple. Si il avait une petite amie, sa mère serait certainement très heureuse, elle qui veut absolument le caser et le marier. Il a beau lui dire qu’il est jeune, elle s’en fout. De plus, Tae Hyun ne sait pas ce qu’est vraiment l’amour. Il a déjà eu des petites amies mais il n’est jamais tombé amoureux d’elles. Soudain, Tae Hyun se posait une question au sujet d’Eun Mee.

« J’espère que ton petit ami ne sera pas jaloux si il nous voit. »

Il avait déjà rencontré un des petits amis d’Eun Mee autrefois. C’était d’ailleurs un Twao qu’il n’aimait pas vraiment. Tae Hyun ne savait pas si la jeune fille était au courant pour la condition de ce dernier. En tout cas, il ne voulait pas qu’elle le soit. Il voulait la protéger de tout ces Twaos. Si un jour l’un d’entre eux lui faisait du mal en partant pour une autre Twao, il savait qu’elle ne s’en remettrait pas, comme sa mère. Il ferait alors tout pour la venger.

Tae Hyun n’était pas le genre de personne à y aller par quatre chemins. Lorsqu’il avait une question, il l’a posait. Il ne savait pas comment allait réagir Eun Mee, et quand il remarquait sa surprise, il se mettait aussitôt à sourire à pleines dents. Tae Hyun ne pouvait pas s’empêcher de vouloir tout savoir sur les relations amoureuses de ses amies. Il était trop protecteur envers elles et ne supportait pas de les voir en mauvaise compagnie. En fait, il est plutôt jaloux. Il ne supporte pas de voir les gens qu’il aime avec d’autres personnes. De plus, il n’a pas confiance aux hommes. Il est persuadé que tous les hommes sont des obsédés qui pensent qu’avec leurs engins.

« Il le serait surement… Très jaloux. »

QUOI ???

« Si j’en avais un. »

Ah, le voilà rassuré. Tae Hyun était très perspicace en ce qui concerne l’amour. Enfin, il savait deviner qui est amoureux de qui et si les gens étaient fait l’un pour l’autre ou non. Parfois, il s’asseyait sur un banc et observait les couples et imaginait leur rencontre. En revanche, le concernant, il n’avait jamais su si il était tombé amoureux ou non. Quand on lui demandait si il était déjà tombé amoureux et qu’il répondait par la négative, les gens étaient surpris. Certainement parce qu’il va avoir 23 ans et que c’est vraiment bizarre pour quelqu’un de son âge de n’être jamais tombé amoureux. Enfin, Tae Hyun s’en foutait un peu. Pour l’instant, la seule chose qui le préoccupait, c’était son travail et ses amis. L’amour, c’est quelque chose qui arrivera quand ça arrivera. Mais alors, pourquoi avait-il eut peur lorsqu’Eun Mee lui avait dit qu’elle avait un petit ami ?

Les mains d’Eun Mee se baladait sur son visage. Cela ne le dérangeait pas car elle l’avait toujours fait. Tae Hyun savait très bien qu’elle faisait ça pour voir ses expressions. Même si il redoutait le fait qu’elle devinerait facilement ce qu’il pensait, il la laissait faire, aimant ce contact. Le jeune homme jetait un regard vers la femme et son mari que Eun Mee avait entendu quelques minutes plus tôt. Ils étaient en train de marcher sur le pont, main dans la main. La femme riait joyeusement aux plaisanteries de son compagnon. Tae Hyun se demanda alors si un jour, il trouverait une personne avec qui il serait aussi proche. Même si il était très proche de ses amies et que, de temps en temps, il leur tenait la main –sauf avec Eun Mee, il lui tenait toujours la main lorsqu’il était avec elle – ce n’était pas la même alchimie qu’il y avait entre ses deux personnes qu’il voyait un peu plus loin.

« Et toi, ta petite amie ne serait pas jalouse de me voir aussi proche de toi ? »  

Il fallait s’y attendre. Il lui avait lui aussi posé la question, il était alors naturel qu’elle lui repose en retour. Avec un large sourire il dit :

« Je n’ai pas de petite amie. Je n’ai pas encore trouvé quelqu’un qui puisse me supporter. »

L’idéal féminin de Tae Hyun ? Une fille qui réussisse à le calmer et qui n’a pas peur de le contrarier. Il savait très bien qu’il n’était pas facile à vivre, avec son humeur changeante. Et surtout, ce qu’il aime chez les femmes, c’est leur sourire. Si sa petite amie sourie devant lui, c’est bon signe non ?

La proximité soudaine d’Eun Mee le surpris sur le coup, puis, il se relaxait petit à petit. Pour s’amuser un peut, il faisait quelques grimaces pour qu’elle ne sache pas ce qu’il pensait.

«... Rassuré ? »

A la fin de sa phrase, Tae Hyun réfléchissait. Etait-il satisfait de la situation ? Non, mais il n’allait pas non plus l’accompagner à la fac. Elle était indépendante, et c’est ce qu’il appréciait le plus chez elle. Elle se débrouillait toujours. Il murmurait pour lui même, oubliant qu’Eun Mee pouvait très bien l’entendre :

« Si seulement je pouvais avoir ta force … »

Il baissait la tête pour regarder son amie.

« Je suis vraiment contente d’être là… »

Le sourire lui revint. Il était lui aussi très content d’être là, avec elle. Si ça ne tenait qu’à lui, ils resteraient là pendant des heures. Tout en la regardant, il lâchait un soupir en disant :

« Un jour, je me banderais les yeux, pour percevoir le monde comme tu le perçois. »

« Tu es tellement adorable Jang Tae Hyun… »

Tae Hyun avait entendu Eun Mee, il voulait sourire, mais il préférait garder sa joie pour qu’Eun Mee ne puisse pas lire en lui.

« Ce serait du gâchis… Tes yeux te servent pour ton don. J’aimerais pouvoir voir le monde tel que tu le vois toi. Etre capable de le dessiner, de le détailler autant que tu le fais. »

Le jeune architecte avait bien envie de lui dire que le monde n’était pas aussi beau que ce qu’elle pensait. Lorsque l’on allait à la mer, on ne voyait que le sable blanc et la mer magnifiquement bleu. Mais si on regardait vraiment, on pouvait y voir la noirceur de la pollution. Il y avait tellement de choses que les gens préféraient oublier pour se dire que le monde est beau. Mais Tae Hyun n’était pas dupe, il savait très bien que derrière chaque belle chose se cachait une part de noirceur. Il n’était pas pessimiste, mais préférait ne pas se voiler la face.

Son visage se durcissait peu à peu. Ses pensés quand à elles s’assombrissaient à leur tour. Tae Hyun voulait qu’Eun Mee puisse voir, car, bien qu’il y ait beaucoup de noirceur dans ce monde de taré, il y avait également beaucoup de beauté. Et même si il appréciait le simple fait de lui tenir la main pour ne pas qu’elle se cogne quelque part, il n’était pas cruel au point de vouloir qu’elle reste ainsi toute sa vie. Au contraire, il avait à plusieurs reprises fait des recherches sur des opérations des yeux qui lui permettrait de retrouver la vue. Bien entendu, il ne lui avait jamais parlé de ça. Il ne voulait pas qu’elle sache qu’il s’inquiétait autant pour elle.

« Mais pourquoi pas ? Ca pourrait être assez drôle comme expérience. »

Il était tellement plongé dans ses pensés qu’il fut surpris d’entendre la voix de la jeune femme. Tae Hyun la regardait et il s’apercevait rapidement que derrière le sourire de la jeune femme, il y avait une profonde tristesse. L’avait-il blessé ? Il en était persuadé.

« Ca ne changera rien, pas vrai? »

Il ne savait pas quoi lui répondre. Lui dire un mensonge n’était pas envisageable. Tae Hyun était bien trop sincère pour lui dire que ça changerait quelque chose. Il savait qu’il ne pourrait jamais se mettre à sa place. Il avait fait une bourde tout à l’heure, en parlant de ça. Il avait terriblement envie de se rattraper, mais il ne trouvait plus les mots. De plus, le fait qu’elle ait rompu le contact physique avec lui le mettait encore plus mal à l’aise. Baissant à son tour la tête, Tae Hyun murmurait :

« Je suis désolé … »

Tae Hyun avait réussi à plomber l’ambiance en quelques minutes seulement. C’était un don que seul lui avait. Depuis des années, sa franchise lui jouait des tours. Disant à tout va ce qu’il pensait. Il fallait qu’il apprenne à fermer sa bouche une bonne fois pour toute car ça allait encore lui attirer des ennuies. Ils restèrent assis là, sur le banc, sans dire un mot pendant plusieurs minutes. Tae Hyun ne s’était pas senti aussi mal depuis des années et se sentait coupable de voir Eun Mee comme ça. Il décidait au bout d’un moment de rompre le silence. Eun Mee et Tae Hyun avaient besoin de parler de la cécité d’Eun Mee. Ils avaient trop longtemps étouffé le sujet. Tae Hyun voulait lui en parler, il en avait besoin

« Je crois qu’on devrait en parler … Je sais que c’est difficile pour toi d’en parler … Mais il le faut … »

Il risquait un regard envers son amie. Il ne savait pas si c’était une bonne idée, mais il fallait une bonne fois pour toute qu’ils en parlent.

« Tu as vu des médecins récemment ? »

Première question qu’il se posait tout le temps. Est-ce que les médecins prenaient soin d’elle. Tae Hyun avait toujours aidé Eun Mee dans l’ombre, pour ne pas qu’elle sache qu’il s’inquiétait vraiment pour elle. Mais il avait toujours envie de savoir ce qu’en disait les médecins. Il regrettait aussitôt sa question. Se sentant mal à l’aise, Tae Hyun se levait et s’appuyait sur la rambarde qui était juste devant eux. Il tournait le dos à Eun Mee, ne voulant pas croiser son regard.

« Je t’en demande trop … Oublies tout ça ! »

Tae Hyun pouvait être un véritable boulet parfois. Ce n’était pas son genre d’être aussi maladroit, surtout avec une femme. D’habitude, il est très à l’aise, et fait tout pour ne pas faire de bourde. Là, on peut dire qu’il avait mis les pieds dans le plat. Il était toujours dos à elle et réfléchissait à ses paroles qu’il regrettait déjà. Pourquoi était-il si curieux ? Pourquoi voulait-il toujours protéger ses amis, savoir si ils allaient bien ? C’était normal après tout de s’inquiéter pour eux. Mais là, ce n’était pas pareil. Tae Hyun savait très bien qu’Eun Mee prendrait mal sa question, son inquiétude.

« Si j’ai vu des médecins ? Des dizaines, Tae Hyun. J’en ai rencontrés des dizaines, pour entendre tout autant de fois la même rengaine. Je vais devenir aveugle. Il n’y a pas de débat à faire là-dessus. »

Tae Hyun serait les poings. Il en était sûr maintenant, il l’avait blessé. Il avait envie de retourner quelques minutes auparavant, avant qu’il ne gâche ce merveilleux moment qu’il avait passé avec elle. Mais comme toujours, Tae Hyun gâche tout. Sa vie était faite de mauvais choix. Jamais il n’avait pris les bonnes décisions, et ça, il s’en mordait les doigts. Il avait perdu beaucoup de personne dans sa vie, et il n’avait pas envie de perdre Eun Mee. Pas elle. Elle qui l’aidait à mieux percevoir ce monde si horrible. Il en voulait aux médecins de ne pas trouver de « remède » miracle à la maladie d’Eun Mee. Mais, il fallait qu’il arrête de croire aux comtes de fée. La magie, ça n’existaient pas, et les médecins ne sont pas des magiciens.

Soudainement, Tae Hyun se rendait compte qu’il avait abandonné Eun Mee sur le banc. Il s’en voulait une fois de plus de la laisser seule. Mais, il était trop mal pour la rejoindre et lui montrer ses sentiments. Il ne voulait pas qu’elle sache qu’il était blessé et surtout énervé.

« Pourquoi ? »

Tae Hyun fut surpris par le contact soudain d’Eun Mee qui venait de s’agripper à lui. Sentant ses mains sur son dos, le jeune architecte tressaillit. Il se sentait si mal de l’avoir laissé sur le banc et de lui tourner le dos.

« Est-ce que c’est parce que je te gêne ? Ou que tu en as marre de t’occuper de moi, tout le temps ? »

Quoi ? Jamais il ne penserait une chose pareil. Eun Mee était loin d’être un fardeau pour Tae Hyun, au contraire, elle était sa force. Elle n’avait pas le droit de dire ça. Maintenant, Tae Hyun était en colère après elle. Il serrait les deux poings, essayant de se calmer, ne voulant pas s’en prendre à Eun Mee. Il regardait le ciel, essayant de trouver de la force pour ne pas craquer. Il n’avait pas l’habitude d’être dans une situation pareil. Il ne s’était jamais senti aussi mal en présence d’Eun Mee. Et ça, c’était entièrement sa faute à lui.

Tae Hyun n’arrivait pas à parler. Il ne savait pas quoi dire, et ça, c’était le pire. Il avait envie de la rassurer. Lui dire qu’elle n’était pas un poids pour lui. Que, au contraire, elle l’aidait à surmonter des épreuves. Mais il n’osait pas. Il ne voulait pas lui avouer que, chaque jour, il regardait ce dessin qu’elle lui avait donné lorsqu’ils étaient encore des enfants. Qu’à chaque fois qu’il la voyait, il se sentait moins seul et plus heureux. Non, il n’avait pas envie de lui dire tout ça. Il avait peur d’être encore maladroit. Tae Hyun avait peur de la perdre.

« Si c’est pour ça… Ne t’inquiète plus pour moi Tae Hyunnie, ça va. Ca ira ! »

Là, le jeune homme ne pouvait plus rester sans rien dire. Il se retournait rapidement et il prit Eun Mee dans ses bras.

« Eun Mee … Ne dis plus jamais ça ! Je ne m’occupe pas de toi parce que j’ai pitié, mais parce que … » Il marquait une pause, cherchant ses mots. « Tu es importante pour moi… »

Tae Hyun était surpris des mots qui venaient de sortir de sa propre bouche. Il n’arrivait plus à penser clairement Il n’avait décidemment pas l’’habitude de ce genre de conversation. Ce qu’il savait en revanche, c’était qu’il était toujours énervé après lui même. Il venait de blesser Eun Mee, il en était persuadé. Il avait envie de la protéger, et elle, elle ne le voulait pas. Il fallait qu’il prenne ses distances, c’est ça qu’elle voulait ? Tae Hyun réfléchissait trop et se faisait beaucoup trop de film. Mais des centaines de questions se bousculaient dans sa tête.

« Si je t’étouffe trop, il faut que tu me le dises … Je … Je sais que c’est pénible d’avoir toujours quelqu’un qui surveille nos moindre faits et gestes. Mais, tu ne peux pas me dire d’arrêter de m’inquiéter pour toi… C’est impossible. »

Tae Hyun la serrait encore plus fort dans ses bras, comme ci il avait peur qu’elle s’en aille.

HJ:

J’ouvre grands les yeux alors que je sens ses bras passer autour de ma taille et m’attirer contre lui. Je ne bouge plus, figée par ce geste qui est loin d’être habituel. Bien sûr, il me prend la main parfois, mais toujours pour me guider, m’empêcher de tomber ou de rencontrer je ne sais quel obstacle. Seulement, d’aussi loin que je me souvienne, il ne m’a jamais vraiment pris dans une étreinte pareille. Pas avec cette force, cette peur muette qui me noue l’estomac. Sans que je parvienne à mettre un nom dessus. Alors, je reste simplement les bras ballants, le front posé sur son torse pendant qu’il me serre, m’emplissant de sa chaleur réconfortante. Je peux presque sentir son cœur furieux battre contre mon visage.

« Tu es importante pour moi… »

Je me sens rougir, et c’est au tour de mon cœur de se mettre à frapper mes côtes. Si fort que je suis sûre qu’il peut le sentir se débattre contre son torse. Ça aussi, c’est nouveau. Je n’ai jamais pensé qu’il pourrait avoir pitié de moi, de quelque façon que ce soit. Je me disais surtout qu’il m’appréciait, que c’était sa manière à lui, maladroite certes, de me le montrer. Mais il n’a jamais mis de mot précis sur ce que je représentais pour lui. Moi non plus d’ailleurs, je n’ai jamais eu à lui avouer que s’il décidait de partir, comme ça, du jour au lendemain, je deviendrais réellement aveugle. Et pas uniquement parce que j’aurai perdu la vue.

Tae Hyun, ça a toujours été bien plus qu’un ami, sans que je puisse déterminer sa place dans ma vie. Je sais simplement que je ne veux pas qu’il la quitte. Il est celui qui me montre le chemin quand je suis incapable de le retrouver seule, celui qui me guide si j’ai peur d’avancer, celui qui n’a jamais quitté mes côtés même quand mes craintes me rendaient insupportable. Etre à côté de lui me réconforte, me rassure et me fait me sentir moins seule. J’ai presque l’impression d’être comprise. Il m’apporte tellement, que s’il vient à me tourner le dos pour de bon, ce serait comme me pousser du haut d’une falaise. Chaque jour, j’essaie de lui rendre ne serait-ce que la moitié des couleurs qu’il impose dans ma vie. D’abord parce que quelqu’un d’aussi doux et attentionné ne devrait pas avoir à subir ce que lui subit, et ensuite parce que j’aime vraiment son sourire. Et que tant que j’ai le droit de le voir, je compte tout faire pour en profiter.  C’est peut-être ce meilleur ami dont parlent souvent les enfants ? Ce confident qui partage mes secrets et les rend moins lourds ? Un peu un mélange de tout. Probablement.

« Si je t’étouffe trop, il faut que tu me le dises … Je … Je sais que c’est pénible d’avoir toujours quelqu’un qui surveille nos moindre faits et gestes. Mais, tu ne peux pas me dire d’arrêter de m’inquiéter pour toi… C’est impossible. »

Et mon cœur qui ne cesse de courir à une vitesse vertigineuse, alors que ses mots prennent lentement un sens dans mon esprit. M’étouffer ? Lui ? Je fronce les sourcils. Ce serait plutôt à moi de dire ça, non ? Je sens sa prise se raffermir, nous rapprochant davantage. Je le connais, je sais reconnaitre les signes qui montrent quand il a peur, ou qu’il ne va pas bien. Et là, je mettrais ma main à couper qu’il est loin de se sentir confiant. Alors, lentement, je lève les bras, entourant à mon tour sa taille fine. Je serre les poings sur son pull, fermant les yeux.

« Pardon… » murmure-je doucement. « Je ne voulais pas te blesser Tae Hyun… Je ne veux pas que tu me laisses, c’est tout. »

Je deviens faible, c’est tellement rare. Quand je laisse tomber mes barrières pour montrer mes véritables sentiments. Il n’y a bien que deux personnes qui peuvent se vanter de ce miracle, et Tae Hyun est l’une d’elle. Je m’accroche encore plus, comme pour lui montrer qu’il n’a pas intérêt à faire un pas loin de moi, s’il ne veut pas gouter à ma fureur. Enfin, si j’étais seulement capable de lui faire le moindre mal.

« Je culpabilise souvent, parce que tu as assez de problèmes comme ça et que je ne fais que t’en rajouter sans t’aider plus que ça… »

Et pourtant, j’essaie. J’essaie de le calmer avant que ses crises ne surviennent, à s’ouvrir un peu plus en lui montrant que le monde n’est pas si sombre ou d’alléger un tant soit peu le poids de ses soucis. Ce qui n’a pas de très grands effets, malheureusement. Je soupire, relevant doucement la tête pour essayer de cerner les expressions de son visage. Pour ça, je dégage une main timide de son dos et la fait glisser jusqu’à sa joue, où mon pouce frôle le coin de ses lèvres. Je me suis jamais demandé si ça pouvait le gêner ? Quand les habitudes nous tiennent…

« Je retournerai voir autant de médecin qu’il faut, je te le promets. Je n’abandonnerai pas, alors ne me laisse pas. Et arrêtons d’être de parfaits idiots. » souris-je en espérant vainement détendre l’atmosphère.

Hors-RP: